À quelques semaines des élections new-yorkaises, le ton de la campagne est passé de la compétition au désespoir. L’alarmisme prévisible de l’extrême droite a trouvé un allié inattendu dans l’arrogant appareil démocrate qui a autrefois servi Andrew Cuomo et qui protège encore son image politique. Ensemble, ils déploient une stratégie à deux volets pour nuire à la crédibilité de Zohran Mamdani : le diaboliser, le taxant de « trop radical », et le saboter simultanément au sein de l’establishment qu’il représente pourtant mieux qu’eux.
La stratégie de l’extrême droite est familière. Les tabloïds crient au « communisme », au « pro-terrorisme », à l’« anti-israélien » et à l’« anti-flic », reprenant la panique de la Guerre froide et l’islamophobie post-11 septembre. Ils transforment chaque proposition politique progressiste en arme culturelle. Un gel des loyers devient une « lutte des classes ». La gratuité des transports en commun devient un « suicide fiscal ». Même l’empathie est suspecte.
L’objectif n’est pas la persuasion, mais la peur. Leur récit repose sur une nostalgie angoissée d’un New York qui n’a jamais existé, où le privilège se faisait passer pour la stabilité. Dans cette ville imaginaire, la diversité était décorative, les syndicats obéissants et les milliardaires bienveillants.
Mais l’opposition la plus révélatrice et la plus dangereuse vient désormais de l’aile Cuomo-Adams de l’establishment démocrate. Les mêmes initiés qui ont passé des années à défendre la corruption, le clientélisme et les accords secrets s’inquiètent soudain de « l’inexpérience » de Mamdani. Ce sont ces mêmes démocrates qui ont applaudi les manœuvres musclées de Cuomo, tandis qu’il intimidait son personnel, ignorait les crises du logement des classes populaires et récompensait les promoteurs. Les mêmes personnalités influentes qui n’ont pas réussi à inspirer une génération de nouveaux électeurs murmurent maintenant que Mamdani est incapable de « construire un consensus ».
En réalité, ils veulent dire qu’il refuse d’obéir.
L’élite démocrate soutient désormais ouvertement la candidature indépendante tardive de Cuomo – un acte de sabotage politique frisant l’autodestruction. Leur justification ? « L’éligibilité. » Leur véritable crainte ? La responsabilité.
La victoire de Mamdani aux primaires démocrates n’était pas seulement une surprise ; elle constituait une véritable condamnation d’un parti devenu insensible à sa propre base. Le message des électeurs était clair : ils veulent un maire qui défende les locataires, les travailleurs et les quartiers délaissés, et non la classe des donateurs. Pourtant, la vieille garde du parti préfère perdre face à un réactionnaire plutôt que gagner avec un socialiste démocrate.
Cette hypocrisie est profondément ancrée. Les mêmes consultants politiques qui prônent « l’unité contre la droite » dépensent aujourd’hui des millions en publicités offensives reprenant les arguments de la droite. Ils dénoncent la « division » tout en conspirant avec les milliardaires et les barons des médias pour diviser l’électorat selon des critères de peur et de classe. Ils prétendent défendre la démocratie tout en sapant l’issue de leurs propres primaires. Ce faisant, ils révèlent leur véritable allégeance – non pas à un parti, à une idéologie, ni même à la gouvernance – mais au pouvoir lui-même.
Les grands médias amplifient cette mascarade. Les principaux médias – certains progressistes de nom, d’autres conservateurs de structure – présentent la campagne de Mamdani comme un « test d’extrémisme » plutôt que comme un mouvement démocratique. C’est ce que j’appelle depuis longtemps le journalisme d’exclusion : lorsque les articles qui remettent en question la richesse et la guerre sont qualifiés de « marginaux » et que les articles au service du pouvoir sont traités comme « objectifs ».
Le rôle des médias, dans ce modèle, n’est pas d’informer le public mais de rassurer l’élite que rien de fondamental ne changera.
Et pourtant, quelque chose est en train de changer. Chaque attaque, chaque calomnie, chaque titre mal cité ne fait que clarifier les enjeux. L’ascension de Mamdani ne représente pas seulement une campagne, mais un réalignement politique : un nouveau deuxième cercle de travailleurs, de syndicats, d’immigrés et de progressistes qui perçoivent le spectre de la peur. Ils savent que les cris les plus forts au « radicalisme » proviennent souvent de ceux qui ont le plus peur de perdre leurs privilèges.
Le désespoir de l’ordre ancien est un signe de son déclin. L’élite dirigeante et ses complices médiatiques peuvent ralentir la tendance, mais ils ne peuvent l’inverser. Lorsque l’establishment qualifie un mouvement de « dangereux », cela signifie généralement qu’il commence enfin à prendre de l’ampleur.
Si le Parti démocrate prétend toujours défendre la démocratie, il devrait cesser de lutter contre ses propres électeurs et commencer à les écouter.









