Volkan Bozkir (volkan.bozkir@un.org)                                                                  Bruxelles, le 26 novembre 2020

 

Lettre au Président de l’Assemblée générale des Nations unies

Sujet : Contribution spontanée aux débats de la 37e session spéciale des Nations Unies sur le Covid-19

 

Monsieur le Président,

Notre association, l’Agora des Habitants de la Terre (AHT), qui est active dans une quinzaine de pays sur différents continents, tient à vous remercier pour vos efforts personnels afin d’obtenir la convocation de la session spéciale consacrée à la pandémie de Covid-19.

L’objectif principal de notre association est de contribuer à la promotion d’une Humanité capable de sauvegarder, de soigner et de promouvoir les droits universels à la vie pour tous les habitants de la Terre (toutes les espèces vivantes comprises), au bénéfice également des générations futures. À cette fin, nos activités sont axées sur la défense et la promotion des biens et services publics mondiaux, en particulier l’eau, la santé et la connaissance.

Nous partageons votre conviction que la tenue de la session extraordinaire au niveau des chefs d’État et de gouvernement revêt une importance considérable. Elle constitue une occasion unique de définir et de mettre en œuvre des actions communes au niveau mondial pour lutter contre la pandémie afin de garantir le droit à la vie et à la santé de tous les habitants de la Terre. Comme vous l’écrivez dans votre lettre de convocation : « N’oublions pas qu’aucun d’entre nous n’est en sécurité, jusqu’à ce que nous le soyons tous ».

Il s’agit d’un moment historique. L’avenir des Nations unies est en jeu, et surtout la capacité de nos sociétés à libérer la vie de toute subordination aux « raisons » du marché, de l’économie ou du pouvoir. La santé et la vie ne sont pas une question d’affaires, de profit, de pouvoir national, de domination ou de survie du plus fort.

Cette session spéciale est également très importante car elle représente une grande occasion pour nous, citoyens. Les travaux à l’ordre du jour du 4 décembre nous encouragent à exprimer nos priorités et nos souhaits, à faire pression sur les dirigeants élus afin que leurs décisions soient conformes aux principes constitutionnels de nos États et à la Déclaration universelle des droits de l’homme et à celle des droits des peuples.

En tant qu’Agora des Habitants de la Terre, nous sommes déjà intervenus en septembre auprès du Secrétaire général des Nations Unies pour défendre une politique de la santé sans brevets privés, gratuite, sous la responsabilité politique et financière publique.

Nous déplorons vivement que le 23 octobre, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), les pays « riches » du Nord (États-Unis, Union européenne, Norvège, Suisse, Royaume-Uni, Australie, Japon…) aient commis l’erreur de rejeter la demande de l’Afrique du Sud et de l’Inde, soutenues par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et d’autres pays du Sud, de suspendre temporairement l’application des règles sur les brevets dans la lutte contre la Covid-19.

Par ce rejet, les pays précités ont bafoué la primauté politique et juridique du droit à la santé selon les règles et objectifs fixés au niveau international par l’OMS sur les « logiques » et intérêts de marché promus par l’OMC.

Ceci est inacceptable. A cause, entre autres, de la pandémie. Les couches sociales à hauts revenus se sont enrichies depuis le mois de mai, tandis que les groupes à faibles et moyens revenus se sont appauvris. Le président de Pfizer a gagné à lui seul, à titre personnel, 5,6 millions de dollars US en un jour en vendant 62 % de ses actions dans sa société !

Les chiffres les plus récents publiés par la Banque mondiale et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) confirment le fossé grandissant entre les riches et les pauvres. Les appauvris de la Terre souffrent déjà et souffriront encore plus des conséquences de la pandémie au cours de la prochaine décennie que les habitants des pays enrichis. Pourquoi les pouvoirs publics continuent-ils à financer en concurrence entre eux des entreprises privées à coups de milliards de dollars pour produire et distribuer des vaccins sous paiement et dont le marché mondial actuel est estimé à 45 milliards de dollars ?

Il est temps que les gouvernements reprennent le contrôle de la politique de santé au service de la justice mondiale.   

La Session Spéciale doit remettre les pendules à l’heure. La santé n’est pas une marchandise, et les aspects commerciaux doivent clairement être soumis aux impératifs des droits universels et de la sécurité de la vie. Nous sommes convaincus que l’opinion publique mondiale accueillera favorablement une telle prise de position. Sinon, la confiance dans les institutions des Nations Unies risque de s’affaiblir davantage.

Nos propositions sont détaillées dans la note ci-jointe « For the Global Health, res publica ».

Il nous semble que la Session Spéciale aura pour tâche de définir et d’approuver les grandes lignes d’un Pacte pour une politique mondiale de santé publique juste, participative, fédératrice et solidaire. Cette politique doit être libérée des monopoles privés sur la propriété intellectuelle, de la dépendance aux intérêts financiers des entreprises et des visions technocratiques de la gestion. Nos propositions sont de petits morceaux qui peuvent être utilisés pour constituer la mosaïque du Pacte.

Nous tenons particulièrement à souligner que nos propositions ont fait l’objet d’une consultation auprès d’associations, de groupes, de mouvements et de réseaux de citoyens au cours du mois de novembre. Nous avons reçu 1.285 courriels personnels de soutien signés de 53 pays, dont la liste est également annexée.

Monsieur le Président,

Nous avons essayé d’être des citoyens actifs, répondant aux stimuli de l’ONU, avec des contributions d’idées, de choix et d’engagements.

Nous vous remercions par avance de votre attention et vous prions d’accepter l’expression de notre plus haute considération.

 

Pour l’Agora des Habitants de la Terre, les membres du Comité international des promoteurs :

Alain Adriaens (B), Marcos P. Arruda (BR), Alassane Ba (F), Guido Barbera (I), Marcelo Barros (BR), Cristina Bertelli (F), Jacques Brodeur (CND), Joao Caraça (PT), Sergio et Clara Castioni (I), Francesco Comina (I), Alain Dangoisse (B- Inde), Ina Darmstaedter (D), Armando De Negri (BR), Corinne Ducrey (F), Anibal Faccendini (ARG), Adriana Fernandez (CL), Alfio Foti (I), Lilia Ghanem (Liban), Pierre Galand (B), Luis Infanti de la Mora (CL), Pierre Jasmin (CND), Fatoumata Ki-Zerbo (Burkina Faso), Paola Libanti (I), Vladimir Mitev (BG), Maria Palatine (D), Nicola Perrone (I), Riccardo Petrella (B), Pietro Pizzuti (B), Jean-Yves Proulx (CND), Luiz Rena (BR), Domenico Rizzuti (I), Roberto Savio (I) ,Catherine Schlitz (B), Cristina Spinedi (CH), Bernard Tirtiaux (B), Philippe Véniel (F), Emanuele Villa (I), Jean-Pierre Wauquier (F)

Annexes

  1. Note « For the Global Health, Res Publica »
  2. Liste des courriels personnels de soutien signés dans 53 pays