Réjouissances après la chute de Campaoré en 2014 (Photo de http://lautreafrique.mondoblog.org/)

De notre correspondant à Ouagadougou Stefano Dotti

Vendredi 18 septembre 2015, 3.h50.

La nuit se poursuit tranquillement, le couvre-feu a été respecté. Quelques barricades et des pneus incendiés dans la rue. Mais les gens sont restés tranquilles. Les patrouilles militaires ont trouvé « le vide ». Il y a un silence qui résonne et des aboiements de chiens, les vrais maîtres de cette ville fantôme. C’est un bon signe en ce moment, je le murmure et le crie depuis hier, la priorité est d’éviter le massacre. L’orgueil, la fierté, l’amour pour la vie et l’intelligence de ce peuple semblent faire leur chemin dans l’absurdité de ce qui s’est passé. Il est encore trop tôt pour le dire mais l’espoir résiste et les signaux sont encourageants.

Le gouvernement du coup d’état est en train de délirer. Il émet des communiqués absurdes en disant que tout est sous contrôle, qu’il est soutenu par toute l’armée, qu’il y a une marge pour traiter avec les partis politiques et les syndicats, que les forces internationales sont disposées à suivre leur processus révolutionnaire de défense de la démocratie. Cela provoque la colère mais c’est un signe de faiblesse. Ils essaient de miser sur l’ignorance et la désinformation des personnes, ils n’ont pas compris que les temps ont changé, que le monde a changé.

Nous sommes en train d’assister aux dernières attaques d’un régime pourri par son arrogance, son égoïsme et sa corruption. Jengerè, depuis 27 ans, l’homme de l’ombre de Blaise Campaoré, responsable des plus graves infamies de cette période, est sorti de l’ombre et n’a plus de chance. Bien évidemment la garde présidentielle a les armes et surtout des otages, mais pour l’heure elle ne trouve que le vide devant elle.

Voyons comment va se réveiller la ville. Nous allons nous organiser pour faire des réserves, pour chercher du riz, des pâtes, de l’eau et des cigarettes. La longue marche de la désobéissance a commencé, vers la résistance passive. Et l’effort de se faufiler à la recherche de provisions n’est qu’un petit prix à payer dans l’aspiration à la liberté. Je suis fier d’avoir à côté de moi mes amis du Burkinabé. Ils sont en train de m’apprendre beaucoup : le silence comme manière de communiquer, le regard pour transmettre de l’amour, le sourire avec l’intention de ne pas nous faire sentir différents, l’absence de jugement pour dépasser les barrières mentales et culturelles. Je suis conscient que le chemin pour se débarrasser de la gangrène réactionnaire sera long et difficile mais je suis orgueilleux de partager avec ce peuple le désir d’un monde plus juste.