La feuille de coca pousse sur un arbuste de 2,5 m de hauteur moyenne, produit principalement dans les vallées inter andines entre 500 et 2000 m d’altitude environ ; des études archéologiques font état de sa présence depuis huit mille ans, une plante qui a accompagné et a été traitée et cultivée par nos cultures ancestrales, élevée pour les rituels, le dialogue et le travail ; son potentiel curatif et ses attributs en tant que complément alimentaire ont également été pris en compte.

Liens des 3 parties,

Partie 1, La feuille interdite et le triomphe de la cocaïne : la coca, feuille sacrée des cultures andines, rituel, médicinal et complément alimentaire

Partie 2, Coca, cocaïne, trafic de drogue et interdiction de la consommation de feuilles de coca

Partie 3, La feuille interdite et déclarée comme stupéfiant 

 

Par Francisco Carpio Jordán*

Partie 2 de 3

Beaucoup de personnes identifient la feuille de coca dans sa forme naturelle avec la cocaïne, c’est-à-dire, le composé chimique synthétisé industriellement, utilisé à l’origine comme analgésique, extrait de la plante de coca par un long processus qui aboutit à la sélection de l’alcaloïde de la feuille, et à sa transformation en stupéfiant. Le processus consiste à extraire de la feuille de coca la pâte, et de la pâte la cocaïne base, qui est ensuite transformée en chlorhydrate de cocaïne, un composant qui produit des altérations du système nerveux, cardiovasculaire et respiratoire, ainsi qu’une stimulation du système nerveux central, entraînant une dépendance et des troubles mentaux et physiques.

Antécédents historiques de la cocaïne et du narcotrafic

Depuis la fin du 19ème siècle et le début du 20ème en Occident, la feuille de coca a commencé à prendre de l’importance pour certaines de ses propriétés notamment l’analgésie, qui est ensuite devenue une drogue pour la toxicomanie et le trafic de stupéfiants.

En 1815, l’Allemand Friedrich Serturner a été le premier à synthétiser la morphine à partir de l’opium, appelée morphium ; plus tard , en 1820, la quinine, la caféine et la strychnine ont été synthétisées.

La cocaïne a été isolée pour la première fois en 1859 par le chimiste allemand Albert Niemann. Elle a été produite par la société allemande Merck dans les années 1860. Aux États-Unis, la société pharmaceutique Parke Davis a commercialisé la cocaïne extraite de la coca, sous forme de cigarettes à inhaler, de toniques et de produits injectables. Dans les années 1970, on a commencé à trouver des utilisations médicales de la cocaïne et, dans les années 1980, elle est devenue populaire dans la communauté médicale européenne et nord-américaine. Merck en fait la promotion pour limiter la dépendance à la morphine.

En 1884, le Dr Kohler, ami de Freud, a consommé de la cocaïne pour une opération des yeux. À partir de 1884, Sigmund Freud écrit plusieurs articles sur les propriétés analgésiques et stimulantes de la cocaïne et fait lui-même l’expérience de la consommation de cocaïne.

En 1886, John Pemberton a ajouté de la coca à la boisson gazeuse coca cola, ce qui a eu un effet énergisant et agréable et a augmenté sa consommation et sa popularité. De 1883 à 1886, la production de cocaïne est passée à 83 kg. En 1905, la cocaïne est devenue populaire, non seulement en tant que médicament, mais aussi en tant que substance agréable à inhaler, apaisante et aussi addictive.

Angello Mariani, en 1863, a créé et promu le vin Mariani, à base de vin de Bordeaux et d’extraits de coca, boisson favorite de Jules Vernes, Thomas Edison, Alexandre Dumas et du pape Léon XIII, qui lui attribuaient des propriétés thérapeutiques et récréatives ; elle fut la boisson favorite du Vatican, des écrivains,   des artistes, et des monarques.

Pendant près de 40 ans, l’opium, l’héroïne, la marijuana et la cocaïne ont été légalisés, principalement en Europe et aux États-Unis, et ont été utilisés et consommés pour des raisons médicales et thérapeutiques, ainsi que comme hallucinogènes pour induire des états émotionnels particuliers. À différentes époques, des interdictions ont vu le jour, notamment aux États-Unis.

Les États-Unis ont été les promoteurs du mouvement prohibitionniste, tant au niveau national qu’international ; en établissant des normes, des règles et des sanctions pour garantir « un mode de vie bon et pur », sur la base du puritanisme protestant. Une première expression historique significative a été la « loi sèche ou loi de prohibition » de 1919 à 1933, lorsque la production, la distribution et la vente de boissons alcoolisées ont été considérées comme illégales. Le contrôle et la prohibition sont motivés non seulement par des raisons sanitaires, mais aussi par des raisons ethniques, sociales et politiques, qui ont des connotations spécifiques à chaque période.

Au XIXe siècle, l’Angleterre a encouragé la production d’opium en Orient ; le gouvernement chinois de l’époque s’y est opposé et l’Angleterre a répondu par la « guerre de l’opium », accompagnée par d’autres partenaires européens. Il s’agissait d’un commerce de drogue dans un pays qui constituait un marché gigantesque et convoité, dans lequel ils sont entrés, provoquant et induisant une épidémie de consommation d’opium.

Cette consommation excessive et artificiellement induite n’était pas associée à des rituels traditionnels, religieux ou culturels, comme c’était le cas dans d’autres pays avec divers hallucinogènes. Dans les premiers temps du capitalisme anglais naissant, l’opium fut un produit économiquement très rentable et le peuple un marché en expansion qui reproduirait la richesse de l’empire de l’époque.

Ils ont mis en place et organisé tout un système de culture, de production et de commerce de la drogue synthétisée, donnant lieu au trafic de ce produit, ce qui fait d’eux les pionniers du trafic de drogue, inventé et reproduit par ces prospères anglo-saxons. Ils ont créé et formé un marché en incitant à la consommation pour créer la demande, alors que l’offre était prête pour la réalisation du profit.

Les États-Unis ont été à l’origine des prohibitions, en promouvant en 1909 la première convention de l’opium à Shanghai, qui a précédé la « convention internationale de l’opium », signée à La Haye en 1912, qui réglemente et contrôle l’utilisation de la drogue uniquement à des fins scientifiques et médicales.

En 1914, la loi Harrison a été adoptée aux États-Unis, qui sanctionnait tout usage non médical de l’opium et de la cocaïne, considéré comme étant de nature immorale. En 1919, la Cour suprême des États-Unis a statué que « les médecins ne peuvent pas fournir de drogues pour aider un toxicomane », passant ainsi d’un contrôle de nature médicale à un contrôle de nature policière.

En 1919 a été adoptée la « loi sèche fondée sur les principes de tempérance et de maîtrise de soi » d’origine protestante puritaine, qui interdisait la consommation de boissons alcoolisées. Après l’abrogation de la « loi sèche » en 1933, ils se sont intéressés à d’autres drogues, traversant plusieurs épisodes de prohibition tant aux États-Unis qu’au niveau international, en raison de leur prédominance dans les organisations internationales telles que l’ONU et l’OMS en particulier, prêtant attention non seulement à la cocaïne, mais aussi à la feuille de coca depuis la Convention de 1961 jusqu’à aujourd’hui.

Pérou, août 2024

 

*L’auteur

Francisco Carpio Jordán

Journaliste, analyste politique, promoteur de l’Institut de gestion publique, promoteur du projet Nation humaine, participe au Mouvement humaniste, à La Communauté et au Centre de communications humanistes.

 

Traduit de l’espagnol par Ginette Baudelet