Par Antonal Mortimé (*)

Nous voici à l’approche du 7 février 2016, date à laquelle, un nouveau président devrait être investi à la magistrature suprême de l’Etat. Nous voici dans la grande incertitude pour la passation du pouvoir à cette date constitutionnelle avec un président en fin de mandat qui ne respecte pas la Constitution et les Lois de la République.

Cette situation est bien la résultante des agissements hors normes de multiples instances nationales comme l’Exécutif et le Parlement, sans oublier les Partis politiques et le Conseil Electoral Provisoire (CEP). On ne saurait non plus passer sous silence le rôle démesuré de la Communauté Internationale…

L’occupant du Palais National

Il a failli à sa mission de chef d’Etat en refusant systématiquement d’organiser les élections durant les cinq (5) ans de son mandat illégitime, car il a été proclamé président avec environ sept cent (700) mille votes exprimés en sa faveur en mars 2011. Ce qui empêche au pays de renouveler son personnel politique et de garder l’équilibre entre les trois (3) pouvoirs de l’Etat central et les institutions indépendantes du pays conformément aux articles 92 et 95.3 de la Constitution du 29 mars 1987.

Le Parlement et les Partis politiques

Le 12 janvier 2015 a été un coup dur pour la démocratie en Haïti avec le dysfonctionnement du parlement sous la gouverne de Monsieur Joseph Michel MARTELLY avec la complicité de certains membres du pouvoir législatif et de la classe politique. Ce qui constitue une autre violation fragrante de la constitution en ses articles 59, 59.1, 60 et suivants…

En acceptant d’intégrer un gouvernement illégitime dirigé par Monsieur Evans PAUL, comme Premier Ministre, certains partis politiques avaient renié la lutte pour la sauvegarde des acquis constitutionnels et démocratiques.

Le Conseil Electoral

Le Conseil Electoral Provisoire de consensus mis en place en janvier 2015 avec les représentants de neuf secteurs de la vie nationale a été une lueur d’espoir pour les démocrates du pays. Mais hélas ! La réalisation des élections frauduleuses d’Aout et d’Octobre 2015 a fait perdre à Haïti cet espoir de reprendre la voie constitutionnelle avec l’entrée en fonction d’une 50ème législature légitime et l’investiture d’un nouveau chef d’Etat le 7 février 2016, comme le veut la charte fondamentale du pays.

Un choix : Prioriser l’investiture ou danser le carnaval

Le pouvoir exécutif dirigé par Messieurs Martelly et Paul a choisi d’organiser le carnaval national les 7, 8 et 9 février 2016. Cela autorise à penser qu’ils savaient pertinemment qu’il n’y aurait pas d’investiture d’un nouveau président à la date constitutionnelle du 7 février. Un autre accroc majeur de l’Exécutif à la Constitution, en 2016, cela fait déjà six (6) ans de retard dans l’organisation des élections locales et municipales en Haïti. Les 140 communes et les 570 sections communales sont en train d’être administrés par des non-élus, donc, illégitimes, parfois sans compétence requise avec un passé douteux. D’ailleurs, leur appellation d’agents exécutifs intérimaires en dit long. Ils imposent leurs lois à la population qui est déjà aux abois, ravagée par l’insécurité alimentaire, la misère et la violence communautaire.

Le Conseil Electoral Provisoire dirigé par Monsieur Pierre-Louis OPONT s’est disqualifié pour l’organisation des joutes électorales en 2016. Il n’inspire pas confiance. L’exécutif actuel (la Présidence et le Gouvernement) n’a ni la légitimité ni le temps nécessaire pour l’organisation de ces compétitions électorales qui sont d’une grande importance pour le pays.

Un défi : reprendre le rail démocratique

Qu’allons-nous faire réellement pour reprendre le rail démocratique ? Les partisans de la transition n’ont probablement pas seulement en perspective l’organisation des élections dans l’espace de 90 jours. A tel enseigne, ils auraient proposé une période transitoire pouvant aller de 12 à 36 mois. N’est-il pas juste de penser que leurs objectifs ne visent pas que l’organisation d’élections régulières ? En outre, l’opposition politique divisée sur la stratégie de lutte parait incapable de mener des actions concrètes pour la résolution même partielle de la crise actuelle.

Les organisations de la société civile

Du côté des organisations de la société civile, elles sont tellement noyées dans la crise politique dans la recherche de solutions cosmétiques, qu’elles ne parviennent guère à proposer des pistes sérieuses pour la gestion et la résolution de la crise politique qui ronge le pays. De plus, les organisations sociales sont ravagées et fragilisées par des luttes internes pour la visibilité et la course pour le financement étranger. Du coup, elles ne peuvent même pas trouver un consensus en vue d’une position commune dans cette conjoncture difficile que traverse le pays. Elles évoluent sous le règne de la méfiance.

L’heure de vérité

L’heure de la vérité n’a-t-elle pas sonné sur les mensonges de toutes sortes au détriment d’une population marginalisée, instrumentalisée et exploitée par des gens ou des groupes qui pensent qu’ils détiennent la clé de la solution de toutes crises politiques qu’ils ont eux-mêmes créées à des fins personnelles ? Et/ou dans l’intérêt supérieur de l’International ?

Quand donc atteindrons-nous le carrefour de la conscience citoyenne pour un sursaut national afin de trouver une solution durable à l’existence et à la persistance des problèmes du pays dont nous sommes responsables ou complices ? A vous et à nous de prendre une décision conforme aux exigences du moment !

(*) Juriste, Militant des Droits Humains

Source : http://www.alterpresse.org/spip.php?article19575#.VqZ1TfnhDEY