Lors d’une audience au tribunal de Westminster hier matin, la juge britannique Vanessa Baraitser a décidé que Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, restera en prison, malgré le fait que sa peine de prison pour s’être soustrait à la justice prenne fin le 22 septembre.

Cette décision est la dernière d’une série d’atteintes aux droits juridiques et démocratiques d’Assange par la justice britannique. Cela signifie que l’éditeur et journaliste sera détenu jusqu’à ce que la justice procède en février à son extradition vers les États-Unis, où il risque 175 ans de prison pour avoir dénoncé des crimes de guerre américains.

Étant donné que la procédure d’extradition entraînera probablement une longue bataille juridique, la décision de Baraitser confine potentiellement Assange à la prison de haute sécurité de Belmarsh pour les années à venir.

Le jugement a été largement présenté dans les grands médias comme une réponse à une requête de mise en liberté sous caution pour Assange. Un communiqué publié par le compte Twitter officiel de WikiLeaks ce matin a rejeté ces affirmations, expliquant « L’audience de ce matin n’était pas une audience en vue d’une libération sous caution, mais une audience technique. Le magistrat a refusé à titre préventif la libération sous caution avant que la défense ne la demande. »

WikiLeaks a déclaré: «Le magistrat dit qu’Assange va rester en prison indéfiniment. Il est de plus en plus privé de liberté depuis son arrestation il y a 9 ans, une semaine après avoir commencé à publier Cablegate.» «Cablegate» fait référence à la publication par WikiLeaks en 2010 de centaines de milliers de câbles diplomatiques des États-Unis, exposant les intrigues sordides du gouvernement américain et de ses alliés dans le monde.

Dans des remarques adressées à Assange, Baraitser aurait déclaré: «Vous avez été amené à cette audience aujourd’hui parce que votre peine d’emprisonnement est sur le point de prendre fin. Quand cela se produira, votre statut de prévenu passera de détenu à personne menacée d’extradition.»

Elle a continué : « J’ai donc donné à votre avocat l’occasion de présenter une demande de libération sous caution en votre nom et elle a refusé de le faire. Peut-être que cela n’est pas surprenant à la lumière de vos antécédents à vous soustraire à la justice dans cette procédure. » Cette affirmation est toutefois contredite par la déclaration de WikiLeaks, qui accuse la juge d’empêcher toute demande de libération sous caution par les avocats d’Assange.

Baraitser a déclaré: « À mon avis, j’ai de bonnes raisons de croire que si je vous libère, vous vous enfuirez à nouveau ».
Une autre audience administrative est prévue pour le 11 octobre, suivie d’une audience préliminaire le 21 octobre.

La décision de Baraitser était fondée sur l’affirmation frauduleuse selon laquelle Assange s’était illégitimement « soustrait à la justice » alors qu’il avait été libéré sous caution en 2012. En réalité, Assange a exercé son droit, protégé par le droit international, de demander l’asile politique à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Il l’a fait après que les tribunaux britanniques eurent décidé une extradition vers la Suède pour « répondre à des questions » sur des allégations de comportements sexuels, fabriquées et motivées par des motifs politiques.

Les autorités britanniques et suédoises ont refusé d’expliquer pourquoi l’extradition était nécessaire pour qu’une « enquête préliminaire » puisse avoir lieu, ou pourquoi les juges suédois n’ont pas accepté l’offre répétée d’Assange de répondre à toutes les questions depuis Londres. Assange a finalement été interrogé par les juges en décembre 2016, après quoi ils ont abandonné leur « instruction » malhonnête en avril 2017.
Le problème pour Assange était que les autorités suédoises refusaient de garantir qu’elles ne l’extraderaient pas vers les États-Unis s’il était entre leurs mains.

Le fait que la demande d’asile était nécessaire pour protéger Assange d’un procès spectacle à motivation politique aux États-Unis a été pleinement confirmé en avril de cette année, lorsque le Département de la justice de l’administration Trump a dévoilé 17 accusations d’espionnage contre lui. S’il est reconnu coupable des accusations d’espionnage, et d’un autre délit moins grave, Assange serait passible d’une peine maximale de 175 ans d’emprisonnement.

Quelques heures à peine après son expulsion illégale de l’ambassade de l’Équateur à Londres et son arrestation par la police britannique le 11 avril, Assange a été reconnu coupable de s’être soustrait à la justice, pour avoir demandé l’asile politique.

Le juge britannique qui présidait l’audience n’a pas tenu compte du fait qu’Assange avait renoncé à la caution que ses partisans avaient payée, qu’il avait passé près de sept ans effectivement détenu par les autorités britanniques dans le petit bâtiment de l’ambassade, et que son droit de demander l’asile politique avait été confirmé à plusieurs reprises par les organes des Nations Unies.

Assange a été condamné à 50 semaines de prison. Selon la législation britannique, la peine maximale pour une violation de la liberté sous caution est de 52 semaines. Toutefois, les personnes reconnues coupables d’une telle infraction sont admissibles à la mise en liberté après la moitié de la période de détention.

Le refus de Baraitser de libérer Assange démontre le mépris impitoyable de l’establishment britannique des avertissements concernant sa santé physique et mentale.

Les derniers visiteurs d’Assange, dont John Pilger et Gabriel Barber-Shipton, le frère du fondateur de WikiLeaks, ont déclaré qu’il a perdu beaucoup de poids. Barber-Shipton a publiquement averti, après sa visite à Assange le mois dernier, qu’il craignait de « ne jamais revoir » son frère.

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, Nils Melzer, qui a découvert plus tôt cette année qu’Assange avait été victime d’une longue campagne de « torture psychologique », a condamné à plusieurs reprises les autorités britanniques pour l’avoir incarcéré dans une prison de haute sécurité.

Dans une lettre adressée au gouvernement britannique en mai, Melzer a déclaré que les conditions de détention d’Assange ont conduit à « l’exposition continue à de graves souffrances psychologiques et à l’exacerbation continuelle de son traumatisme pré-existant ».

Au cours des cinq derniers mois, Assange a souvent été placée en situation de confinement quasi solitaire. Son droit de recevoir des visiteurs a été fortement restreint et on lui a refusé l’accès à un ordinateur, à la bibliothèque de la prison et aux documents juridiques qui se rapportent à sa défense contre une extradition vers les États-Unis.

Cette dernière décision démontre la détermination de l’establishment juridique et politique britannique à fouler aux pieds les droits démocratiques d’Assange et à faciliter son extradition. Une poursuite des États-Unis contre Assange pour les activités licites de publication de WikiLeaks constituerait une attaque flagrante des droits démocratiques fondamentaux, dont la liberté d’expression et la liberté de la presse.
Ce jugement impitoyable souligne l’urgente nécessité de transformer la compassion du public pour Assange parmi les travailleurs, les étudiants et les jeunes du monde entier, en un mouvement politique lucide qui lutte pour sa liberté immédiate.

En Australie, une pression maximale doit être exercée sur le gouvernement fédéral libéral-national pour l’obliger à faire respecter les droits d’Assange en tant que citoyen et journaliste australien. La communauté internationale doit demander au gouvernement australien d’intervenir avec tout son poids diplomatique et sa capacité juridique pour obtenir la libération immédiate d’Assange de la prison de Belmarsh et son droit de retourner en Australie, s’il le souhaite, avec une garantie contre son extradition vers les États-Unis.

 

Article original publié par WSWS.org

Traduit de l’anglais par Jean-Marc Dunet

L’article original est accessible ici