Des expériences de démocratie directe se déroulent actuellement en Bosnie Herzégovine. Les travailleurs chômeurs de Tuzla se sont révoltés contre des privatisations et la corruption du capitalisme mafieux qui ravagent l’industrie. Ils ont imposé la démission du responsable gouvernemental et créé un Plénum de Tuzla qui fonctionne tous les jours. Les révoltes contre l’oligarchie se sont étendues aux autres villes de Bosnie-Herzégovine avec création d’un Plenum à Sarajevo. Aleksandar Hemon et Jasmin Mujanovic ont écrit sur ce sujet une libre opinion dans le New York Times du 21 février 2014 dont voici un extrait.

Ce que la guerre n’a pas détruit a été détruit par le capitalisme mafieux, pratiqué avec le même zèle au nom de tous les groupes ethniques par ceux qui expriment l’initiative privée sous la forme de la corruption et du copinage. La fonction principale du système politique est de permettre aux dirigeants des partis politiques d’amasser la richesse. Ces dirigeants sont totalement unis dans leur engagement à paupériser les gens qu’ils dirigent, malgré leurs différences culturelles et idéologiques présumées.

Ce qui est vraiment étonnant dans toute l’histoire, c’est qu’il ne semble jamais être venu l’idée aux élites de Bosnie que cette situation n’était pas durable . Ils sont tellement habitués à régner sur des sujets ethniques divisés qu’ils ont été surpris par le soulèvement des citoyens unis. […]

A Tuzla , après le chaos et la violence policière initiale , les manifestants ont forcé à la démission le Premier ministre cantonal. Ils ont formé un plénum – un parlement ouvert des citoyens où tout le monde est bienvenu, et qui a déjà organisé un certain nombre de séances . Ils ont formulé des revendications, y compris l’établissement d’un gouvernement cantonal d’experts non affiliées aux partis et une enquête approfondie sur le processus de privatisation . A Sarajevo, la première séance du Plénum a dû être reportée lorsque les organisateurs ont été dépassés par le taux de participation. Un certain nombre de réunions plus tard, les habitants de Sarajevo ont obligé le gouvernement cantonal à commencer à répondre à leurs revendications. Les gens dans d’autres villes se rassemblent pour exiger le changement .

Cette organisation spontanée des citoyens met l’accent sur les catastrophes socio-économiques auxquelles sont confrontés tous les Bosniaques, elle met directement en danger la domination des modèles ethnocratiques. Les plénums appellent à l’éviction de l’establishment politique et à la création de gouvernements non partisans, nommés en concertation avec les assemblées de citoyens et les autorités qui sont maintenues, pour gouverner jusqu’à la prochaine élection générale en octobre .

Pendant ce temps, avec un mélange fascinant d’extrême ruse et d’incompétence spectaculaire, se poignardant dans le dos les uns et les autres, les dirigeants des partis au pouvoir  complotent frénétiquement sur les moyens de discréditer le mouvement des citoyens, insistant sur sans la moindre ironie – encore moins la honte – sur la « primauté du droit ».

Les représentants de l’Union européenne et d’autres parties intéressées sont descendus en Bosnie pour s’assurer qu’ils n’auront pas à traiter de nouveau avec un génocide et des réfugiés . Ils ont rencontré les mêmes politiciens qui les ont embobinés depuis le début. Ces soi-disant dirigeants leur ont assuré qu’ils étaient capables de maintenir le contrôle de la situation et effectuer des changements. Mais si la communauté internationale veut vraiment aider le pays à aller de l’avant , il faut commencer par comprendre qu’ils sont des hypocrites invétérés .

Au lieu de cela , ils devraient rencontrer et écouter les citoyens militants, et soutenir leurs revendications . Les plénums et leurs membres sont l’embryon d’un renouvellement en Bosnie-Herzégovine. ■

 

Source : http://www.inprecor.fr/article-inprecor?id=1583

Traduction : Jacques Radcliff