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DOSSIER : La tradition française de la démocratie directe locale et l’idée de confédéralisme municipal : des pistes de solutions sociales, économiques et politiques ? (I)

L’article de demain (mardi 16 avril), « Assemblées locales d’habitants au pouvoir et tentatives de confédéralisme municipal : Un volet de la Révolution française passé sous silence dans nos livres d’écoles » sera un compte-rendu de l’excellent article « Commune et forme révolutionnaire » de Sophie Wahnich, dans le livre collectif (incontournable par sa richesse) Autogestion – hier, aujourd’hui, demain – paru en 2010 aux Éditions Syllepse, qui est en quelque sorte une encyclopédie très documentée (687 pages) des expériences d’autogestion, au sens large, d’auto-gouvernement, actuelles, récentes ou passées, dans le monde. Une multiplicité d’articles, écrits par une multiplicité d’auteurs, rassemblés au sein du Collectif Lucien Collonges, autant de messages et de réalisations collectives d’espoirs, qui nous viennent de tous les horizons. Une encyclopédie des formes de la liberté, qui nous montre que les expériences de démocraties directes locales ont été (et sont) récurrentes dans l’Histoire et continuent d’accompagner certaines des luttes sociales les plus aiguës dans le monde d’aujourd’hui.

On y constate que la France n’est pas à la remorque en matière de tradition de pratique des assemblées locales ouvertes à tous comme forme de gouvernement, même si son histoire récente est très loin d’être la plus remarquable parmi les peuples. Volontiers considérée à l’international (grâce à la grande Révolution bien sûr, mais aussi grâce aux révolutions au retentissement international de 1830, 1848, 1870-71 ou encore mai 68) comme rebelle et consciente, frondeuse, multipliant les manifestations et les grèves, la société française est de fait, nous le constatons tous dans notre vie de tous les jours, dans un état d’apathie, de morosité (voire de dépression) et de peur assez grave. Chaque pan de la société française (les infirmières, puis les lycéens, puis les employés des transports, puis les avocats et les juges, puis les enseignants, sans parler des luttes emblématiques des employés d’usines face aux délocalisations….) manifeste tour à tour, sans s’unir ni même voir que leurs problèmes respectifs ont une origine commune, la mauvaise qualité de la prise de décision politique, mauvaise qualité intrinsèquement liée au mode d’élaboration de ces décisions, devenu très peu démocratique. Même le référendum, un des seuls moyen d’action politique dont le citoyen français dispose encore, est foulé aux pieds : le peuple se prononce contre un projet de « Constitution » européenne en 2005, et quelques années après, ses parlementaires approuvent le même texte, bien que quelque peu remanié, sous un autre nom.

Les différents programmes politiques et discours auxquels nous avons eu le droit pour les présidentielles en témoignent, la reprise en main du pouvoir politique est la dernière chose qui préoccupe nos gouvernants, comme leurs opposants d’ailleurs. Ils n’ont aucun intérêt à la mettre en avant, puisqu’elle signifierait une perte de pouvoir, de travail et d’argent pour eux. Témoigne également – de manière tragique – de ce désintérêt total pour toute démocratisation du système politique, le fait que le nouveau droit inscrit dans l’article 11 de la Constitution en juillet 2008 de « référendum d’initiative partagée » (le mal nommé, qui n’est surtout pas un référendum d’initiative populaire) ne soit adopté (via l’adoption, obligatoire pour l’application de ce droit, d’une loi organique) que 5 ans plus tard; le fait surtout, que ce droit soit en réalité très très limité : le droit pour des parlementaires de proposer une proposition de loi, qui sera soit votée par eux, soit en cas d’inaction de leur part, soumise au référendum par le Président de la République, à condition que les parlementaires n’aient pas voté contre son adoption. Un nouveau « droit » extrêmement limité de par son contenu (il exige notamment qu’1/5ème des membres du Parlement, soutenus par 1/10ème des électeurs inscrits sur les listes électorales – soit 4, 5 millions d’électeurs ! -, soutienne la proposition) donc : un « droit de pétition » somme toute, comme il l’a été dit par le rapporteur de la loi organique à la tribune du Sénat le 28 février 2013, un droit de soutenir une initiative parlementaire.

Les citoyens français souffrent de leur impuissance, mais rares sont les organisations ou mouvements citoyens, associatifs, partis politiques qui proposent des pistes de solutions. Grosso modo, soit on est dans la sempiternelle légitimation de nos gouvernants (« les pauvres, ils font du mieux qu’ils le peuvent », « c’est plus compliqué que tu ne le crois », « de toute façon, je n’y comprend rien à l’économie » !), soit on reste dans la critique systématique, accompagnée au mieux par deux ou trois idées de solutions, mais sectorielles et limitées à un domaine d’activité. La société française souffre de l’absence totale de projets alternatifs de société intégrant à la fois les volets humains, politiques, économiques, sanitaires, sociaux et environnementaux de nos vies.

Et si les succès respectifs passaient par l’union, par le travail en commun sur des méthodes de changement qui pourraient convenir au maximum, et surtout sur la mobilisation politique commune et étendue au maximum de citoyens autour de méthodes de changement, d’outils pour démocratiser la démocratie ? Il est grand temps que les mouvements sociaux, citoyens, grandes associations et partis politiques « alternatifs » fassent confiance au commun des Français, à la capacité de la femme/de l’homme ordinaire de participer à la prise de décision politique. Les méthodes existent partout – et sont à réadapter et à s’approprier en fonction de nos besoins et de nos désirs – permettant de favoriser et de mettre en place une démocratie « par le bas », où le pouvoir appartient réellement (comme le prévoit la Constitution française) au citoyen, comme cela se pratique avec succès en de nombreux endroits du globe, à plus (Suisse, Kurdistan, Nouvelle-Angleterre aux États-Unis, au Mexique avec les zapatistes ou autres Communes libres, mouvement des assemblées du 15 M en Espagne ou du mouvement des places en Grèce, conseils communaux au Venezuela ou en Bolivie…) ou moins (en de nombreux endroits d’Afrique, à Marinaleda en Espagne, à Vandoncourt, Tordères ou… en France, dans l’Ile d’Ischia en Italie…) grande échelle

Aucune de ces expériences n’est parfaite. On ne parle pas de modèle. On parle de pratiques politiques collectives, ouvertes et organisées, à déterminer ensemble en partant du riche savoir-faire humain en la matière, qui permettent au commun des mortels de prendre part au processus de décision politique, ce qui est l’essence de la démocratie (« pouvoir du peuple »)

L’article original est accessible ici