Je trouve cette période particulièrement intéressante, dans la mesure où la grande histoire rencontre la petite. Histoire collective et histoire individuelle. Quelle est la grande, quelle est la petite ? Cela dépend comment on se situe. Du côté objectif ou du côté subjectif des circonstances ?

L’usage veut que, lorsque l’on parle de la Grande histoire, on convoque les événements d’envergure qui ont affecté les groupes humains, les pays, les sociétés dans leur ensemble. Et pourtant, pour moi, pour vous, la véritable grande histoire est celle de notre propre vie et des leçons que nous pouvons tirer de ses péripéties. C’est vraiment là où on se sent concerné, dans notre être le plus intime.

J’ai confié, dans un témoignage précédent, combien je me tenais à l’écoute du monde et de l’évolution de la crise, à travers toutes sortes de médias, grâce au miracle des technologies qui me permettent d’être relié au monde virtuellement, tout en vivant seul à la montagne. Situation paradoxale et quelque peu périlleuse, car dépendante de technologies capricieuses…

C’est le message que la vie a sans doute voulu m’envoyer hier au soir, un peu comme le Covid-19 nous en a envoyé un, face au réchauffement climatique. J’étais en train de pianoter fébrilement sur mon téléphone portable, lorsque subitement il est tombé en panne. Définitivement. Me voilà amputé de ma prothèse numérique de prédilection, celle qui ne me quitte jamais, que je n’éteins quasiment jamais, qui me permet à tout moment de recevoir des alertes et d’interagir avec mes réseaux sociaux et médias préférés.

Lorsque j’ai compris que cela ne servait plus à rien de retirer et remettre sa batterie, pour appuyer ensuite fébrilement sur le bouton de mise en marche, les choses sont allés très vite dans ma tête. J’ai fait le tour de la situation et j’ai vite évalué ce que cela allait modifier dans mon quotidien, pour un temps indéfini. Je ne pourrai plus interagir aussi facilement avec mon environnement numérique. Mon isolement perçu se rapprochera alors un peu plus de mon isolement physique réel.

Je possède un Fairphone, un téléphone dit « écoresponsable », le nec le plus ultra en matière de téléphonie mobile. Je me suis connecté au site du fabriquant et j’ai appris qu’il me faudrait attendre entre 3 à 4 semaines pour être livré d’un nouveau modèle. J’ai commencé à réfléchir comment j’allai m’organiser, les personnes qu’il me fallait prévenir, et aussi comment j’allais combler le vide que cette absence de mon compagnon virtuel allait occasionner pendant une période relativement longue. Car une chose est claire pour moi, ce n’est certainement pas le moment de mettre de côté mes principes pour aller me ruer chez le premier revendeur de téléphonie mobile venu pour y acheter un appareil de dépannage. Cela n’a aucun sens.

Lorsque je me suis connecté ce matin au « réseau mondial » par l’intermédiaire de mon ordinateur, la première notification que j’ai reçue concernait le MEDEF, syndicat patronal français, qui demandait au gouvernement d’assouplir les règles environnementales pour les aider à relancer l’économie au moment du déconfinement qui doit intervenir chez nous le 11 mai. Ben, voyons…

J’ai trouvé ça merveilleux. Le cas pratique par excellence. Quand la petite histoire rencontre la grande. Ce genre de clin d’œil du destin qui me fait dire que nous n’avons rien inventé, même pas l’humour ! Tout juste arrivons-nous à nous hisser à son niveau de temps à autre, lorsque nous comprenons que tout est là pour nous interpeller, et que, de nos choix éclairés ou pas, découlera un avenir plus ou moins radieux, pour nous d’abord… et plus si affinités !

Une histoire de Colibri finalement, comme nous l’a appris Pierre Rabhi. Une histoire qui commence par nous-même, toujours, comme me le rappelle merveilleusement en ce moment, Prem Rawat (www.premrawat.com) que j’écoute quotidiennement sur son site à travers ses vidéos Lockdown (En confinement). On a besoin de paroles de sagesse pour retrouver courage et direction, lorsque tout s’emballe, y compris en nous. Et elles existent, pourvu qu’on regarde autour de soi.