par Marcela De La Pena , Magali Verdier

C’est la crise et les femmes savent pourquoi ! Elles enverront leur facture à l’État !

En 2011, lors d’une assemblée populaire féministe organisée par Vie Féminine Bruxelles devant la gare centrale, un groupe de femmes dénonce leur indignation face aux politiques d’austérité qui les affectent spécifiquement… manque de place pour l’accueil des enfants et des personnes âgées, fin des allocations d’insertion limitées dans le temps, atteinte à la pension de survie, etc. Elles réfutent le fait que l’État veuille rembourser aux banques la dette publique et qu’il faille se serrer la ceinture en faisant des coupes sèches dans les dépenses publiques. Pour elles, l’État n’a pas une dette envers les banques mais envers les femmes qui travaillent gratuitement faute de services publics dans le domaine des soin aux autres. « On lui enverra la facture à l’État pour qu’il nous rembourse toutes les heures de travail gratuites que nous faisons pour compenser le manque de crèches » scandent elles !

Pour concrétiser l’idée d’envoyer une facture à l’État, un comité d’action appelé « Vlà la facture ». Il est composé par : Vie féminine, le CADTM, le collectif « Elles s’en mêlent », Le Monde selon les Femmes et les femmes CSC de Bruxelles. Les membres de Vlà la facture sont des féministes indigné-e-s face à l’injustice et à la violence des mesures d’austérité. Ainsi le comité a conçu un formulaire à faire remplir par des femmes, qui met en lumière les conséquences des mesures d’austérité sur leurs vies. Celui-ci est composé de deux parties : une première comptabilise (sous forme vénale) les heures de travail gratuites effectuées par les femmes pour s’occuper des enfants et des personnes en grande dépendance, ceci en compensation de la pénurie de services publics. Une deuxième, compare le montant total des revenus annuels des femmes (allocations de chômage, mutuelle, revenus du travail…) qui est comparé à celui du seuil de pauvreté.

Le comité a « individualisé » les critères du calcul du seuil de pauvreté et propose de calculer 1000 euros quelque soit la personne. Au lieu de comptabiliser, comme c’est le cas actuellement, 1000 euros pour le chef/fe de ménage, 500 pour le/la conjoint et 300 euros par enfant. Le comité considère que ce calcul permettrait à toute femme de pouvoir bénéficier d’une autonomie financière, sans dépendre de son conjoint. Donc, si une femme est en couple avec deux enfants, le seuil de pauvreté sera de 2600 euros (1000 + 1000 + 300 + 300) et non pas 2100 euros (1000+500+300+300).

Les femmes qui ont rempli ce formulaire ont pu déconstruire le discours dominant, réaliser qu’une partie de la dette publique est illégitime et que les mesures d’austérité ne sont pas la solution. Elles ont également pris conscience de l’argent économisé sur leur dos, faute de services publics. Enfin, en calculant leurs revenus annuels, elles constatent que ceux-ci sont en dessous du seuil de pauvreté, que certaines dépendent de leur conjoint et que l’État ne leur garantit pas une autonomie financière. Les femmes ont envie d’agir et d’envoyer leurs factures ! C’est un véritable outil d’éducation permanente ! Le comité Vlà la facture dénonce le fait qu’au nom du remboursement de la dette, les femmes perdent leurs droits les plus fondamentaux : droits à l’autonomie financière, à la santé, sexuelle et reproductive, à la protection sociale, à la justice, à la protection contre toute forme de violence. Il revendique d’abord l’arrêt immédiat des politiques d’austérité en vertu du respect de l’article 23 de la Constitution, qui doit garantir une vie digne. Puis un audit féministe de la dette afin d’identifier et annuler la dette illégitime, autrement dit la partie de la dette publique qui n’a pas servi à financer le bien-être de la collectivité mais qui a alimenté le profit d’une minorité privilégiée au détriment du reste de la société.

Cet audit permettrait aussi de connaître l’impact de l’austérité pour les femmes, en particulier les conséquences du démantèlement des services publics et de la protection sociale et d’identifier tout l’argent économisé sur le dos des femmes qui doit être réinvesti dans les secteurs sociaux, notamment dans le refinancement des allocations sociales et des services d’accueil à la petite enfance et aux personnes en grande dépendance. La troisième revendication concerne une fiscalité socialement juste avec un impôt sur le revenu réellement progressif |1| (plus un revenu est important, plus l’impôt est élevé), où le taux d’imposition est de 33,99% sur les bénéfices réalisés par les entreprises soit effectif et avec une taxe sur les grosses fortunes (entre 1 et 5%) |2|.

Cet article est extrait du magazine du CADTM : Les Autres Voix de la Planète

Notes

1| Entre 1987 et 2007, le taux d’imposition des plus riche a chuté de 72 à 50%.

|2| Taxer le capital ou annuler la dette, pourquoi choisir, texte proposé à l’initiative du CADTM et cosigné par ong, associations, syndicats, universités, dont le Monde selon les Femmes et Vie féminine Bruxelles, http://www.cadtm.org/Annuler-la-dette-ou-taxer-le

L’article original est accessible ici