Depuis décembre les députés M. Michel Fanget et M. Jean-Paul Lecoq sont chargés, par la Commission des Affaires Etrangères, d’une mission d’information sur « 50 ans après le traité de non-prolifération nucléaire : où en est-on ? ». Une mission qui apparaît en réalité d’ores et déjà sacrifiée, car ses recommandations seront rendues après le vote de la loi de programmation militaire…

Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) est quasi universel et constitue la base du régime de non-prolifération nucléaire. Cette année, il sera célébré son cinquantième anniversaire (1er Juillet 1968). Globalement le TNP fonctionne bien sur ses piliers « non-prolifération nucléaire » et « usage pacifique de l’énergie nucléaire », mais il rencontre des difficultés importantes pour le pilier « désarmement nucléaire » qui concerne en premier les 5 Etats dotés d’armes nucléaires : Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine.

La lenteur des processus de désarmement, mais surtout la politique de modernisation des arsenaux nucléaires de ces puissances posent un grave problème de cohérence dans l’application et la réalisation de leurs engagements ; notamment au vu de l’article VI et des autres mesures de désarmement acceptés dans le document final de 2000 et de 2010La crédibilité du TNP est donc en jeu. Si aucune initiative positive sur le pilier désarmement n’est réalisée par les puissances nucléaires dotées, alors il existe un risque important de rendre ce régime international totalement vide de sens et de voir s’engager un processus de fin en 2020, lorsque ce déroulera sa dixième conférence d’examen.

Auditionné par ces parlementaires au mois de décembre, j’ai porté à leur connaissance  un sujet lourd de conséquence : la France, membre du TNP donc engagée à le respecter, peut-elle moderniser sa force de dissuasion ? Cette question revient à savoir si la Loi de programmation militaire (qui autorisera des crédits pour l’achat de nouveaux systèmes d’armes nucléaires) que doit voter le parlement est en accord avec le TNP ? Une question majeure (posée aussi par l’ancien ministre de la défense Paul Quilès) qui ne peut pas être écartée d’un revers de la main et qui doit être étudiée sérieusement par les parlementaires.

Malheureusement, peu importe que les parlementaires travaillent sur cette question importante, car la remise des conclusions de ce rapport se fera seulement en Juin/juillet, soit bien après le vote de la LPM qui lui aura eu lieu au printemps !

Devant cette absence de coordination (volontaire ?) dans le travail parlementaire ; tout semble donc joué d’avance concernant la modernisation des forces nucléaires. D’ailleurs, le Président Macron ne l’a t-il pas finalement indiqué lors de ses vœux aux armées : « La dissuasion: beaucoup de débats ont eu lieu, tous les débats sont légitimes, mais j’ai aujourd’hui tranché. Les deux composantes de la dissuasion seront renouvelées« .

Les parlementaires doivent pourtant bien être conscient de leur rôle sur ces prochains mois. En votant en faveur d’une Loi de programmation militaire qui autoriserait la poursuite de la modernisation de la force de dissuasion, ils prendront sans aucun doute une grande part de responsabilité dans la fin du régime du traité de non-prolifération nucléaire…

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