Il est tout à fait troublant que nous soyons capables de tomber d’accord sur ce qui caractérise un comportement inhumain et que, dans le même temps, nous ayons tant de mal à nous définir en tant qu’êtres humains. Nous avons une meilleure compréhension de ce que nous ne sommes pas (et pourtant que nous sommes souvent) que de ce que nous sommes vraiment au fond de nous-même. Nous vivons en fait à la surface de notre être, là où tout est changement, ébullition, bouleversement, et nous cherchons en permanence des solutions pour stabiliser notre environnement.

Cette question est cruciale dans la période que nous traversons, car le risque c’est que nous retombions dans le « monde d’avant », parce que nous ne pourrions pas faire autrement dans l’état de notre connaissance, non pas du monde et de ses problèmes, mais de ce qui nous caractérise en tant qu’être humain.

Le langage que nous utilisons pour évoquer la transition qu’il nous faut opérer est révélateur de notre approche. On parle d’abandonner le monde d’avant pour se projeter vers le monde d’après. Avant quoi et après quoi ? Cela vaut quand même la peine de le nommer. Car, à y regarder de près, il s’agit du seul endroit où nous sommes condamnées à vivre, exister et prospérer : Maintenant.

Cela peut paraître secondaire et sans grand intérêt dans la mesure où ce maintenant est tellement fugace et quelque part insaisissable, qu’on ne voit pas bien quelle politique publique, quel plan quinquennal, quel scénario pour l’avenir on pourrait bien élaborer à partir de là. Et pourtant, c’est bien de là qu’on a bâti ou détruit, en tout temps et en tous lieux, depuis que le monde est monde et que des bipèdes appelés Homos sapiens en foulent le sol.

Eckhart Tolle a traité du sujet d’une manière remarquable dans son ouvrage Le pouvoir du moment présent. Car c’est effectivement dans ce moment, qui change et se prolonge tout à la fois, que réside notre pouvoir d’action et de compréhension. Il est la porte d’entrée vers notre réalité intérieure, à laquelle nous accordons si peu d’attention finalement.

Nous devrions absolument apprendre à nous connaître mieux. Nous serions sans doute surpris de ce que nous découvririons, de ce qui, subitement, prendrait de la valeur à nos yeux et qui existe déjà ici et maintenant, pour nous, en nous, qui peut nous nourrir, nous désaltérer, nous réjouir. Car c’est bien de bonheur ressenti, de prospérité vécue en soi, d’un sentiment de plénitude et de paix qui pourrait nous accompagner au quotidien, dont il est question.

Combien plus facilement et avec une plus grande confiance, serions-nous à même d’aborder les nombreux défis qui nous attendent. Si nous étions heureux et en paix, d’abord. Avant même de commencer à discuter, à négocier, à élaborer nos plans, nos scénarios, notre stratégie pour le monde « d’après », d’après notre éveil à nous-même.

C’est une dimension qui manque au débat public.

La contribution de la Convention Citoyenne pour le climat au plan de sortie de crise propose une direction, fait quelques recommandations générales, qui ne sont pas sans rappeler ce que d’autres conventions, organismes ou groupes d’experts s’accordent à préconiser. Nous verrons bien ce qu’il sortira de leurs travaux et comment les politiques s’en saisiront. Des engagements ont été pris…

Cependant, c’est toujours lorsque l’on sort des incantations et des vœux pieux, que les choses sérieuses commencent. Car c’est à nos égoïsmes et à nos frilosités qu’il s’agit de s’attaquer et ça sommes-nous prêts à le déléguer à d’autres, où ne préfèrerions-nous pas nous en occuper nous-mêmes ? Vu sous cet angle, la réponse parait assez évidente, non ?

« La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. » Albert Einstein