Seule la pression internationale peut arrêter Israël, comme elle a arrêté l’apartheid en Afrique du Sud.

Et si les gouvernements sont complices, qui fera pression sur eux ? Vous et moi, nous, le peuple, à commencer par des jeunes comme Ella et Iddo de Mesarvot, comme Daniel de Tikkun – une diaspora juive décoloniale, comme nos enfants qui refusent de se soumettre à la logique sécuritaire, à la militarisation de l’école et de la société civile, à la falsification de l’histoire dans les manuels scolaires, à la censure, à la manipulation, aux mensonges propagés avec fierté par une classe politique qui exhibe des poignées de main ensanglantées.

En Israël, comme ici, où que ce soit.

J’ai rencontré Ella, Iddo et Daniel ce samedi 6 décembre dans le nord de l’Italie, en Valteline, dans l’amphithéâtre d’un lycée de Morbegno, bondé de personnes de tous âges. Ils m’ont été présentés par Antonio Scordia, coordinateur d’Amnesty International pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient, lors d’un événement organisé par AssopacePalestina, Amnesty International et GIT Bancaetica.

Ella et Iddo sont objecteurs de conscience, militants anticolonialistes et communistes. Iddo est secrétaire du parti et Ella est conseillère ; ils ont respectivement 18 et 19 ans.

J’ignore l’âge de Daniel, probablement une vingtaine d’années, mais il a une vision et des idées claires. Dans son discours, il oppose le projet de loi Gasparri (une proposition de loi récente du Sénat italien qui assimile l’antisionisme à l’antisémitisme) à la Déclaration de Jérusalem sur l’antisémitisme, qui stipule au paragraphe C, point 2 : « Il n’est pas antisémite de soutenir des accords qui garantissent l’égalité pleine et entière à tous les habitants “entre le fleuve et la mer”. » Et au point 4 : « Le boycott, le désinvestissement et les sanctions sont des formes courantes et non violentes de protestation politique contre les États. Dans le cas d’Israël, ils ne sont pas, en soi, antisémites. »

Daniel rappelle l’importance de se souvenir de tous les génocides et la portée universelle du slogan « Plus jamais ça », que nous répétons chaque année.

« Israël est une armée dotée d’un État, et non un État doté d’une armée », déclare Ella.

Une affirmation qui résonne particulièrement, car nous ne sommes plus habitués à une franchise aussi directe.

Depuis sa fondation, Israël a fondé la majeure partie de ses importations et exportations sur le commerce d’armes et de matériel de renseignement militaire. Et il semblerait que ce soit l’objectif de l’Union européenne, car jusqu’à présent, la mort rapporte plus que la vie.

Iddo décrit le système scolaire israélien comme une manipulation cognitive qui engendre vulnérabilité et insécurité. C’est comme regarder un film : Innocence. Déshumaniser autrui devient une nécessité collective, tout comme s’armer et attaquer, dans cette hallucination dystopique, devient une stratégie de défense. Ainsi, la société entière est structurée autour d’une carrière militaire, présentée comme une opportunité stimulante, une voie d’accès à la réalisation de talents et d’aspirations dans tous les domaines, à commencer par le groupe de rock de Tsahal [NdT: Tsahal est la force d’invasion d’Israel] qui fera de vous une star de la pop, ou le journalisme qui vous transformera en journaliste de télévision.

Comme la société israélienne est étrange… Aussi étrange que la nôtre, où que nous vivions. En Italie, par exemple, dans un lycée lambda : en septembre, rendez-vous avec la police ; en octobre, invitation à participer à un programme de formation extrascolaire encadré par Leonardo, la même compagnie dénoncée à la Cour pénale internationale pour complicité de génocide ; en novembre, rencontre avec les carabinieri [NdT: En Italie, les carabinieri sont la gendarmerie militaire, une force de police et en même temps intégrés à l’armée] pour se familiariser avec la criminologie ; en décembre, proposition d’un stage militaire d’été, le stage Audacité 2026.

Ella, Iddo et Daniel le disent ouvertement : l’escalade de la violence, la répression et la progression des structures de manipulation, de contrôle et de militarisation ne s’arrêteront pas, ni en Palestine ni ailleurs, tant que ces individus bénéficieront de l’impunité internationale et tant que nous resterons terrés, témoins impuissants de la désintégration de l’État de droit.

Et alors ? Ella conclut : nous exigeons la libération de Marwan Barghouthi, le seul dirigeant palestinien capable de soutenir la paix entre Israël et la Palestine et d’engager un dialogue constructif avec la communauté internationale. Boycottons, dénonçons, manifestons et montrons nos visages et nos corps.

Oui. Faisons comme Ella, Iddo et Daniel, faisons comme nos enfants qui, lorsqu’ils s’ouvrent au monde et ne se reconnaissent pas dans ce qu’ils découvrent, se confrontent, se cherchent, s’informent et s’unissent.

Ella et Iddo en Israël, nous et nos enfants dans les États alliés et complices.

 

Traduction, Evelyn Tischer