Note de la rédaction : Liban, Catalogne, France, Équateur, Hong-Kong, Colombie, Irak, Guinée, Indonésie, Haïti, Égypte, Algérie, Tunisie… et maintenant le Chili. Partout un ras-le-bol d’une « démocrature », d’un système qui est en train d’exploser. Pressenza présente le point de vue du député humaniste chilien du Frente amplio, Tomas Hirsh, sur ce qui se passe au Chili et dans le monde, accompagné des images des mobilisations des journées du 19 et 20 octobre à Santiago du Chili.

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Amis, Amies,

Il est difficile de faire une synthèse de ce que nous vivons, mais pour essayer de vous transmettre notre vision des choses, je vous raconte un peu.

Je crois que nous assistons à quelque chose que l’humanisme a annoncé depuis longtemps : une explosion sociale résultant d’un système absolument violent et inhumain. Cela fait trop longtemps, trop longtemps que les gens sont pressionnés, trompés et maltraités.

Et, bien entendu, la violence du système, c’est-à-dire la violence économique, raciale, culturelle, psychologique et économique, finit bien sûr par déclencher ce à quoi nous assistons aujourd’hui : des manifestations qui se transforment en débordements sociaux et finissent par des pillages et des incendies. Et en face, un gouvernement qui n’a aucune capacité de réponse, et qui surtout ne comprend rien à ce phénomène psychosocial, et fait donc la seule chose que les brutes savent faire : répondre par la violence, mettre les militaires dans la rue, tirer, réprimer.

C’est le panorama que nous vivons en ce moment. Pour nous, cela n’a absolument rien de surprenant. Nous, les humanistes, sommes attentifs à cette situation depuis très longtemps.

Ainsi, lorsque certains disent que tous les politiciens doivent faire leur autocritique, ce n’est pas comme ça, car dans notre cas, nous avions alerté et mis en garde.

En 1999, il y a 20 ans, nous avons jeté la Constitution à la poubelle. Nous disions alors qu’elle ne sert à rien et que nous avions besoin d’avoir une nouvelle constitution démocratique et de ne pas continuer avec celle de la dictature.

En 2005, nous avons soulevé le besoin de mettre fin aux AFP (NDLR : fonds de pension privés), nous avons posé la nécessité de faire progresser la justice sociale. Nous avions proposé à cette époque que l’éducation soit un droit garanti, gratuit et de grande qualité. Et ils ne nous ont pas écoutés non plus.

Avec Frente Amplio, nous avons proposé dès le début un programme visant à une plus grande justice sociale, et pendant ce temps, ce système n’a fait qu’étrangler, étrangler encore et continuer à étrangler les gens jusqu’à ce qu’ils explosent.

Nous ne validons pas la violence, nous ne partageons pas l’acte violent, mais il nous semble fondamental de comprendre les racines de la violence. Il nous semble fondamental que cette société, ce système, au lieu de s’enorgueillir, ait une capacité de vision autocritique et qu’il vise plutôt des transformations structurelles de fond. Prétendre régler le problème en revenant en arrière avec le tarif du métro, c’est qu’on a rien compris.

Aujourd’hui, il y a des manifestations d’Arica à Punta Arenas et dans plus de cinquante villes où il n’y a pas de métro. Donc, ça n’a rien à voir avec le prix du métro. Cela a à voir avec l’abus, la pollution, les pensions misérables, les salaires misérables, le prix de l’eau, du gaz, de l’électricité, des transports, cela a à voir avec un pays qui s’est construit sur l’inégalité et sur l’une des pires distributions de revenus sur la planète. Vous savez tout cela et nous le disons depuis trop longtemps. Mais aujourd’hui, il est fondamental qu’en tant qu’humanistes, nous soyons clairs sur ce que nous avons toujours posé, sur notre proposition, qui reste la même aujourd’hui : avancer avec de profonds changements structurels vers la construction d’une société très différente de celle d’aujourd’hui.

« Ce monde est sur le point d’exploser », a dit un jour Silo. Et rien ni personne ne pourra s’y opposer ; rien ni personne ne pourra arrêter la violence parce qu’ils la génèrent jour après jour par les mauvais traitements qu’ils infligent aux gens.

Aujourd’hui, nous devons être très unis, très liés, pour travailler solidairement. Être clair qu’il est important d’être une référence de non-violence active. Proposer aux gens de poursuivre la mobilisation, mais avec une mobilisation non-violente, avec les bruits des casseroles, avec des rencontres entre voisins, des débats, des discussions, avec mobilisation. Chercher à bâtir une organisation sociale de base, renforcer le mouvement social, telles sont nos tâches. Nous devons contribuer dans cette direction et avec ce point de vue. En formulant aujourd’hui la demande d’une Assemblée constituante, il me semble que cela pourrait aider à unifier, à rassembler les demandes spécifiques de chacun et de chacune.

Je tiens à embrasser chacun d’entre vous, et vous dire que nous restons totalement engagés dans la lutte et dans le travail pour une société très, très différente de ce système inhumain dans lequel la grande majorité des Chiliens et du monde entier souffre aujourd’hui.

 

Vidéo : Pressenza Chili