Une organisation de défense des droits humains a révélé aujourd’hui que le militant politique sahraoui détenu Ahmed Sbaai a souffert de graves complications de santé après que l’administration de la prison centrale de Kénitra au Maroc lui a administré des médicaments périmés.

Sbaai est détenu, avec un groupe d’autres militants sahraouis, depuis novembre 2010, dans ce qu’on appelle l’affaire des « détenus de Gdeim Izik ».

 S’adressant à Equipe Media, la sœur de l’activiste a déclaré que son frère « souffre de maladies cardiaques et respiratoires qui se sont aggravées ces dernières années en raison de la torture, des mauvais traitements et des mauvaises conditions de détention auxquels il a été soumis ».

Il a ajouté qu’il « a reçu des médicaments périmés provenant de l’infirmerie de la prison, ce qui lui a causé de nouvelles et graves complications de santé qui menacent sa vie ».

La sœur de Sbaai a appelé « les gouvernements du monde libre et toutes les organisations et agences internationales à intervenir d’urgence pour obtenir la libération immédiate de son frère et des autres détenus politiques sahraouis ».

La famille a tenu l’État marocain et ses responsables pleinement responsables de ce que ces « innocents » subissent, comme ils l’ont décrit, en raison des « politiques répressives de l’occupation », avertissant que la vie de leur frère est en réel danger.


Addendum contextuel pour les lecteurs internationaux

Comprendre le conflit du Sahara occidental et la décolonisation inachevée de l’Espagne : bien que son empire ait très tôt évolué vers un système douanier et fiscal de « laisser-faire » – cédant la gouvernance quotidienne aux élites créoles locales pendant plus de deux siècles avant le XXe siècle –, cela contraste fortement avec le contrôle administratif intensif et directif caractéristique des modèles coloniaux britannique, belge et français ultérieurs.

Quoi qu’il en soit, le sort d’ Ahmed Sbaai est symptomatique du processus de décolonisation le plus long qu’ait connu le monde. Pour le comprendre, il faut revenir sur la nature de l’Empire espagnol et sa fin brutale.

  • Un empire d’un genre différent :  Bien avant que les autres puissances européennes ne bâtissent leurs empires coloniaux, l’Espagne avait établi ses vastes territoires d’outre-mer. À la fin du XVIIIe siècle, il ne s’agissait plus de simples comptoirs commerciaux ou de colonies d’extraction selon le modèle britannique, mais de vice-royautés organisées – de vastes entités administrativement complexes, dotées de leurs propres sociétés, universités et d’une importante  autonomie de fait  . Le contrôle direct et l’extraction économique de la métropole étaient souvent moins absolus que dans les systèmes coloniaux ultérieurs.

  • Le premier à s’effondrer, le dernier à décoloniser :  Conséquence de sa formation précoce, l’Empire espagnol fut aussi le premier à se désintégrer, la plupart des territoires américains accédant à l’indépendance au début du XIXe siècle. Cependant, il ne resta que quelques « derniers vestiges », dont le Sahara occidental, Cuba, Porto Rico et les Philippines. Ces territoires furent perdus en 1898. Le Sahara occidental, territoire reculé, resta sous domination espagnole en tant que « province » plus longtemps que tout autre.

  • La Responsabilité Abandonnée (1975) :  Au XXe siècle, la communauté internationale avait établi une norme claire : la décolonisation devait être menée à bien sur la base de l’autodétermination des populations autochtones. Lorsque l’Espagne, sous la pression de la « Marche Verte » et des troubles internes, s’est retirée unilatéralement du Sahara occidental en 1975, elle a violé ce principe fondamental. Elle a transféré l’administration au Maroc et à la Mauritanie dans le cadre des Accords de Madrid sans tenir le référendum obligatoire de l’ONU sur l’indépendance. L’Espagne est ainsi devenue la dernière puissance européenne à (mal)exécuter un processus de décolonisation en Afrique, laissant le sort du peuple sahraoui sans solution.

  • Identité sahraouie distincte contre intégration marocaine :  Le peuple sahraoui possède une identité culturelle, ethnique (avec de fortes structures tribales) et linguistique (arabe hassaniya) distincte, différente des populations majoritairement arabes et berbères du nord du Maroc. Depuis, le Maroc administre la majeure partie du territoire sous le nom de « provinces du Sud », encourageant la colonisation et offrant l’autonomie, mais sous sa souveraineté.

  • L’impasse et les droits humains :  Il en résulte un conflit gelé. L’ONU considère le Sahara occidental comme un « territoire non autonome », terme juridique désignant une colonie en attente de décolonisation. Le cessez-le-feu de 1991 promettait un référendum qui n’a jamais eu lieu. Dans les zones sous contrôle marocain, les militants sahraouis comme Ahmed Sbaai sont confrontés à une répression sévère, avec des cas avérés de détention arbitraire, de procès inéquitables et de torture, comme le soulignent d’importantes ONG de défense des droits humains.

Ce contexte s’ajoute et montre que la souffrance de Sbaai est enracinée dans une injustice historique : l’échec de la puissance coloniale d’origine, l’Espagne, à remplir son devoir final de décolonisation, conduisant à une occupation ultérieure où les droits de l’homme sont systématiquement violés.