« Ça fait des années qu’il y a une crise du logement. On veut que le gel des loyers soit appliqué maintenant », demande Nicole Dionne de la Coalition de Québec contre les hausses des loyers.

Un gel des loyers pourrait être temporaire et durer quelques années, comme elle l’explique. Il s’agit d’un outil pour résoudre la crise du logement à court terme.

« Cela pourrait se faire par décret et s’appliquer, par exemple, à tous les logements, sauf ceux qui ont eu des rénovations majeures. Cela s’est déjà fait ailleurs, à Vancouver, en Ontario, en France, » rappelle Nicole Dionne.

La revendication du gel des loyers est une revendication du Regroupement des comités logement et des associations de locataire du Québec (RCLALQ) qui date de plusieurs décennies. À sa fondation en 1978, le RCLALQ s’est d’abord appelé le Regroupement pour le gel des loyers. C’était alors une revendication phare.

« On est dans une crise sans précédent », constate Nicole Dionne, travailleuse au BAIL. « Depuis le début de l’année 2023, il n’est pas rare que les locataires reçoivent des avis d’augmentation de 20$, 40$ ou 60$ par mois. »

Le nombre de locataires qui contacte le BAIL pour demander de l’aide a décuplé. En trois semaines, il y a deux cents dossiers ouverts au BAIL, alors qu’habituellement en début d’année, il y en a quelques dizaines. De l’automne 2019 à 2022, il y eu une augmentation de 13 % du coût des loyers. Si la fixation des loyers par le TAL (tribunal d’aide au logement ancienne Régie du logement), était obligatoire, l’augmentation aurait été de 3 %. Nicole Dionne travaille au BAIL depuis 1978 et n’a jamais vu une situation pareille.

Les augmentations des loyers, doublés du faible taux de logements disponibles, s’ajoutent à l’augmentation actuelle du coût de la vie. D’autres statistiques permettent de comprendre l’ampleur de la crise. Depuis vingt ans, le coût de la vie a augmenté de 50 %, alors que celui des loyers a augmenté de 80 %.

Les personnes plus démunies touchées

Même si l’augmentation du coût de la vie a des effets sur tout le monde, propriétaires comme locataires, la crise du logement actuelle a des répercussions plus importantes chez les personnes à faibles revenus. À Québec, le montant moyen pour un logement de quatre pièces et demie est de 975$ par mois selon les dernières statistiques de la Société canadienne d’hypothèque et de logement. Du côté de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), on refuse un contrôle obligatoire du prix des loyers par l’État et on propose plutôt des investissements dans les logements sociaux pour régler la crise.

Les associations de locataires constatent que les hausses les plus marquées se trouvent dans les quartiers où les loyers sont les plus bas : dans Saint-Roch, Vanier, Saint-Sauveur, le vieux-Limoilou.

« Les plus importantes augmentations et les évictions se passent dans ces quartiers-là », précise Nicole Dionne.

Ces fortes augmentations doublées d’un taux inoccupation très bas donnent de moins en moins de choix aux locataires. Surtout à ceux et celles à faibles revenus.

Les associations ont demandé une rencontre avec la nouvelle ministre responsable de l’habitation, France-Hélaine Duranseau. En vain. Elle a déjà rencontré la CORPIQ. La ministre, ancienne agente immobilière dans le secteur commercial, n’avait pas encore rencontré le RCLALQ au moment d’écrire ces lignes :

« Notre espoir, c’est d’augmenter la pression des locataires sur le gouvernement », souligne Nicole Dionne.

Les associations sont ouvertes à la discussion. Elles revendiquent un contrôle des loyers pour que les taux d’augmentation émis chaque année par le Tribunal administratif du logement (TAL) soit obligatoire et non appliqué selon la bonne foi des propriétaires. Devant une hausse abusive, ce sont les locataires qui doivent faire les démarches auprès du TAL. Tout repose donc entre leurs mains.

Les Québécois : encore un peuple de locataires?

On disait à une certaine époque que le Québec était un peuple de locataires. Est-ce toujours le cas ?

« Ça a changé, précise Nicole Dionne. Avant c’était 50 % locataires, 50 % propriétaires au Québec. Maintenant c’est 43 % de ménages locataires. »

C’est à Montréal que 65 % des locataires du Québec se trouvent. Et partout au Québec, ils sont dans les quartiers centraux des villes.

Nicole Dionne s’interroge : « Alors que presque la moitié de la population du Québec est locataire, c’est une aberration qu’il n’y ait pas plus de protection pour les locataires. »

Nathalie Côté

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