Les émissions de CO2 du Danemark ont baissé de 36 % depuis 1990, mais malgré tout, la croissance est là.

Par Daniela Gschweng pour le journal en ligne INFOsperber

Une économie florissante, c’est une économie préjudiciable au climat — jusque-là, ce principe passait pour être relativement sûr, il était établi que les émissions d’un pays augmentent avec son économie. Depuis des années, les économistes se demandent s’il est possible de découpler la croissance et le péril climatique. Apparemment, le Danemark a répondu à cette interrogation.

Entre 1990 et 2019, le pays a diminué ses émissions de CO2 de 47 % par personne, autant dire qu’elle les a quasiment divisées par deux. Au cours de cette période, l’économie danoise a connu une croissance ininterrompue. Ceci ressort d’un rapport de l’organisation pour la coopération économique et développement (OCDE).

Découplage croissance – CO2 : l’impact du biogaz

Depuis 1990, le Danemark a continué à augmenter la part des énergies renouvelables dans sa production énergétique. Au total, en 2019, les quatre cinquièmes de sa production électrique relevait du renouvelable, ce qui fait du Danemark l’un des pays les moins pollueurs en matière de CO2. C’est avant tout la biomasse et le biogaz qui lui ont permis de découpler croissance économique et production de CO2.

Émissions de CO2 en tonnes par habitant du Danemark de 1990 à 2018 © Weltbank CC-BY- ND 4.0

En 2014, la part du biogaz était encore modeste. En 2019, elle s’établissait à 10 %, d’après les recherches de la revue allemande «Agrarzeitung». Depuis 2013, ce sont cinquante et une usines de biogaz qui ont été installées. Fin 2021, un quart de l’électricité danoise provenait du biogaz, annonçait le réseau d’Etat danois «Energinet».

La part des énergies renouvelables au Danemark est en croissance permanente depuis 2000. © OECD Länderbericht Dänemark

D’ici 2030, le bio gaz devrait couvrir les trois quarts des besoins danois en gaz ; il est prévu que l’approvisionnement en gaz soit neutre pour le climat d’ici 2034. Dans ce contexte, l’économie devrait poursuivre sa croissance. Le Danemark se fixe pour objectif la neutralité climatique en 2050.

Produit intérieur brut (PIB) danois par habitant en prix courants de 1980 à 2020, prévisions jusqu’en 2026 (en dollars US). © Statista

Depuis 2019, ces prévisions n’ont pas fondamentalement changé. Le Danemark s’est relativement bien sorti de la crise du coronavirus, l’économie s’en est même remise plus vite que la moyenne des pays de la zone euro. Le chômage n’a augmenté que d’un point en pourcentage tandis que le produit intérieur brut augmentait de 4,7 % en 2021. Pour 2022, l’OCDE pronostique une croissance de 2,4 %.

Courageux, innovant, rapide, social

Le Danemark, selon cette analyse, aurait des actions courageuses innovantes et rapides. Il resterait pourtant à l’avenir un défi, qui consisterait à donner un contenu plus social au développement, écrit l’OCDE dans un billet de blog.

Le pays appuie beaucoup sur des recommandations scientifiques par l’intermédiaire de conseils économiques et climatiques, constate l’OCDE. Elle salue la collaboration entre les ministères danois et la prise en compte des citoyennes et citoyens. Elle note comme point central l’acceptation sociale des mesures climatiques et la transparence du gouvernement danois.

Quant aux pertes d’emplois dues à la transition énergétique, le Danemark s’efforce de les compenser par un programme de reconversion professionnelle. Une méthode qui avait déjà fait ses preuves lors de la crise financière de 2008.

De belles avancées dans le domaine de la transition énergétique

Pour cela, le pays compte sur des investissements à hauteur de un à deux points de PIB. Ces dépenses ont déjà été récompensées : les coûts de production d’énergie à partir des renouvelables ont nettement baissé. Un effet formateur qui était extrêmement attendu, note l’OCDE.

Le Danemark se distingue par la rapidité de ses procédures d’approbation. Pour l’installation d’un parc éolien offshore, la procédure prend environ 16 mois.

Le Danemark prévoit pour l’avenir une tarification conséquente des prix du carbone Il va donc proposer aux ménages de se raccorder au chauffage collectif. De ce point de vue, le défi reste donc d’élaborer des mesures qui vont dans le sens d’une acceptabilité sociale de la protection du climat. Il faut que la taxe carbone soit amortie par des mesures complémentaires. Il y a déjà longtemps que le Danemark compense le coût élevé du logement dans le pays en mettant l’accent sur le logement social.

L’éolien doit en venir au biogaz

Au milieu de ces éloges, l’OCDE attire quand même l’attention sur les doutes qui s’expriment de plus en plus quant aux effets de la source d’énergie biomasse sur la neutralité climatique et recommande donc de renforcer d’autres formes d’énergie durable.

Le Danemark y travaille déjà. L’un des plus grands projets est en train de commencer : le Danemark projette de construire au large des côtes du Jutland une île artificielle, qui serait

susceptible, selon la «Süddeutschen Zeitung», d’alimenter en électricité dix millions de ménages à partir d’énergie éolienne, soit approximativement trois fois plus de ménages qu’il n’y en a au Danemark. Ce parc éolien offshore est pour l’instant le plus grand projet de construction du pays.

Le surplus d’énergie produit par les 200 éoliennes qui vont être construite d’ici 2033 pourra être exporté vers l’Allemagne, la Pologne, la Belgique et les Pays-Bas. L’« île énergétique » servira par ailleurs de « hub » pour d’autres parcs éoliens qui lui seront connectés. Dans ces conditions, le nombre d’éoliennes devrait encore tripler. Malgré tout, ce projet à 28 milliards arrivera trois ans trop tard pour les objectifs ambitieux du Danemark : aux termes de la loi en effet, c’est d’ici 2030 que les émissions climatiques devront avoir baissé de 70 % par rapport à 1990.

Deux sujets de préoccupation persistent : l’agriculture et les transports

Entre-temps, le Danemark aura encore d’autres problèmes à régler. Il y a peu de progrès en agriculture. Le Danemark veut réguler plus sérieusement l’élevage, qui produit une bonne partie des gaz à effet de serre, et améliorer la saisie de données. Les tourbières doivent être davantage réhumidifiées. Le rapport de l’OCDE décrit ces dernières comme des « low hanging fruit » — des buts faciles à atteindre.

Émission de gaz à effet de serre du Danemark En équivalent CO2 d’après le secteur. © OECD Länderbericht Dänemark 2021

De même, l’impact climatique dû au trafic n’a pas diminué dans des proportions significatives depuis 2000. Il roule aujourd’hui plus de voitures au Danemark qu’au tournant du siècle ; le secteur des transports reste un chantier. C’est très simple à comprendre : pour passer aux véhicules électriques, à hydrogène ou au biogaz, il faudra construire les stations de recharge ad hoc.

 

Traduit de l’allemand par Didier Aviat