Image : Prise de vue pendant la conférence de Raoul Marc Jennar  « Les enjeux du Grand Marché Transatlantique« .

Depuis son lancement, à l’automne de l’an passé, la campagne contre le GMT s’est développée dans plusieurs pays d’Europe, car l’attachement aux principes démocratiques et à un Etat social, régulateur et redistributeur, n’a pas été totalement abandonné, en dépit d’un travail de propagande incessant de la plupart des médias et de ceux qui nous dirigent qu’ils soient de droite ou de la pseudo-gauche.Cette campagne, qui n’a pas encore, en France, atteint le niveau de la campagne de 2005 contre le TCE, a pris plus d’ampleur dans d’autres pays, en particulier en Allemagne.

Le partage de l’information, qui est le premier objectif de cette campagne, a commencé à produire ses effets. D’autant que la perspective des élections européennes du 25 mai fournit une motivation pour ceux qui diffusent cette indispensable information et une crainte pour les oligarques qui nous dirigent.

Ces derniers ont commencé par des opérations d’enfumage. A sa mesure, qui, comme chacun sait, relève du grandiose, le gouvernement français a laissé entendre que la négociation lui échappait parce qu’il ne disposerait pas de tous les documents. C’est faire croire que la France n’est pas associée au quotidien aux négociations via le Comité 207 qui accompagne la négociation et via le Comité des représentants permanents auprès des institutions européennes.

La Commission européenne, quant à elle, a pratiqué, selon son habitude, le principe « plus le mensonge est fort, plus il passe » en faisant croire qu’elle exigeait « la suspension des négociations » sur l’article 23 du mandat, c’est-à-dire sur les dispositions qui, je le rappelle, ont été voulues par les gouvernements de l’UE, permettant à un investisseur privé d’attaquer un Etat, une Région ou une Commune dont les normes limiteraient le pouvoir d’investir ce qu’il veut, quand il veut, comme il veut et où il veut. Et d’affirmer que la négociation était « reportée à juin ». C’est-à-dire après les élections du 25 mai. Mais quand on connaît le calendrier des négociations, on sait qu’il n’a jamais été question de négocier l’article 23 avant juin. Comme d’habitude, les oligarques misent sur l’ignorance qu’ils entretiennent avec soin.

Plus sérieuse est la réaction du gouvernement allemand. Alors qu’on sait la Chancelière Merkel très attachée à ce projet (mais sans doute pas au point d’affirmer comme Hollande qu’il faut accélérer les négociations pour éviter les contestations), il faut acter une fois de plus le respect qu’ont les Allemands – les leçons de l’Histoire ont été retenues – pour les principes démocratiques. Un respect de loin supérieur à ce qu’on observe en France où le bonapartisme a gangrené ceux qui se désignent comme des « élites » politiques.

A la différence du Conseil constitutionnel français, la Cour constitutionnelle fédérale d’Allemagne est bien plus sourcilleuse sur le respect du principe de souveraineté. C’est un gardien bien plus vigilant du respect des principes démocratiques. Et l’opinion publique allemande est, elle aussi, plus attentive aux questions de démocratie.

On ne s’étonnera donc pas d’apprendre que le gouvernement allemand est le premier à se prononcer, sans les ambiguïtés du gouvernement français, contre le mécanisme de règlement des différends prévu à l’article 23. Madame Brigitte Zypries, membre du gouvernement allemand adjointe au Ministre de l’Economie, a déclaré que Berlin est déterminé à exclure les procédures d’arbitrage du projet d’accord. « Du point de vue du Gouvernement fédéral, les investisseurs US dans l’Union européenne bénéficient de protections juridiques suffisantes dans les tribunaux nationaux. » a-t-elle déclaré au Parlement. Car, en Allemagne, on débat de cette question dans l’enceinte parlementaire. Ce qui, comme chacun sait, n’est guère le cas du Parlement français devant lequel le gouvernement de la pseudo-gauche est muet.

Mais cette information ne doit en rien démobiliser contre le GMT. Elle doit au contraire nous inciter à amplifier la campagne. Car la réaction des lobbies du monde des affaires et de la finance ne s’est pas fait attendre après la déclaration de Mme Zypries. « Si vous voulez attirer des investisseurs, vous devez mettre tous les signes positifs de votre côté » a déclaré Hendrick Bourgeois, vice-président pour l’Europe du géant américain General Electric et président de la Chambre de Commerce UE-USA. « Il est important que ce mécanisme soit dans l’accord. L’exclure n’est pas la réponse.” a déclaré Luisa Santos, directrice du département des relations internationales de Business Europe, le Medef européen.

Et la Commission européenne, fer de lance du néo-libéralisme le plus dogmatique, se réfugie derrière le mandat conféré par les Etats en juin de l’an passé : « Nous travaillons sur la base du mandat qui nous a été donné » a déclaré M. Ignacio Garcia Bercero, chef des négociateurs UE au nom du Commissaire De Gucht.

Plus que jamais, il s’avère indispensable de faire connaître le contenu du mandat européen de négociation et d’exiger l’arrêt de ces négociations. Le libre-échange ne peut devenir le prétexte du démantèlement de la souveraineté populaire, des droits politiques et sociaux et des normes environnementales. Les peuples ont le droit suprême de se protéger contre tout ce qui les agresse.

Source : http://www.jennar.fr/?p=3464