Ce dimanche 21 mai, la zone à défendre (ZAD) de l’aéroport Notre-DameDes-Landes a ouvert ses portes. Toujours à défendre, car malgré le répit donné aux habitants depuis l’opération César (2012) et le résultat du référendum favorable à la construction (2015), aucune décision gouvernementale n’a été prise quant aux travaux. Ainsi, Ségolène Royal avait nommé un médiateur en janvier 2016 qui, dans ses conclusions, demandait la réduction de l’emprise du projet ou son abandon. Emmanuel Macron, alors candidat, avait louvoyé sur le sujet, déclarant sur France 2 que l’aéroport « se ferait », puis étant beaucoup moins catégorique lors d’un entretien avec le WWF.

Après son élection, il a, à son tour, désigné un médiateur, qui aura pour mission de « remettre tous les éléments à plat » selon le premier ministre Edouard Philippe. Nonobstant les conclusions livrées six mois auparavant, sans changement notable sur le dossier… Le gouvernement paraît divisé sur le sujet, Edouard Philippe étant favorable à la construction, tandis que Nicolas Hulot, le nouveau ministre de l’écologie, a longtemps été contre. Cependant, il semble maintenant plutôt favorable, suite au référendum local – dont l’organisation et les résultats restent contestés par les opposants à l’aéroport. Sur place, il n’y a pour l’instant pas de signes d’une intervention imminente. Les « Zadistes » continuent à construire l’avenir, avec des plantations de vignes et d’arbres fruitiers qui donneront des récoltes dans plusieurs années.

Habitant à Nantes, ces portes ouvertes sont pour moi l’occasion de visiter la ZAD pour la première fois. De l’extérieur, se rendre sur place semble un peu intimidant. Pas tant par peur de l’accueil qui nous serait réservé, mais plutôt par celle de « l’effet zoo » : comment observer les activités et ce qui se construit sans déranger ceux qui habitent et vivent sur la ZAD ? Ces portes ouvertes tombent donc à pic ! Si vous les avez loupées, de nombreux évènements sont organisés les prochains mois. (L’agenda complet est disponible ici).

Première surprise : la ZAD n’est pas si éloignée de Nantes. Alors que l’aéroport paraît parfois lointain, la zone est facilement accessible, à environ 20 minutes de voiture du centre-ville. Nous arrivons à la Noë Verte, un lieu investi depuis l’automne 2015, c’est-à-dire assez récemment par rapport au reste de la zone. La maison occupée est un ancien HLM du conseil général, racheté par Vinci. A côté, une nouvelle maisonnette en paille a été bâtie l’été dernier par des volontaires. Derrière, plusieurs caravanes servent d’habitat. Une conserverie a été installée à l’intérieur. Tous les mardis, les « Zadistes » peuvent y amener leur production pour la mettre sous vide. Les conserves sont ensuite vendues à prix libre.

La Zad de Notre-Dame-des-Landes

Nous partageons notre repas avec les habitants et d’autres visiteurs avant de nous diriger vers la Rolandière et son fameux phare en voiture, car la Noë Verte est assez éloignée des autres lieux d’occupations. Il s’agit du point info/accueil de la ZAD, avec ses deux bibliothèques et son centre de soins médicaux. Il y a déjà beaucoup plus de monde. Devant une grande carte, un zadiste-guide-touristique expose à une famille l’histoire du mouvement, de l’occupation des maisons cédées à Vinci à l’exploitation des champs alentours. Celle-ci reste conflictuelle, car les exploitants déjà indemnisés gardent un droit d’exploitation en attendant la construction (!). J’apprends qu’en sus de la conserverie, il y a un moulin sur la ZAD, qui permet d’approvisionner en farine la boulangerie, puis en pain tous les habitants.

La bibliothèque au premier étage est bien fournie en livres théoriques et pratiques sur l’autonomie, l’horizontalité, l’anarchisme, etc. A l’extérieur, un « Zadiste » fait gentiment marcher un visiteur, en lui faisant croire que l’ascension du phare est payante. Je me procure l’opuscule « Défendre la ZAD », qui offre un historique détaillé de la lutte, avec notamment les tactiques qui ont permis de mettre en échec l’opération César – plus d’un millier de CRS et gendarmes repoussés par les habitants, les agriculteurs et leurs soutiens.

Les barricades sur la route de Notre-Dame-des-Landes.

Les autres lieux d’occupations étant pour la plupart dans un rayon de deux kilomètres autour de la Rolandière, nous continuons notre visite à pied, vers le carrefour de la Saulce. Celui-ci est stratégique, car il contrôle la route qui coupe la ZAD en deux. Tenu par les CRS pendant cinq mois en 2012, il ne leur assura pas la victoire finale. Dans la forêt, nous découvrons le village de la Chat-Teigne, construit avec l’aide de dizaine de milliers de volontaires dans les jours qui ont suivi l’opération policière de 2012 – ceux-ci convoyant sur la zone les matériaux de construction interdits par arrêté préfectoral. La dizaine de cahutes semble un peu laissées à l’abandon. Seul signe de vie, le passage furtif d’un habitant.

Photo Marco

Nous retournons sur la route bétonnée. De temps à autre, des portes conçues pour bloquer l’avancée des CRS sont maintenant ouvertes. Quelques tours de guets témoignent aussi des batailles passées. Nous arrivons à la buvette de Bellevue. Cet ancien corps de ferme abrite un dortoir, qui permet de se loger temporairement sur la ZAD. A côté d’un enclos où gambade un énorme cochon, une toile de cinéma en plein air a été installée. Nous continuons notre chemin, passant devant le talus où des milliers de bâtons ont été plantés en octobre 2016.

Nous nous rendons au (désormais célèbre) village du Limimbout. Je déguste du pain et des fromages produits sur la ZAD à l’auberge des Q de Plombs, association fédérée autour de la famille Herbin. Ces locataires du village sont considérés « sans droit ni titre » par Vinci depuis que leur propriétaire à vendu leur maison en 2009.

Nous repartons ensuite vers Nantes. Un dernier débat avec notre covoitureur : faut-il utiliser des cocktails molotovs contre les forces de police ? Tous plutôt pacifistes, nous nous mettons d’accord sur l’utilisation des « cacatov », dont nous apprenons le secret de fabrication : plonger un ballon de baudruche gonflé dans de la cire, ce qui permettra d’avoir un contenant suffisamment solide.

Au final, j’ai passé une belle journée ensoleillée sur la ZAD. Surpris en bien de voir le nombre important de visiteurs de tous âges. Un peu inquiet de la menace policière qui se concrétisera sûrement dans les années qui viennent, aéroport ou non. Une chose est sûre : la défense passera aussi par le soutien aux alentours et à Nantes, qui permettra de soulager les barricades sur place. Car il faut rappeler que les éléments clés de la défaite de César ont été la manifestation très suivie à Nantes devant la préfecture (10 000 personnes) et le blocage des ponts sur la Loire, dès l’attaque des CRS.

Alois.

L’article original est accessible ici