Rédigé par MORTEN THAYSEN le 5 novembre 2017 pour openDemocracy

Les prix des médicaments montent en flèche, paralysant ainsi notre NHS [NDT. Service national de santé au Royaume-Uni]. Et la défense de l’industrie pharmaceutique Big Pharma (« La recherche est coûteuse ») omet un fait capital…

Il est devenu l’année dernière « l’homme le plus détesté d’internet » : Martin Shkreli, a déclaré à plusieurs reprises qu’en flambant les prix des médicaments anti-VIH, il ne faisait rien d’extraordinaire. L’industrie pharmaceutique fonctionne en prenant aux services de santé et aux patients jusqu’à leur dernier centime, c’est comme ça. Et c’est peut-être la seule chose pour laquelle il avait raison.

Alors que les multinationales de l’industrie pharmaceutique se sont transformées en un des secteurs les plus rentables au monde, ils ont colporté le mensonge qu’ils font payer des prix exorbitants pour des produits vitaux parce qu’ils coûtent une fortune en recherche et développement. Ce qu’ils ne nous disent pas est qu’une bonne partie de cette recherche est en premier lieu financée par l’État.

Un nouveau rapport, « Pills and Profits » (Pilules et bénéfices), mené par Global Justice Now et STOPAIDS a révélé que les grosses entreprises pharmaceutiques s’approprient la recherche financée par les contribuables britanniques et vendent les médicaments destinés à la NHS à hauteur de plus d’un milliard de livres par an. Nous payons effectivement deux fois nos médicaments : une fois pour leur recherche et développement et une deuxième fois pour acheter les produits finis.

Ce n’est pas seulement un scandale où les contribuables sont utilisés pour subventionner les profits de certaines sociétés les plus riches que le monde ait jamais vu. C’est aussi que les entreprises qui s’enrichissent de la recherche médicale publique mettent une pression extrême sur les budgets du NHS et dans certains cas, empêchent les patients d’accéder aux traitements dont ils ont besoin.

C’était le cas avec le médicament Abiraterone pour le cancer de la prostate. Le médicament a été développé en grande partie grâce à un financement public britannique et a prouvé un taux de survie supérieur à 37 % pour certains types de cancer de la prostate. Mais l’entreprise American Janssen Pharmaceuticals (filiale de l’entreprise pharmaceutique mondiale Johnson & Johnson) a acheté les droits sur les médicaments et a exigé des prix qui a laissé le NHS incapable de payer le traitement de milliers de patients en l’espace de deux ans.

Alors qu’il est enfin disponible pour le NHS, Janssen facture le médicament au NHS à hauteur de 98 livres par jour et par patient, malgré une alternative générique disponible à moins de 11 livres par jour et par patient. C’est une augmentation du prix qui est très lourde, sachant que des sommes importantes d’argent ont été dépensées en premier lieu. Et l’Abiraterone est seulement un des nombreux exemples de médicaments développés publiquement qui casse les budgets du NHS : les autres concernent des traitements pour la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde.

Il s’agit ni plus ni moins d’une énorme arnaque britannique, où des entreprises pharmaceutiques multinationales rivalisent pour réaliser les bénéfices les plus exorbitants. Mais c’est notre service de santé qui est mis à mal dans le processus. L’année dernière le NHS a dépensé pour les médicaments 3,8 milliards de livres de plus que ces 5 dernières années. C’est plus de deux fois le déficit total du NHS. C’est d’autant plus exaspérant que la plupart des médicaments les plus onéreux ont bénéficié d’un financement substantiel pour la recherche de la part de l’État britannique, y compris ceux figurant au 1er et 4ème rang sur la liste des médicaments les plus coûteux pour le NHS anglais.

La recherche britannique pour la santé publique a permis l’une des plus grandes percées dans le domaine de la médecine au cours de ces dernières décennies. Mais les progrès des chercheurs dans les universités britanniques devraient être une source de fierté, et non pas de faillite. Alors que le NHS fait face à une nouvelle crise hivernale, il est grand temps que les politiciens affrontent les grosses entreprises et prennent des mesures concrètes pour préserver notre service de santé. Nous demandons, au moins, des prix accessibles pour les médicaments qui ont reçus le financement de l’État. Mais sur le long terme, nous devons arrêter totalement la privatisation de la recherche publique pour s’assurer que nous développons des médicaments qui profitent aux patients plutôt qu’aux sociétés qui se remplissent les poches.

Une telle transformation est absolument nécessaire au-delà de ce pays. Étant le troisième plus grand bailleur de fonds de la recherche médicale, après les États-Unis et l’Union européenne, un changement au Royaume-Uni pourrait véritablement faire avancer les choses et faire réagir les gens, qui partout dans le monde payent trop cher leurs médicaments. On estime à environ 10 millions de personnes dans le monde qui décèdent chaque année parce qu’elles n’ont pas accès aux médicaments dont elles ont besoin, la plupart d’entre elles vivant dans des pays à faible et à moyen revenu. N’importe quel politicien qui affronte ce défi pourrait finir par être la personne la plus aimée d’internet.

À propos de l’auteur :
Morten Thaysen est le responsable campagne et politique de l’organisation Global Justice Now, qui organise du 31 octobre au 9 novembre 2017 l’évènement conférencier « Sick of Corporate Greed ».

 

Traduit de l’anglais par Coralie Fournier