Par Víctor Piccininni

Un regard humaniste sur la fin de la vie et la mort. Quelques paragraphes pour définir un thème qui couvre des millions de pages dans la littérature des différentes cultures et civilisations. Voyons.

Un regard, par opposition au simple fait de voir, implique une intention, une action engagée envers ce qui est observé. Ce qui définit ce regard, c’est ce qui le fonde, ce qui le soutient.

Mentionnons quelques-uns des principes et des valeurs qui soutiennent ce regard humaniste de la fin de vie et de la mort :

  1. Nous définissons l’être humain comme un être intégral dont l’existence comprend au moins trois aspects : physique, psychologique et spirituel. Nous affirmons que dans la mort physique, un cycle biologique se termine (la vie du corps cesse) et une étape psychologique se ferme (la biographie), mais la possibilité d’une transcendance spirituelle est latente dans le cadre d’un processus que la conscience et la connaissance habituelle ne peuvent pas saisir, mais qu’elles peuvent soupçonner, imaginer, deviner et, dans certains cas, commencer à expérimenter.
  2. Ce regard différencie la souffrance mentale de la douleur physique et agit différemment sur les deux aspects.
  3. Observez l’évolution de la vie en tant que processus, avec des cycles, des rythmes et des étapes. Chaque étape a un sens et une signification. Chaque étape a une fonction dans l’ensemble du processus vital complet. L’étape de la fin de la vie physique est l’une d’entre elles, aussi importante que la naissance, l’enfance ou la jeunesse et doit être traitée avec la même affection, les mêmes soins et la même attention.
  4. La perspective humaniste rejette totalement la conception matérialiste qui centralise la vie dans le corps ou dans la capacité à produire ou à consommer des objets. Cette conception anti-humaniste rejette et dégrade les étapes de la vieillesse parce qu’elle les considère comme peu « utilitaires ». La vieillesse n’est pas un coût qu’il faut minimiser. L’être humain n’est pas un objet à écarter lorsqu’il ne peut remplir une certaine fonction utilitaire dans un système social dominé par cette vision inhumaine de la vie elle-même. Par conséquent, une approche humaniste doit exiger que le système social alloue des ressources suffisantes pour que tous les centres de santé puissent fournir des soins complets et de qualité aux personnes qui approchent de la fin de leur vie.
  5. Enfin, ce qui est essentiellement humain dans l’être humain, c’est son intentionnalité toujours lancée vers le futur, la capacité toujours latente d’ouvrir l’horizon, de transformer sa vie, de prendre contact avec le profond et l’essentiel de son intériorité, de dépasser les limites apparentes que la nature lui impose. Dans ces limites apparentes se trouve la finitude du corps. Pourquoi faudrait-il s’arrêter à cette limite apparente si son essence nous indique exactement le contraire ?

Partant de ces principes fondamentaux que nous avons mentionnés, quelles sont les actions qui définissent cette « vision humaniste » lorsque la fin de la vie du corps physique approche ?

Ce sont les suivantes :

    1. Apprendre à différencier la douleur physique (qui peut être minimisée par des soins médicaux) de la souffrance mentale (qui est le reflet de la peur, de l’attachement au corps et des aspects plus superficiels de la personnalité).
    2. Comprendre et aider à la clôture biographique de la personne qui est en fin de vie physique. Cela signifie qu’il y a nécessité d’une réconciliation profonde de la personne avec elle-même, avec les autres et avec la vie en général. Comment aider ce processus d’intégration et de réconciliation qui permet cette cessation biographique dans le calme, en paix avec soi-même, avec les autres et avec la vie.
    3. Pour comprendre qu’au-delà du cycle de vie du corps, et de la cessation biographique, il y a un troisième processus qui se fraie un chemin et qui ne dépend pas du corps. C’est la possibilité de transcendance au-delà du temps et de l’espace habituels. C’est la possibilité que cet intangible qui soutient le corps et l’esprit, réalise l’unité et transcende les autres états évolutifs.

Cette vision humaniste de la fin de la vie (physique) et de la mort implique un paradoxe. Alors que nous disons adieu au corps et que nous clôturons notre biographie avec affection et amour, nous assistons en même temps à la possibilité d’une naissance spirituelle ouvrant la possibilité de la transcendance. Quel moment sublime que celui de la mort ! Tant de choses se passent dans le profond de la personne que nous accompagnons…

Un regard qui reconsidère la mort comme une transition entre les temps et les espaces modifie, non seulement tout ce qui arrive à cette personne, mais transforme aussi tout son environnement familial et social.

Il s’agit d’un changement de perspective qui implique non seulement un changement personnel et familial, mais aussi un changement culturel. S’éloigner d’une culture de la peur, du déni et du tabou de la mort pour se tourner vers une culture de la compassion, de la réconciliation et de la transcendance.

Ce regard humaniste est transformateur du processus de la mort.

Si nous agissons sur cette base, nous contribuerons à transformer la souffrance mentale de ces moments en compassion et en réconciliation, l’attachement au corps en abandon et en gratitude, et la froideur de la mort en accompagnement chaleureux face à la possibilité d’une transcendance spirituelle.

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet