À la surprise générale, le secrétaire d’État des États-Unis Antony Blinken s’est rendu la deuxième semaine de septembre à Kiev, où il a promis 2,2 milliards de dollars US, expressément dédiés au renforcement militaire à long terme de l’Ukraine, rapporte le Berliner Zeitung du 9 septembre 2022.

La promesse de Blinken fait partie des 15 milliards de dollars d’ores et déjà promis, que son collègue Lloyd Austin, secrétaire à la défense du gouvernement US, avait évoqués lors d’une brève rencontre entre l’OTAN et le groupe de contact pour la défense de l’Ukraine à Ramstein (Rhénanie-Palatinat). Austin a incité ses collègues des autres États de l’Otan à apporter leur contribution aux livraisons d’armements. Le secrétaire général de l’Onu Stoltenberg et la ministre de la défense allemande Lambrecht ont assisté aux engagements financiers.

Le plus souvent, dans le monde occidental, les crédits sont assortis d’intérêts. Du point de vue du crédit, toutes les factures, qu’elles viennent de l’industrie d’armement ou d’autres fournisseurs, passent par les mêmes chemins.

Pour les États concernés, la livraison d’armes présente des avantages : le matériel périmé avant d’avoir été utilisé est réévalué et les stocks peuvent être affectés à d’autres usages ; quant au matériel plus récent, il peut être testé en situation réelle.

L’argent du secrétaire d’État Blinken n’est pas destiné au secteur civil ukrainien, il ne reconstruira ni écoles, ni hôpitaux, ni logements ni ponts : pour les crédits à affecter à ce type de besoins, Mme von Leyen et le président Biden disposent d’autres fonds. Mais les deux types de crédits se retrouvent quand même sous forme de dettes de l’État, une méthode avérée, depuis l’ère coloniale, de fabrication de la dépendance.

Les montants cumulés de la dette extérieure et de la dette intérieure de l’État freinent les progrès d’une Ukraine éreintée, qui éprouve les pires difficultés pour instaurer un filet social et proposer des subventions au commerce. La recherche scientifique et technique stagne.

Impossible de remplir les cases budgétaires qui devraient développer la formation et la culture.

Ces sept derniers mois, depuis le début de la guerre, les pays du noyau dur de l’Otan insistaient pour accélérer les livraisons d’armes. Après la visite de Blinken, il semble que soit envisagée une prolongation de la confrontation militaire, ce qui va tout à fait dans le sens des producteurs d’armes.

De plus, après la fin des opérations en Afghanistan, la recherche technologique appliquée aux combats par l’armée américaine est en standby ; dans ces conditions, Scholz, le chancelier fédéral, a visité un arsenal allemand ; on lui a montré un char moderne, un engin de défense, mais aussi de destruction.

Les combats en Ukraine provoquent avant tout des tragédies humaines, dont personne ne sort. Après les deux guerres mondiales, les dégâts matériels, si importants qu’ils aient été, ont été compensés ; il en est resté, néanmoins, le traumatisme de ceux qui y avaient participé.

Une dernière question : selon la vieille loi d’airain du monde capitaliste, le crédit suppose nécessairement l’assurance d’être remboursé, peu importe sous quelle forme. Un système élaboré de notation y veille, qui détermine le montant des taux d’intérêt. En Allemagne, pour toute demande de crédits privés, c’est la Schufa qui s’occupe des capacités de remboursement. Pour le gouvernement afghan, de même, un certain niveau de crédit avait été approuvé pour les livraisons d’armes et le pays avait dû transférer son Trésor public à Fort Knox, la Salle du Trésor américaine. Quelle assurance a donc donnée le président Zelensky et qu’a-t-il écrit dans sa lettre d’intention ? Quelles formes de remboursement les États du G7 ont-ils exigées pour leurs livraisons à crédit ?

L’Allemagne a payé sa première traite des crédits qu’elle avait demandés pour la Première Guerre mondiale en juin 1990.

Le crédit à la construction pour l’Ukraine, mais aussi la politique de sanctions contre la Russie, ont confirmé une équation funeste : l’histoire du monde, c’est l’histoire du crédit. Ce que visent les activités de crédit des banques, c’est le bénéfice.

C’est un impératif humain : en Ukraine comme ailleurs, dans tous les conflits bilatéraux, il faut faire taire les armes, il ne faut plus en livrer. Comme le prouve l’expérience, des compromis sont toujours possibles. Par contre, les mentalités de vainqueurs sont pétries de nouveaux problèmes. Les emprunts à l’étranger dans des buts civils, c’est une autre histoire ; il y en a de nombreux exemples dans le monde.

 

Traduit de l’allemand par Didier Aviat