Nous sommes en pleine crise sanitaire, financière, sociale, écologique… L’épidémie du Coronavirus et la crise économique généralisée sont des signes du chaos qui s’annonce. Les humanistes (du courant de l’humanisme universaliste) dénoncent depuis des dizaines d’années ce système violent mis en place par une minorité qui concentre les richesses. Notre réponse est un changement triple : au niveau social, institutionnel, puis personnel et intérieur. Le changement ne viendra pas naturellement par rejet de ce système, il est nécessaire d’avoir une intention, de faire des tentatives et d’organiser une action qui donne naissance au futur.

En tant qu’humaniste, j’ai fait un bilan de mon action récente dans le cadre des élections municipales [N.d.E. 1er tour le 15 mars] qui sont la suite de mon engagement dans le quartier des Épinettes Nord[1] et de mon moment de processus dans un travail plus personnel et intérieur.

La situation sociale qui se détériore rapidement

Depuis 3 ans, depuis l’arrivée de Macron au pouvoir en France et ces premières mesures, un sentiment de révolte m’a envahi. J’ai compris que l’on avait permis à des personnes méprisantes et autoritaires de parvenir à un poste. Alors que la situation exige d’avoir le plus grand soin des gens, surtout les plus humbles, dans ce contexte de crise et de désastre sur de nombreux plans.

Avant l’élection de Macron, j’avais été surpris de trouver pour la première fois un programme « L’avenir en Commun » qui correspondait en grande partie à mes aspirations. Depuis 2 ans, j’ai suivi et j’ai soutenu le mouvement des « Gilets Jaunes ». J’ai été très heureux quand ce mouvement de désobéissance est apparu. Plus content encore quand sa principale demande devint le RIC (Référendum d’Initiative Citoyenne) qui était une des raisons qui m’avaient incité jadis à opter pour la philosophie de l’humanisme universaliste. C’était il y a plus de 30 ans, la seule proposition que demandait “la loi de responsabilité politique” ainsi que de nombreuses propositions qui intègrent autant le changement personnel que social. Les humanistes affirmaient que le système violent (sous toutes ses formes, pas seulement la violence physique) allait engendrer le désastre auquel nous assistons[2] et pour cela les humanistes ont été diffamés. Mais en mon for intérieur, j’ai toujours continué d’affirmer l’humanisme et d’essayer d’être cohérent avec cet enseignement.

Depuis 10 ans, des mouvements spontanés se développent, par rapport aux thèmes écologiques, sociaux ou autour de conflits pour sauver des hôpitaux ; pour sauver des êtres humains (Indignés, Insoumis, nuits debout, ZAD, Mouvement citoyens, mouvement sociaux spontanés ou autour des conflits dans le domaine du travail, de la santé, de l’éducation, etc.)

De plus je m’oppose à toute forme de violence, qui tend à stigmatiser une partie de la population. Je pense qu’en donnant des réponses violentes on ne permet pas la reconstruction d’une société juste. On laisse place au vide, on offre la place aux opportunistes et aux réponses autoritaires. Je m’oppose aussi à la réaction qui consiste à rejeter les élections et la prise en compte du rôle de chaque citoyen. Ce comportement laisse place, comme nous l’avons vu aux élections présidentielles de 2017, aux opportunistes au service des forces de la violence économique et financière.

Les Parcs d’Étude et de Réflexion comme source d’inspiration

Depuis 4 ans je participe à un groupe d’étude[3], ou souvent des relations sont faites entre l’étude de l’œuvre de Silo et la situation actuelle, entre les méditations et la connexion avec une profondeur de l’être humain et nos actes. Fréquemment, les repas sont l’occasion de raconter ce qui nous arrive, d’exprimer nos sentiments sur la situation. Je dois remercier ici l’existence des Parcs d’Étude et de Réflexion de la Belle Idée. Je dirais qu’en ce lieu j’ai trouvé la FORCE qui donne permanence par les travaux et les échanges que l’on réalise. Depuis son ouverture, j’ai eu comme principale intention de travailler en cohérence, et d’apprendre à ne pas être linéaire, mais mener plusieurs thèmes de différentes formes, en même temps. J’ai, par exemple, appris à équilibrer le travail de mes centres de réponse[4], approfondi le contact avec la force et avec mon guide… Si bien que Silo, Zarathoustra, Mani, Attar et quelques autres soufis sont toujours présents pour m’accompagner, m’inspirer et me protéger.

L’expérience des présidentielles et des législatives

A l’approche des municipales, je me posais la question de mon implication. En effet après les élections présidentielles, j’avais décidé de m’impliquer dans les législatives. Ce fut une bonne expérience mais il manquait la dimension sociale. L’impression que j’avais, c’est que tout en étant toujours d’accord avec les idées de la France Insoumise, « la forme d’action » ne me convenait pas. Pour moi, le mouvement social et le mouvement politique vont de pair. Aujourd’hui, on ne peut négliger aucune des formes d’action qui peuvent produire un changement. Chacun, tout en s’impliquant selon sa « forme d’action » dans une association, dans la rue, dans l’action sociale ou culturelle, doit aider à l’émergence de formes politiques qui puissent révolutionner les institutions, changer la Constitution, redonner le pouvoir à la base sociale.

De plus, une autre difficulté était le manque de force, l’accent mis sur ce qui oppose, ou l’hypnose des médias qui ne montraient que les aspects négatifs de Jean Luc Mélenchon ou d’autres, qui montaient en épingle le départ ou le désaccord de tel ou tel autre… Certains quittaient le groupe pour ces raisons. Mais le thème principal est ce qui nous unit, nos valeurs. L’adhésion de la plupart des participants dépendait du résultat immédiat, sans qu’ils aient une vision en processus qui implique d’être auprès des habitants des quartiers dans leurs difficultés.

La conséquence est que l’action n’a pas eu la continuité nécessaire et nous nous sommes retrouvés à redémarrer l’action sans influence sur les habitants de l’arrondissement.

La rencontre et l’envie de rencontrer des personnes de sensibilité proche

Depuis 5 ans, j’ai repris entièrement la gestion d’une association, et depuis 3 ans nous avons eu un local pour développer son activité (Grâce à Monsieur le maire, de droite !). Je passe beaucoup de temps à aider, à mettre en place les activités et à les rendre possibles. Mais je suis tellement “occupé” par cela que j’éprouvais depuis un long moment la nécessité de donner plus de sens à cette action. Je désirais accompagner l’action avec mes valeurs et donner la possibilité à d’autres de partager un lieu où les valeurs d’humanisme, d’altruisme, de fraternité ou de bienveillance puissent irradier.

De plus en plus, on se rend compte qu’on ne peut plus agir dans le monde sans être conscient du fonctionnement du système globalisé et violent, de la mentalité et des croyances qu’il génère.

Il me semble essentiel de partager mon humanisme, ma conception de l’être humain et ma vision du psychisme. Je voulais faire référence aux outils de développement personnel que j’utilise depuis des années. Je voulais mettre à profit cette vision “intérieure”, cette grande inspiration, cette lumière qu’on m’a transmise et qui donne force à l’esprit…

L’expérience

Participer dans une campagne politique sans nier mon humanisme et ma spiritualité

De mon point de vue toutes les conditions citées précédemment sont nécessaires pour notre humanité, pour la sauver. Bien qu’il s’agisse d’une action politique, je sentais qu’il fallait affirmer mon humanisme, comme comportement personnel, avec la spiritualité comme force transformatrice. L’action politique ou sociale ne peut pas être seulement réduite à une action “externe”, sans fondement, sans travail en profondeur sur moi-même.

Cette intention globale, sociale et intérieure, se reflète dans une attitude enthousiaste, joyeuse, créatrice et affectueuse. Dès le premier rendez-vous avec les deux têtes de liste, j’ai donc affirmé mes valeurs, sans trop de préoccupations car je savais que Natalie[5] pouvait les partager. Jean, son binôme, fut un grand complice et un nouvel ami.

Être au service et agir « sans calcul »

On a veillé chaque jour à prendre soin des amis qui participaient, surtout en faisant attention à l’attitude d’être “au service”, afin de donner les meilleures conditions à l’action.

Mon but était de me rappeler le Principe d’Action Valable Si tu poursuis un but, tu t’enchaînes. Si tout ce que tu fais, tu l’accomplis comme une fin en soi, tu te libères ; donc j’ai toujours vu cette campagne comme une étape, un apprentissage d’un projet à long terme où d’autres valeurs prennent racine. J’ai tout au long de la campagne essayé d’impulser cette intention.

Faire un travail d’influence et s’ancrer dans le quartier et dans le cœur des gens

Ce fut un grand bonheur : sur des dizaines, des centaines de personnes rencontrées en porte à porte et dans la rue, peu de gens nous ont mal accueillis, souvent il y avait beaucoup d’écoute et quelque fois une grande joie dans la rencontre avec des personnes de la même famille. J’ai pu mesurer l’importance de mon action dans le quartier à travers  les projets associatifs ou professionnels[6]. Nous avons rencontré des gens qui me reconnaissaient (alors que souvent, je les avais oubliés) et je sentais un remerciement profond.

J’ai toujours insisté sur le fait d’expliquer l’action comme une étape dans un processus qui devra se poursuivre en étant toujours au plus près des préoccupations des gens. Pour pouvoir compter sur le changement, il y a tout un travail de confiance à rétablir ainsi qu’un travail de conscientisation pour que chacun se rende compte des conséquences de son vote, de son abstention et de sa non-participation. Même si nous comprenons très bien le dégoût, l’hostilité ou l’impuissance que génèrent la situation actuelle, il existe des solutions (sociales, et avec une conscience de nos croyances et de notre force) et des expériences dont la plupart des personnes n’ont pas connaissance.

Apprendre sans limite

Travailler sur plusieurs plans simultanés

Une campagne politique est l’occasion d’apprendre plus sur nous-mêmes, d’apprendre à agir avec d’autres, d’apprendre à ne pas se noyer dans “l’externe” et de nous transformer pour être plus cohérents. D’observer ce qui nous arrive et de valider les avancées, les compréhensions résultant des expériences précédentes. C’est une nouvelle occasion de grandir et de répéter les actes valables.

Nous sommes face aux gens. Ils nous “jugent” surtout parce que nous faisons de la politique, et notre cohérence est essentielle.

L’important aujourd’hui c’est de modifier notre attitude pour ne plus être linéaire, ne plus faire les choses les unes après les autres, ne plus faire une chose en opposition à une autre et apprendre à faire avancer différents plans dans le même temps.

Il s’agit d’être capable d’agir sur les plans X, Y et Z.

  • Sur un plan externe : notre milieu immédiat (les proches), le social et d’être protagoniste du changement global.
  • Sur le plan temporel d’avoir un projet à court terme, à moyen terme (sur 6 mois /1 an) et une intention à long terme qui nous aide à former notre dessein (le gouvernail qui donne direction à notre vie).
  • Sur le plan interne, la profondeur suppose l’attention à soi-même selon les principes de cohérence : Penser, sentir et agir dans la même direction et traiter les autres de la manière dont nous aimerions être traités. Il est nécessaire d’évaluer les actes lors de méditations et de profiter de certains moments pour ouvrir la communication avec les personnes qui nous accompagnent dans l’action.

Dans la difficulté d’une action ou d’une situation, c’est important de chercher l’inspiration dans les espaces profonds où se trouvent les guides qui inspirent pour toujours continuer.

La suite :

Notre préoccupation, après cette période du coronavirus, sera de nous placer auprès des habitants en générant un éveil citoyen. Cela aura lieu dans un contexte qui sera tout aussi chaotique, car le personnel politique et les forces anti-humanistes devront rendre des comptes pour : leurs actes de destruction du système de santé, l’autonomie industrielle du pays, des acquis sociaux et enfin le détournement des financements au profit des plus riches et de la spéculation financière.

Nous allons travailler d’un coté à créer cette microsociété d’entraide, de partage et d’éducation citoyenne.

Proposition du RIC auto-organisé

Je suis actuellement en train d’imaginer un projet pour mettre en place par nous-mêmes la démocratie réelle dont voici une ébauche :

J’ai pensé que même si le RIC n’est pas reconnu, rien n’empêche les habitants de faire pression sur les élus et les institutions afin qu’une solution soit apportée aux problèmes concrets des habitants.

Mise en place du référendum d’initiative citoyenne

Mise en place d’un procédé à discuter lors d’une réunion.

Objectif : Faire une consultation sur les problématiques du quartier et de l’arrondissement.

Éducation, cadre de vie (transports, espaces verts…), sécurité publique (police, prévention) santé (nuisances, pollution, environnement…), travail, projet visant au mieux vivre ensemble (solidarité avec une famille, un groupe d’habitants), etc.

Voir la possibilité de révocation de personnes incompétentes dans le cadre de leurs responsabilités.

1 – Trouver au moins 1, 2 ou 3 problématiques

Peut-être sur 3 niveaux :

– Un micro quartier où un groupe d’immeubles ou un lieu de travail.

– Le quartier Épinettes

– Le 17e

2- Réunir les personnes concernées pour l’auto-organisation

– Élaborer la question à soumettre à référendum.

– Définir la population concernée et la durée de la consultation.

– Définir précisément le conflit et ses conséquences sur la vie des habitants.

3 – Fonction / équipe

– 3 personnes référentes qui font le contact avec les institutions mises en cause dont 1 directeur de campagne. 1 autorisation. 1 organisation rencontres, stand, actions divers.

– 2 ou 3 pour la formation / conscientisation / éducation populaire / Force

– 1 site web

– 1 docs d’infos rédaction

– 1 mise en page

– 1 vidéos / photos

4 – Éducation populaire / conscientisation

– Travail d’échange, d’étude et de recherche de conflits similaires, étude du contexte général (par exemple politique de l’état ou de la ville de Paris par rapport aux conflits de logement, sécurité et discriminations). Invitation des responsables, de personnes ayant eu des conflits similaires, de responsables syndicaux ou associatifs compétents dans la gestion de ce type de conflits.

– Toujours expliquer un conflit particulier dans le cadre du conflit majeur de la finance, de la fausse démocratie, etc.

– Réfléchir sur les actions et pistes de solutions à proposer aux élus.

– Définir vers quel(s) responsables envoyer la demande.

– Définir l’objectif de signatures en fonction de la population concernée.

– On réalise une synthèse écrite et vidéo pour faciliter la circulation de l’information.

5 – Formations à la non-violence active, à la désobéissance civile, et contact avec la force pour ne pas s’arrêter face aux difficultés.

6 – Mettre en place un site web pour voter et une permanence mensuelle ainsi que 4 ou 5 lieux où les personnes peuvent voter. (AECS, CMF17, librairies, etc.) Avec formulaire et urne.

– contact virtuel (réseaux sociaux)

– boitage

– porte à porte

– urne et stand dans les lieux de passage.

(Définir une fréquence d’action)

7 – Vote avec nom, prénom, adresse, tél, e-mail, suggestions et propositions. Demande d’aide financière pour les frais (campagne d’information, bulletins de vote, site, serveur…) On peut aussi demander à des commerçants locaux et entreprises citoyennes de soutenir l’action (encart sur les prospectus).

8 – fixer un rendez-vous avec le maire, l’adjoint ou l’institution destinataire de la revendication. Création d’une délégation d’habitants. On conseille de filmer l’entrevue pour que celle-ci soit publique.

9 – Bilan de l’action / améliorations.

 

Notes

[1] Le quartier où j’agis et je vis se situe au nord de Paris, au 17e arrondissement, un quartier plutôt bourgeois et cossu. Cependant, contrairement à la plus grande partie du 17e, notre territoire est plus défavorisé. Il est caractérisé par la présence d’un grand nombre d’HLM et une population avec des revenus modestes. On y trouve une situation familiale avec beaucoup de familles monoparentales, de l’échec scolaire, des heurts quelquefois violents et quelques actes de délinquance, enfin la nuisance du périphérique. C’est un quartier où il existe une grande mixité sociale.

[2] Mon inspiration se trouve entre autre dans l’ouvrage de Silo « Lettres à mes amis » disponible aux Éditions Références ou sur le site Silo.net : http://www.silo.net/collected_works/letters_to_my_friends

[3] Les Parcs d’Etude et de Réflexion sont des portes d’entrée au monde mental du Profond. Y sont réalisés un ensemble d’études et de pratiques qui permettent d’accéder à des expériences de contact avec des dimensions intérieures lointaines. https://www.parclabelleidee.fr/

[4] Je ne peux pas développer ici la compréhension globale, mais j’essaie de mettre en pratique ce que j’en ai retenu et qui me fait comprendre la merveille qu’est l’être humain et son psychisme. Le livre est disponible  aux Éditions Références :  https://www.editions-references.com/notespsy.html ou en téléchargement  sur Silo.net http://silo.net/en/collected_works/psychology_notes

[5] Natalie Depraz est une philosophe française spécialiste de philosophie allemande, de phénoménologie et, plus avant, de Edmund Husserl. Elle est Professeure à l’Université de Rouen et Membre Universitaire des Archives-Husserl à l’École normale supérieure (ENS/CNRS) : https://fr.wikipedia.org/wiki/Natalie_Depraz

[6] J’ai également œuvré pendant 20 ans dans le quartier, en qualité d’animateur auprès des personnes âgées, et en relation avec le tissu associatif et les élus du 17e arrondissement.