Nous avons eu l’occasion d’interviewer le professeur Zhang, qui travaille au sein du département des infections du système de santé de la ville de Chongqing, en Chine, pour le consulter, en tant qu’expert et membre de l’équipe qui a aidé la province de Hubei, sur les mesures les plus importantes mises en œuvre en Chine pour prévenir la propagation massive des infections, et que les autres nations ne mettent pas en œuvre correctement ou le font de façon très approximative.

Prof. Zhang : A mon avis, tout d’abord, dans la première phase de l’épidémie, nous avons mis en place des restrictions très strictes. Les villes ont été fermées. Les transports entrants et sortants ont été annulés. Les écoles et les installations publiques ont également été fermées. Les vacances du Festival de printemps ont été prolongées et les gens invités à rester chez eux. Une stricte distanciation sociale a réduit la propagation du virus. En second lieu, le personnel et les équipements médicaux ont été réorganisés en raison de la pénurie de ressources médicales dans la province du Hubei. Troisièmement, nous avons construit des hôpitaux de fortune à Wuhan dès que possible, et avons également transformé les stades en hôpitaux de cabines mobiles, afin d’avoir plus de lits pour que les patients puissent recevoir des soins médicaux. Enfin, avec une compréhension plus complète des caractéristiques épidémiques et des manifestations cliniques du COVID-19, nous avons observé que l’histoire de l’épidémiologie était de plus en plus obscure, qu’il y avait un groupe de personnes infectées par le COVID-19 qui tendaient à être asymptomatiques, et qu’il existait une possibilité d’avoir des résultats faussement négatifs aux tests d’acide nucléique. Nous avons donc modifié nos directives provisoires à plusieurs reprises pour mieux guider notre pratique clinique, et nous avons augmenté le taux de détection de l’acide nucléique pour les personnes se trouvant dans des zones à haut risque, afin d’aider à distinguer dans la plus large mesure possible les personnes infectées des personnes saines. Pour les cas confirmés, nous les envoyons dans différents hôpitaux désignés en fonction de la gravité de la maladie. Quant aux cas suspects, il leur a été demandé d’être mis en quarantaine dans un hôtel préparé à cet effet pendant 14 jours. En conclusion, d’une part, nous avons pris des mesures pour limiter ou arrêter la propagation du virus, d’autre part, nous avons utilisé au mieux les ressources médicales de nos régions afin de garantir que la majorité des patients soient bien soignés.

Pressenza : Les enfants sont-ils seulement porteurs du virus ou sont-ils également tombés malades en Chine ?

Prof. Zhang : Les études existantes ont montré que les personnes de différentes tranches d’âge sont toutes sensibles à ce nouveau coronavirus (SARS-CoV-2). Les enfants peuvent non seulement être porteurs, mais ils peuvent aussi tomber malades s’ils sont infectés. Le Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies a identifié 731 cas de COVID-19 chez des mineurs de 18 ans (dont 21 cas graves), et 86 cas chez des enfants de moins d’un an en date du 8 février 2020. Les études chinoises ont également indiqué que moins de 1 % des patients dont la présence du VIDOC-19 a été confirmée, sont des enfants de moins de 10 ans. En termes de gravité de la maladie, la plupart des cas chez les enfants atteints du COVID-19 ont été bénins ou atypiques.

Pressenza : Pourquoi les personnes âgées sont-elles les plus vulnérables au coronavirus ?

Prof. Zhang : Une étude portant sur 1099 patients atteints de COVID-19 confirmés en laboratoire dans 552 hôpitaux de Chine continentale, a montré que l’âge moyen des cas graves était supérieur de sept ans à celui des cas non graves. Une autre étude a également révélé que les non-survivants étaient plus âgés que les survivants parmi les patients gravement atteints du COVID-19. Ces données indiquent que les personnes âgées pourraient avoir un pronostic moins favorable. Le mécanisme exact par lequel les personnes âgées sont plus vulnérables au SRAS-CoV-2 doit encore être validé et étudié, mais la plupart des experts estiment que les personnes âgées ont souvent un système immunitaire incomplet par rapport aux jeunes, et sont plus sujettes aux maladies sous-jacentes, telles que les cardiopathies, les maladies pulmonaires, le diabète ou les maladies rénales, ce qui peut entraîner une progression plus rapide de la maladie et une plus grande vulnérabilité à s’aggraver.

Pressenza : Combien de temps pensez-vous qu’il est nécessaire d’appliquer des mesures de distanciation sociale, à partir du moment où le premier cas d’infection se produit quelque part ?

Prof. Zhang : En ce qui concerne les mesures de distanciation sociale, sur la base de l’expérience de la Chine, nous pensons – et l’étude le montre – que plus tôt les mesures de distanciation sociale sont appliquées, mieux elles auront pour effet d’intercepter la propagation du virus. Les mesures de distanciation sociale permettraient aux établissements et au personnel médical de gagner du temps pour recevoir et traiter les patients infectés et contribuer à retarder la propagation vers d’autres endroits. Mais tant que cela dure, il est difficile de prédire avec exactitude de combien de temps nous aurons besoin pour mettre en œuvre les mesures de distanciation sociale. C’est une question complexe qui doit combiner la reprise du travail et la situation médicale post-virus.

Pressenza : Quelle est la leçon que nous pourrions tirer de la Chine à cet égard ?

Prof. Zhang : La Chine a accumulé une expérience significative dans le cadre du COVID-19. Un domaine dans lequel la Chine a été très efficace c’est la mise en œuvre d’une réponse différenciée et ciblée pour limiter la transmission, afin que les mesures de santé publique soient adaptées aux différentes réalités du terrain. Les mesures prises à Wuhan, par exemple, étaient très différentes de celles appliquées dans d’autres endroits comme Shanghai ou d’autres villes. Et le plus important à propos de ce virus c’est que la Chine considère la santé de chacun comme importante, et que nous pourrions mettre l’économie en danger mais pas les gens. Mais nous devons être conscients que c’est une leçon importante pour tout le monde, même si une taille unique ne convient pas à tous. Nous savons que la situation est différente dans chaque pays. Les réponses doivent être soigneusement adaptées au contexte local.

Pressenza : Comment pensez-vous que cette pandémie va se terminer, et quand pouvons-nous considérer qu’elle est terminée au niveau international, comme c’est le cas de tant d’autres maladies qui, bien qu’elles affectent certaines personnes n’atteignent pas des proportions massives ?

Prof. Zhang : Nous ne pouvons pas savoir avec certitude quand cette pandémie prendra fin au niveau international, car l’étude de ce virus est en cours, et les différentes régions et pays appliquent des mesures différentes. Mais il est essentiel que les pays travaillent ensemble pour partager leurs expériences et leurs mises à jour, afin de développer une approche dynamique et réactive, dans laquelle les orientations et les conseils de chaque région et pays puissent être rapidement mis à jour à mesure que la compréhension du virus dans le contexte local augmente. Les pays doivent apprendre les uns des autres pour que le monde puisse développer le plus large éventail possible de mesures pour combattre ce virus dans

 

Traduction de l’espagnol, Ginette Baudelet