En recevant cette semaine le prix Vladimir Herzog pour la publication de son livre Banzeiro òkòtó, un voyage en Amazonie, centre du monde, la prestigieuse journaliste et écrivaine brésilienne Eliane Brum a lancé un appel émouvant à voter pour Lula (PT) lors des élections présidentielles de dimanche prochain au Brésil.

Vous trouverez ci-dessous la transcription et la vidéo originale de son discours.

Hier, j’ai quitté ma maison d’Altamira, au milieu de la déforestation en Amazonie, pour être ici avec vous. J’ai quitté ma maison après avoir vu jour après jour le soleil sanglant produit par les incendies de forêt. C’est un soleil rouge, un soleil sinistre d’une beauté cruelle, un soleil terrifiant produit par des feux criminels. Il n’y a rien de plus horrifiant – croyez-moi – que de voir une forêt brûler et des milliers d’êtres vivants brûler avec elle. Cette année, pour la première fois de ma vie, je ne suis pas allé après le feu pour le couvrir en tant que journaliste. J’ai vu le feu de toutes les fenêtres de ma maison.

C’est le Brésil de Bolsonaro. Le feu se rapproche de plus en plus et un jour, il pourrait nous atteindre tous. Je tiens à dire très explicitement que si Bolsonaro est élu dimanche (30 octobre 2022), l’Amazonie est finie. Il a tué 2 millions d’arbres en moins de 4 ans. La forêt a déjà atteint 20% de déforestation alors que le point de non-retour prévu par les scientifiques se situe entre 20 et 25%.

Si l’Amazonie prend fin, les enfants de nous tous ici auront un avenir hostile. Les enfants de l’autre côté du monde auront un avenir hostile ! Ce n’est pas le choix le plus important dans la vie des Brésiliens, c’est un choix crucial pour la planète. C’est une élection encore plus décisive pour les non-humains qui ne peuvent même pas voter pour empêcher sa destruction.

La démocratie brésilienne n’a jamais atteint les plus pauvres, les Noirs, les femmes, les peuples des forêts et autres peuples de la nature. Elle a trop peu dérangé les Blancs, les hommes, les classes moyennes et les plus riches de ce pays. Et c’est aussi parce que cela ne les a pas suffisamment dérangés que nous sommes dans cette situation.

À l’heure actuelle, nous devrions discuter d’une démocratie capable non seulement d’atteindre tout le monde, mais aussi d’atteindre les droits de la nature. Au lieu de cela, nous luttons pour ne pas nous réveiller le 31 octobre dans une dictature complète.

Si Bolsonaro gagne, l’horreur sera dans une proportion que même ceux d’entre nous qui avons été témoins du bain de sang ne serons pas en mesure de le concevoir. La victoire de Lula est notre meilleure chance, mais même ainsi, elle sera très difficile. Dans cette élection, nous sommes entre la catastrophe et le très difficile.

La chose la plus importante que je puisse dire ici est que, quel que soit le résultat, la lutte ne se termine pas le 31 octobre. Ceux d’entre nous qui sont encore vivants sont confrontés à une guerre contre la nature, une guerre planétaire qui ne prendra pas fin tant que nous vivrons. La lutte est éternelle et il n’y a pas de choix d’être ou de ne pas être en guerre. La guerre est déjà là et Bruno Pereira et Dom Philips, sept indigènes tués en seulement 10 jours en septembre et de nombreux autres rien que cette année, sont des victimes de cette guerre. Ce qui existe, c’est le choix de combattre ou de laisser le feu vous atteindre.

Une amie, presque paralysée comme tant d’autres par l’horreur de cette élection, m’a demandé : « où trouve-t-on de l’air pour respirer ? » Et je lui ai répondu « dans la lutte, dans la lutte collective ». Dans ces élections et bien au-delà, l’omission n’est pas une option.

Dans des moments comme ceux-ci, chaque omission est une action. À partir d’aujourd’hui et jusqu’à dimanche, le mieux que nous puissions faire est de nous battre pour chaque vote en faveur de Lula, sans perdre de vue que le 31, quel que soit le résultat, nous nous réveillerons debout et continuerons à nous battre. Merci beaucoup.

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