Par Catherine Maillard

Hasard de la vie, nous (INREES, NdE) avions prévu la publication de ce papier pour ce jour, suite à la venue il y a peu sur Paris d’Arun Gandhi, petit-fils du célèbre activiste de la non-violence. Après les terribles attentats à Paris de ce vendredi 13 novembre, ce message universel de paix et d’espoir est plus que jamais d’actualité. Puissant, simple, et vibrant ! Une véritable invitation à faire le choix de la paix, plutôt que de céder à la peur…

Nous avons tous en nous une image de Gandhi, prophète iconique de la non-violence… Son petit-fils, Arun Gandhi, nouvel ambassadeur de cette philosophie, nous offre à la fois un message universel de paix et des solutions réalistes pour le monde en peine d’aujourd’hui.

Pas de concept abstrait, ni de discours, de la part de l’activiste, enseignant et fondateur du Gandhi Worldwide Education Institute. Ce sont les échanges qu’il entretient avec Mahatma Gandhi, à l’ashram de Sevagram, alors qu’il a seulement douze ans, qu’il nous partage lors de cette rencontre à Paris. Au fil des histoires qu’Arun égrène avec simplicité, humilité et humour, se dessine une version résolument contemporaine de la non-violence, empreinte d’une sagesse née de l’expérience, et non d’un savoir académique.

Transformer l’énergie de la colère !

« A l’origine des actes de violence, se trouvent immanquablement la colère et la fureur ! » rappelle en tout premier lieu, Arun Gandhi. C’est bien du grand nombre de confrontations racistes auxquelles a été confronté Mahatma, qu’est née cette philosophie de non-violence, dont il reste l’emblème. « Nous devons contrôler notre colère », poursuit Arun Gandhi, qui lui aussi en a fait l’expérience maintes fois dans son enfance. De sa propre odyssée sud africaine, il nourrira de violents griefs liés à ses humiliations, qui pousseront ses parents à l’envoyer à l’ashram, auprès de son grand-père. Là, il apprend que l’énergie de la colère peut être utilisée pour créer des solutions pacifiques qui touchent le monde d’une façon plus positive. Un exemple pratique ?

Le journal de la colère : Chaque fois que vous le ressentez, prenez le temps de noter sur votre « journal de colère » ce qui cause des sentiments de colère – la raison, la personne – et les circonstances. Plus important, inventez ou notez une solution à chaque problème, de manière à ce que tout le monde soit content. En pratiquant cela avec régularité, vous prenez ainsi l’habitude de traduire votre colère en actions positives et non violentes. D’après Arun Gandhi : « Si nous apprenons à déceler quand quelque chose ne va pas, si nous parvenons à contrôler notre réponse instinctive et à nous arrêter le temps d’analyser la situation, alors la colère nous fournira l’énergie nécessaire pour trouver les moyens de résoudre les problèmes de façon non violente, avec des résultats positifs ! »
Le gaspillage : la violence contre la nature !

« La non-violence ne consiste pas seulement à éviter la violence physique. C’est un effort conscient et actif pour ne blesser personne, y compris la nature », poursuit Arun Gandhi. Un principe dont il fera l’expérience, suite à un incident pour lui sans gravité, mais qui orientera par la suite toute sa vie. « Un soir en revenant de l’école je jette sur le chemin mon crayon à papier tout usé et trop petit, pour en avoir un nouveau », nous confie l’activiste. Mahatma lui répond vertement d’aller le rechercher : « Gaspiller est une mauvaise habitude ! Des milliers d’hectares de forêt sont abattus pour le bois qu’ils fournissent. C’est de la violence contre la nature ! » Un message, qui énoncé des années après, surprend par sa modernité, en écho au discours écologique actuel. Il met en lumière, l’approche si visionnaire de Gandhi, nous prévenant déjà du danger de consommer en excès les ressources naturelles, qui entraîne le profond déséquilibre que l’on connaît dans nos sociétés !

Nous avons un rôle à jouer dans le tout.

Nous sommes un rouage de la non-violence !

« Enfant, mon grand-père me demande de démonter un rouet, » raconte Arun, à une assemblée, suspendue à ses lèvres. Puis il garde la plus petite pièce dans sa main et lui demande de filer un écheveau de coton. Face à son désarroi, il lui explique que comme la machine, la vie ne peut pas fonctionner et faire sens quand chacun agit de son côté. Tout comme le plus petit rouage, nécessaire à l’ensemble, nous avons un rôle à jouer dans le tout, et nous devons travailler à l’unisson avec les autres. A travers cette philosophie de la non-violence, Gandhi inspire la conscience que chacun de nous est une partie intégrante de la vie. C’est seulement lorsque nous acceptons et respectons chaque individu, quelle que soit son origine, que la non-violence peut fonctionner.
Autre exemple pratique

L’arbre de la violence : Etablissez sur une grande feuille de papier un arbre, en listant de part et d’autres deux types de violence : physique et passive. L’objectif d’après Arun Gandhi : « Cet exercice quotidien permet de prendre conscience des différents aspects de la violence que nous exerçons et que nous subissons, et voir à quel point elle est envahissante. » Exemple : une colère contre une facture trop élevée, la pollution sonore, les gros titres anxiogènes dans le journal. En découvrant la violence qui vous environne, et la façon dont vous y contribuez, alors vous pouvez améliorer votre propre fonctionnement. Si nous éliminons toutes violence passive de nos comportements, et cherchons à influencer les autres de notre mieux, alors nous pouvons générer une décroissance considérable de la violence !

Un jour la paix régnera sur le monde !

Un message intemporel

Au fil de la conférence, c’est la puissance de l’héritage de Mahatma Gandhi qui émerge et plus encore son intemporalité. A chacun de ses témoignages Arun Gandhi nous transporte à une autre époque, et en rapporte l’essence, ici et maintenant. Le message semble ne pas avoir pris de ride, et plus encore, il se serait même bonifié avec le temps, révélant encore davantage sa pertinence aujourd’hui. Comme s’il avait fallu toutes ces années pour que le terreau de notre esprit ait été suffisamment labouré, afin de recevoir la graine de la non-violence et la faire fleurir. La non-violence, cet idéal qui pourrait bien sonner comme une extraordinaire utopie, à notre époque plus que troublée, semble à nouveau pouvoir renaître. Comme l’a prédit un jour Gandhi ; « Un jour la paix régnera sur le monde ! »

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