« Bonjour. Je suis députée et j’ai besoin d’aide. » Avec ce titre, la députée du parlement espagnol Marta Sibina a dénoncé la complicité entre les compagnies pharmaceutiques et les grands partis. Ceux-ci permettent aux compagnies pharmaceutiques de prendre des gros bénéfices au détriment du système de santé publique.

La députée Marta Sibina, membre du parlement espagnol pour En Comú Podem, infirmière et militante de longue date pour la défense de la santé publique, a dénoncé le scandale de ce qu’elle a appelé « le vol des compagnies pharmaceutiques dans notre système de santé, avec la complicité du PP [N.d.T. Parti populaire, est un parti politique libéral-conservateur] et du PSOE [N.d.T.  Parti socialiste ouvrier espagnol, parti politique de centre gauche social-démocrate] ».

Elle l’a fait par le biais d’une vidéo intitulée « Bonjour, je suis député et j’ai besoin d’aide », dans laquelle il explique clairement et simplement comment un médicament coûte beaucoup plus cher en Espagne qu’en Allemagne, par exemple, parce que cela est autorisé par les partis qui ont gouverné en Espagne. Elle demande du soutien pour diffuser la vidéo, en espérant que lorsque son contenu sera connu par des millions de personnes, le PSOE – parti de gouvernement – décidera au Congrès des députés de confronter les entreprises pharmaceutiques.

Vidéo (ESP) et transcription du texte en français :

Bonjour, je m’appelle Marta Sibina, je suis infirmière, je suis députée dans le parlement et j’enregistre cette vidéo parce que j’ai besoin d’aide pour découvrir un scandale dont personne ne veut parler : le vol par d’entreprises pharmaceutiques, dans notre système de santé, avec la complicité du PP et du PSOE.

Il y a plus d’un an, en tant que députée, membre de la Commission de santé du Congrès, j’ai réussi à obtenir qu’une sous-commission s’occupe de cette question. Mais d’abord le PP et maintenant le PSOE l’ont bloqué. Face à ce pacte de silence fait avec la complicité des médias, appartenant à la banque, la seule arme qui me reste est d’enregistrer cette vidéo dans l’espoir qu’elle soit diffusée au maximum de personnes.

Commençons par quelques données, il y a quelques mois, j’ai posé la question suivante au gouvernement : Pourquoi la santé publique espagnole paie-t-elle à la compagnie pharmaceutique Roche 597 € pour chaque unité d’un médicament appelé herceptin [N.d.T. pour traiter les patients adultes atteints du cancer du sein], quand au Royaume-Uni, ce sont 478 € qui sont payés pour ce médicament ? Pourquoi l’Espagne paye 119 € de plus par unité ? Ils ne m’ont pas répondu.

J’ai également demandé : Pourquoi le système de santé publique espagnol paie-t-il 1273 € pour chaque unité d’un médicament appelé avastin ? [N.d.E. pour le traitement du cancer rectal et du côlon métastatique], alors qu’au Royaume-Uni, 894 € sont payés pour le même médicament ? Pourquoi en Espagne nous payons 380 € de plus par unité ? le gouvernement n’a pas répondu non plus.

Ce ne sont que deux exemples parmi tant d’autres. Que se passe-t-il ? Ce qui se passe, c’est de la fixation des prix et c’est un scandale.

Pendant des années, on nous a dit que les médicaments coûtaient cher parce que les compagnies pharmaceutiques investissent beaucoup d’argent dans la recherche et qu’elles doivent le récupérer, mais il faut le dire clairement : c’est un mensonge. Divers rapports de la Commission européenne ont révélé que le fait de payer pour la recherche est une fraude. Comme la recherche ne représente que 16% du prix, cela signifie que les compagnies pharmaceutiques nous demandent beaucoup plus que la valeur réelle des médicaments, mais le pire est que c’est possible parce que les gouvernements n’osent pas arrêter ces compagnies. En 2016, le directeur général des pharmacies du Système national de santé a été très clair : nous ne savons pas ce que coûtent les médicaments qu’elles nous vendent. Nous ignorons totalement le coût de ce que nous achetons, c’est-à-dire, que nous achetons pour des millions d’euros de médicaments, sans que nous sachions combien ils coûtent réellement. C’est comme si on vous attribuait la construction d’un ouvrage public sans savoir quel est le prix de revient réel de l’ouvrage et tout cela est illégal. C’est ce qui se passe avec les médicaments.

Dans son rapport Médicaments : Droit humain ou négoce ? l’expert en santé publique et politiques de santé, Fernando Lamata, parle aussi très clairement : dans d’autres secteurs industriels, les coûts des matériaux, les dépenses financières et une marge bénéficiaire raisonnable sont pris en compte. Mais en aucun cas ils est payé un 1000% des coûts. Parce que cela serait considéré comme un détournement de fonds publics. C’est ce qui se passe avec les médicaments. Et ce n’est pas tout, ces dernières années, les compagnies pharmaceutiques ont utilisé un argument encore plus scandaleux : elles disent qu’il faut payer pour la valeur du médicament, c’est-à-dire : pas pour ce qu’il coûte, mais pour ce qu’il fait épargner. Pour nous comprendre, c’est comme si un fabricant de feux de signalisation voulait faire payer le nombre de vies sauvées par ses feux de signalisation, au lieu de faire payer ce qui vaut la fabrication d’un feu de signalisation. Et nous en arrivons à une question fondamentale dont personne ne veut parler : si un fabricant de feux de signalisation voulait faire payer les vies qu’il sauve, il serait très facile de trouver un autre fabricant et c’est tout. Mais les produits pharmaceutiques sont protégés par des brevets, et c’est pourquoi nous ne pouvons pas chercher un autre fabricant. Et c’est là que commence le chantage auquel les gouvernements cèdent. En 2016, le groupe d’experts en santé de la Commission européenne a été absolument clair : le monopole accordé par le système des brevets est utilisé pour obtenir le maximum prix possible, qui peut aller bien au-delà des coûts de R&D [N.d.T. Recherche et Développement] et un profit raisonnable.

Le chantage fonctionne comme ceci : le brevet sert, nous dit-on, à récupérer l’investissement de la recherche, mais en profitant du brevet, qui est accordé par les gouvernements, les entreprises non seulement font payer la recherche, mais aussi mettent le prix qu’elles veulent.

Un cadre supérieur de la société pharmaceutique Gilead a reconnu que pour mettre le prix des médicaments, le prix de revient et le coût de la recherche n’ont pas d’importance. « Nous demandons tout ce que le client peut payer », dit-il. Pouvez-vous imaginer que les infirmières, les docteuresses et toutes les travailleuses du système de santé publique aimeraient être payées pour les vies qu’elles sauvent ? Ça ne viendrait à l’esprit de personne, n’est-ce pas ? Par contre, les compagnies pharmaceutiques le font. Et le gouvernement le permet. Si les travailleurs de la santé font la grève, le gouvernement dit qu’il n’y a pas d’argent. Si les retraités se plaignent du montant du ticket modérateur, le gouvernement dit qu’il n’y a pas d’argent. Le PSOE nous dit, dans son budget, qu’il réduira progressivement, petit à petit, le ticket modérateur. Mais cette année, comme chaque année, les compagnies pharmaceutiques vont faire du chantage au gouvernement, et le gouvernement va obéir et payer. Ainsi, alors que les compagnies pharmaceutiques font des milliards de dollars de profits, les coffres de la santé publique seront vidés. Le gouvernement doit choisir, ou continuer à céder au chantage des produits pharmaceutiques ou les arrêter.

Comme je l’ai dit au début, le PP et le PSOE bloquent depuis plus d’un an une sous-commission pour s’occuper de cette question. En tant que députée, je continuerai à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour tenter de mettre un terme à ce braquage, mais je suis sûre, à cent pour cent, que je ne pourrai rien faire du tout si les gens sont toujours dans l’ignorance de ce scandale. Si cette vidéo est vue par quelques personnes, l’industrie et le gouvernement vont se taire, comme ils le font depuis des décennies. Les médias, entre les mains de la banque, ne le diront pas non plus. Ils gagnent des millions aussi, grâce à ce scandale. D’un autre côté, si cette vidéo parvient à des millions de personnes, la machinerie éteinte par l’industrie va se remettre à fonctionner et dire que tout ce que j’explique n’est que mensonge.

Eh bien, discutons-en au Congrès ! Ils y ont acheté quelques sièges, mais pas tous. Le PSOE doit choisir. Soit il continue à étouffer ce scandale, soit il a le courage d’arrêter les compagnies pharmaceutiques. Faites passer le message.