La plupart des grosses structures, privées ou publiques, utilisent le logiciel Oracle. Cet onéreux programme  permet de stocker des données en très grand nombre. Son homologue gratuit aussi ! Et mieux, la plupart du temps. Des millions d’euros pourraient facilement être économisés par le service public.

LA FORTUNE D’ORACLE

En 1977, l’américain Larry Ellison fonde la société Oracle et le début de sa richesse : un joli matelas de 43 milliards de dollars, selon Forbes, qui lui permet en 2013 de dormir du sommeil de la 5ème fortune du monde. En effet, pour utiliser ce logiciel les clients du monde entier doivent payer leur écot chaque année afin d’obtenir mise à jour et support technique : soient 22% du prix d’achat, fixé selon le nombre d’utilisateurs ou la puissance de l’ordinateur central. Ce qui représente en plus du prix d’achat de 11 Millions d’Euros, la coquette somme 2,4 Millions tous les ans pour un organisme comprenant 10.000 utilisateurs d’Oracle (1). Heureusement que les patrons de café ne payent pas leurs petits cuillères selon cette étrange logique.

LOGIQUE DU LIBRE ET GRATUIT

Dans les années 70, des informaticiens commençaient à mettre au point une version payante de PostgreSQL qui deviendra 10 ans plus tard, le logiciel libre homologue d’Oracle. Ce type de logiciel est une sorte de super-méga Excel (tableur bien connu). Sauf qu’il permet à des centaines, voire des milliers de personnes de consulter et modifier en même temps un gigantesque tableau de données : spectacle habituel des caisses de sécurité sociale mais aussi des caisses des supermarchés.

De quoi est libéré le logiciel libre ? De la sacro-sainte loi du marché ! Gratuit car ses concepteurs, dits « contributeurs », sont bénévoles. Le code informatique peut être modifié, contrairement aux logiciels payants. La licence, de type GNU, interdit que quiconque puisse se l’approprier, bien que n’importe qui soit autorisé à le vendre (par exemple en l’intégrant dans un produit commercial). On peut alors se demander qui est le plus libre : le marché ou ses opposants ?

L’EFFICACITE DU GRATUIT

Côté performance, c’est encore le gratuit qui l’emporte en ce qui concerne les fonctionnalités le plus courantes. Et les autres fonctions ? Le tableau est le même qu’en bureautique, avec Word : seules 20% de ses possibilités sont  habituellement utilisées. Et  justement les plus performantes chez le concurrent gratuit : PostgreSQL est même 30% plus rapide dans les cas les plus courants, tout en sollicitant moins l’ordinateur.

DEPENSES ET LOGIQUES PUBLIQUES

On se demande alors par quel miracle le service public a choisi la version payante alors que ses dépenses sont sans cesse pointées du doigt. A cette question, certains hauts fonctionnaires répondent : « carriérisme ! ». Ils précisent ainsi leur pensée « avec un produit payant, en cas de problème important, on peut s’en prendre à la société qui le commercialise ». Traduction : Oracle présente l’immense avantage de dédouaner le haut fonctionnaire de toute responsabilité !

Pourtant, une circulaire du 1er ministre de septembre 2012 engage à utiliser les logiciels libres dans toutes les administrations, notamment PostgreSQL.

Selon les lois du marché, il est évident que « argent » rime avec « efficacité » et « responsabilité ». Mais, quand la pratique réfute la théorie, c’est que la théorie est tout bonnement fausse.

En 1925, Marcel Mauss rédigeait un « Essai sur le don : forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques ». 50 ans plus tard, les informaticiens passionnés ont transformé l’essai. Plus d’un siècle après Marcel,  des ingénieurs clament : « je suis bien plus utile au chômage » (lire notre article http://www.pressenza.com/fr/2013/11/je-serais-tellement-plus-utile-au-chomage/).

 

(1)   Prix calculé avec les options « enterprise server », « tuning pack » et « performance pack », ce qui est une configuration standard en grande entreprise.

Télécharger le livre de Marcel Mauss http://classiques.uqac.ca/contemporains/fournier_marcel/marcel_mauss_ethno_pol_don/marcel_mauss_ethno_pol_don.pdf

Wikipedia : au sujet d’Oracle http://fr.wikipedia.org/wiki/Oracle_%28entreprise%29

Documentation sur postgresql : http://docs.postgresql.fr/