Dans quelques jours, tous les yeux seront rivés sur le Venezuela, où le 6 décembre prochain plus de 19 millions de citoyens éliront les 167 députés de la nouvelle Assemblée nationale, le Parlement, qui préside aux destinées du pays.

Par Dilbert Reyes Rodríguez | dilbert@granma.cu

Dans quelques jours, tous les yeux seront rivés sur le Venezuela, où le 6 décembre prochain plus de 19 millions de citoyens éliront les 167 députés de la nouvelle Assemblée nationale, le Parlement, qui préside aux destinées du pays.

Il s’agira des vingtièmes élections depuis l’accession du chavisme au pouvoir et, même si le gouvernement révolutionnaire affiche un score favorable de 18 victoires contre une seule défaite, ce scrutin s’annonce comme l’un des plus compliqués en raison de l’enjeu majeur de cette consultation, à l’issue de laquelle ceux qui obtiendront la majorité en nombre de sièges prendront le contrôle du Parlement.

La radicalisation des positions de la campagne électorale a entraîné une reconfiguration de la compétition électorale en deux grands blocs politiques – le révolutionnaire chaviste et l’oligarque de l’opposition – qui tenteront de réunir au moins la moitié plus un des sièges à pourvoir.

Le résultat arithmétique permettra de mesurer les conséquences prévisibles pour l’avenir immédiat de la gouvernabilité de la nation.

D’un côté, la majorité aux mains de la gauche offrira des garanties de continuité de la Révolution bolivarienne et de son projet de revendications sociales en faveur des couches les plus démunies.

De l’autre côté, une victoire de la droite se traduirait par un torpillage de toute initiative du président Nicolas Maduro, comme un premier pas vers un putsch parlementaire qui l’évincerait du pouvoir et jetterait les bases d’un démantèlement du projet actuel de gouvernement.

La conclusion est claire : remporter l’Assemblée nationale reviendrait à contrôler la branche législative du pouvoir gouvernemental, s’assurer d’un habillage législatif permettant de confirmer ou infirmer la volonté présidentielle.

Cependant, la complexité qui caractérise ce processus ne réside pas dans l’échelon électoral convoité mais dans les circonstances qui l’entourent, au-delà du classique bras de fer.

Depuis un bon moment, le Venezuela a été en butte à une stratégie de déstabilisation destinée à miner son économie et à provoquer le mécontentement de la population avec la complicité d’un secteur productif privé qui, financé depuis l’extérieur, a créé des pénuries d’aliments et autres produits de première nécessité, ainsi qu’une flambée spéculative des prix qui est à l’origine du renchérissement de la vie.

À ceci est venue s’ajouter la chute des cours internationaux du pétrole, le principal produit d’exportation de ce pays d’Amérique du Sud, qui a gravement affecté la disponibilité des devises pour le développement stable du pays, et a même limité les possibilités de faire face d’une manière plus efficace à la guerre économique imposée par l’oligarchie et ses complices de l’extérieur.

Cependant, le gouvernement révolutionnaire a organisé de manière exemplaire la résistance face aux manœuvres de déstabilisation dans le cadre de son Plan de la Patrie, donnant la priorité aux investissements sociaux à travers la consolidation et l’extension du champ et de la portée des missions sociales, la construction et la réparation de logements, l’augmentation du nombre et du montant des pensions, l’amélioration de l’infrastructure des transports publics et autres mesures populaires.

Par ailleurs, le gouvernement bolivarien a mené et continue de mener des actions énergiques contre l’insécurité citoyenne et la menace du paramilitarisme, et il continue de faire des progrès dans sa recherche de mécanismes productifs permettant de consolider la souveraineté économique interne et de réduire la vulnérabilité du pays face au boycott des monopoles et des entreprises privées.

Malgré ces efforts et devant la complexité du contexte électoral, le mécontentement d’une partie importante de l’électorat pourrait affaiblir la poussée des forces révolutionnaires, qui pour la première fois prennent part à cette joute électorale réunies au sein de la coalition du Grand pôle patriotique.

Emmené par le Parti socialiste unifié du Venezuela, ce bloc regroupe dans ses rangs les candidats et les électeurs de 18 organisations progressistes, dont l’union dans cette campagne devrait permettre de contrecarrer les avantages que la coalition de l’opposition, la Mesa de la Unidad Democratica (MUD) chercherait à retirer d’un éventuel taux d’abstention élevé.

Selon ce que l’on peut déduire dans les rangs de la MUD – minés par des divergences internes et la défection de certains de ses dirigeants – l’opposition n’aspire pas tant à augmenter son nombre traditionnels de voix qu’à effacer, au moyen de l’abstention ou du vote sanction des électeurs mécontents du chavisme, la différence qui les a traditionnellement séparés des options révolutionnaires.

Quoi qu’il en soit, et consciente de son expérience passée de 18 élections perdues depuis toutes ces années de Révolution bolivarienne, la droite ne mise pas seulement sur une éventuelle victoire propre aux urnes. Au contraire, elle a commis pas mal d’erreurs en recourant aux plans alternatifs qu’il lui reste dans sa manche. Ne pas oublier les manifestations sanglantes de 2014.

La violence semble se faufiler comme son principal atout une fois que les résultats définitifs auront été proclamés, et qu’ils ne reconnaîtront certainement pas s’ils leur sont défavorables.

C’est une attitude qu’ils ne cherchent même plus à cacher à l’opinion publique, car si auparavant ils ont ignoré le document de respect proposé par le Conseil national électoral (CNE), à présent ils ont catégoriquement refusé de signer un texte – même sujet à des modifications – présenté par la mission d’accompagnement de l’Unasur, qui ne demande qu’une acceptation pacifique du résultat des élections.

« Alerte, peuple ! », s’est exclamé avec raison le 24 novembre le président Nicolas Maduro lorsqu’il a condamné la position insensée et intrigante de la coalition de l’opposition. « Il faut travailler pour la victoire électorale et la victoire de la paix », a-t-il ajouté, avant d’appeler au bons sens, en raison des tristes leçons retirées des violences de rues sanglantes de l’année précédente, et rappelant que le gouvernement ne permettra pas que soit lésé ni le peuple ni l’exercice transparent de la démocratie.

Pour l’instant, la campagne électorale bat son plein dans les deux camps, très active du côté du Grand pôle patriotique, et avec de rares manifestations du côté d’une opposition qui semble miser sur sa présence médiatique.

Quant aux membres du Conseil national électoral, ils s’activent et mènent une campagne de sensibilisation au sein des populations pour assurer les conditions de transparence des opérations électorales, dans le strict respect de la loi.

Une première mission accompagnatrice de l’Unasur se trouve aussi dans le pays pour compléter le nombre des 50 observateurs venus de 12 pays de la région.

La fin de la campagne électorale a été fixé au 3 décembre et la décision légitime du peuple sera annoncée le 6 de ce même mois.

Quoi qu’il en soit, il faudra probablement attendre plusieurs jours après cette date, car malgré la vocation démocratique du gouvernement révolutionnaire et les garanties d’un modèle électoral de référence mondiale, le Venezuela sait à quoi s’attendre d’une opposition désespérée qui excelle dans l’art de la roublardise, habituée à crier à la fraude et à recourir à la violence.

Source originelle : http://fr.granma.cu/mundo/2015-11-27/elections-2016-le-venezuela-face-a-son-destin