Le gouvernement camerounais, à travers le ministère de la promotion de la femme, enregistre chaque jour des plaintes consécutives à des rites de veuvage particulièrement dégradants. Il s’agit d’un rituel assorti d’un ensemble de pratiques qui sont infligés au survivant dans un couple lorsque l’un des conjoints décède. Ces « rites de veuvage » sont ainsi mis en place pendant la période de deuil. A l’origine, la pratique du veuvage est une manière de porter le deuil d’un être cher que la mort a enlevé à l’affection des siens. Dans le cas d’une femme dont le mari est décédé, les privations et restrictions qui lui sont imposées avaient pour but de lui rappeler que quelque chose a changé dans sa vie et que rien ne sera plus comme avant.

Comme la dot, les rites de veuvage sont aujourd’hui vidés de leur projet originaire par manque de connaissance de ce qu’ils ont été dans la tradition et l’héritage des ancêtres. Ils subissent une dépravation profonde liée à la crise morale dont souffre la société camerounaise. Une crise des valeurs qui met aujourd’hui l’argent et le goût du lucre au centre des relations sociales, au point de faire de la dot une vente aux enchères et du veuvage une opportunité d’exploitation financière et de spoliation qui laissent les veuves et les orphelins traumatisés et exsangues. Le veuvage est le plus souvent le moment où les frères, les sœurs, le père et la mère du défunt règlent leurs comptes à la veuve.

Dans la pratique d’abord, au cours des cérémonies mortuaires, la femme se retire de la vue du public ordinaire, se couche à même le sol dans une nouvelle communion avec la terre, s’entoure de quelques membres de la famille qui l’accompagnent dans sa douleur. Pour mieux la faire sortir de ses chagrins, elle pénètre dans le silence de la méditation et noue de nouveaux rapports vitaux avec les ancêtres. Ensuite la veuve fait sa réintégration dans la vie. On rappelle à la femme qu’elle n’a pas été épousée par un homme, mais par une famille. Celle-ci peut désormais être à la disposition d’un des frères du défunt qui peut la prendre pour épouse.

En attendant l’adoption du code de la famille, si les rites de veuvage dans les villages du pays, en particulier dans la Région de l’Ouest, est très visible et généralement qualifiée de deshumanisante, le sororat et la dot apparaissent moins au grand jour. En outre, bien souvent, la police et les tribunaux sont moins enclins à s’en prendre à ces formes de violence cachées ou à reconnaître ces rites comme violences au sens du droit. En raison de son caractère multiforme et culturel, il n’y a pas de solution simple ou unique au problème de rites de veuvage. Il faut s’y attaquer simultanément à plusieurs niveaux et dans de multiples secteurs des sociétés traditionnelles. Il faut par exemple créer un environnement familial sain et fournir une aide et un appui professionnels à la veuve en cas de dysfonctionnements familiaux suite au non respect des rites de veuvage.

Les programmes privilégiant les compétences sociales et relationnelles des femmes leur offriraient également des perspectives prometteuses du point de vue de la diminution de la violence interpersonnelle liée au veuvage.