Le mercredi 3 décembre, un événement intéressant a eu lieu devant l’Université Statale de Milan avec le rabbin Dovid Feldman de New York, de passage dans la ville après avoir participé aux manifestations pour la Palestine à Gênes et à Rome la semaine précédente, portant toujours un keffieh autour du cou.

Les organisateurs, le professeur Antonio Violante et Alessandro Corti, ont dû tenir la réunion à l’extérieur de l’université en raison des délais trop courts pour obtenir l’autorisation officielle. Plusieurs dizaines de personnes et de nombreux passants curieux se sont arrêtés pour écouter.

Le rabbin Dovid Feldman fait partie du mouvement Neturei Karta International, un groupe religieux juif orthodoxe qui ne reconnaît ni l’autorité ni l’existence même de l’État d’Israël, sur la base de son interprétation du judaïsme et de la Torah. Les fidèles, principalement concentrés à Jérusalem, sont environ 5 000, mais ils sont également présents à New York, à Londres et au Canada. Malgré sa petite taille, le Neturei Karta a exercé une influence notable dans les débats sur la relation entre le judaïsme et le sionisme.

Ses membres ne commercent pas avec les billets de banque israéliens, ne rejoignent pas la réserve de l’armée de l’État juif (obligatoire pour les citoyens israéliens adultes), ne chantent pas l’hymne national, ne célèbrent pas le Jour de l’Indépendance d’Israël et ne prient pas au lieu le plus sacré du judaïsme : le Mur des Lamentations. Ils entretiennent des relations avec les autorités palestiniennes et le monde arabe et reprochent aux sionistes l’instrumentalisation de l’Holocauste.

Le mouvement fut fondé en 1938 à Jérusalem par des Juifs appartenant à l’ancienne communauté orthodoxe établie depuis de nombreuses générations en Palestine. Les antisionistes les plus radicaux se sont regroupés autour du Neturei Karta. Selon eux, la terre aujourd’hui occupée par l’État d’Israël appartenait à ceux qui l’habitaient depuis des siècles : les Arabes, quelle que soit leur confession, et les Juifs qui vivaient dans les terres palestiniennes avant l’affirmation de la colonisation.

Le rabbin Feldman a prononcé son discours posé et lucide en anglais. Il était presque irréel de pouvoir entendre une voix juive claire faisant autorité définir l’état actuel des choses et les responsabilités de l’État d’Israël dans le génocide du peuple palestinien, qualifiant les actes commis de criminels.

Le rabbin a insisté pour distinguer les concepts de judaïsme et de sionisme, allant jusqu’à déclarer : « Le sionisme est interdit par la religion juive. Le Créateur du monde nous a envoyés en exil et nous a interdit de quitter cet exil par notre propre pouvoir humain. Quitter l’exil par nous-mêmes serait une rébellion contre Dieu et, par conséquent, les Juifs qui croient en Dieu ne peuvent pas soutenir le sionisme. Cela est d’autant plus vrai que le projet sioniste a été entrepris aux dépens de nombreuses personnes innocentes et a entraîné la confiscation de leur terre et de leurs biens, le meurtre d’un grand nombre d’entre elles et l’expulsion des autres sans qu’ils aient commis aucune faute. »

Le rabbin a également énuméré les divers dangers d’assimiler l’antisionisme à l’antisémitisme, qualifiant cela de crime contre la vérité, car cela crée la fausse impression que les Juifs et le sionisme ne font qu’un. Il s’agit d’une profanation du nom de Dieu, car cela implique que les Juifs se sont rebellés contre Dieu. De plus, cette notion même conduit les gens à diriger erronément leur opposition politique aux crimes de l’État d’Israël vers tous les Juifs du monde.

La définition d’antisémite risque en réalité de déclencher l’antisémitisme là où elle tente de faire taire la revendication palestinienne, provoquant un effet boomerang et amenant de nombreuses personnes à étiqueter tous les Juifs comme sionistes.

En conclusion, affirme le rabbin, l’attribution du terme antisémite à ceux qui s’opposent au sionisme et à l’État d’Israël est fausse et criminelle.

Des voix comme celle-ci devraient pouvoir résonner partout pour clarifier et rendre justice à tant de confusion et d’iniquité qui imprègnent les débats et nos relations.

Était également présent le jeune conseiller municipal du 1er arrondissement, Lorenzo Pacini, qui a salué et exprimé sa solidarité ainsi que des positions vraiment courageuses concernant le drame palestinien et la question sioniste, en contraste évident avec les opinions et les déclarations de ses collègues.

Une rencontre émouvante par la clarté, la pureté, la moralité et l’humanité que ce religieux a su apporter et transmettre.