Image : Alice Kus

Il y a quelques années, j’ai publié un article sur Pressenza concernant les agences de notation de crédit. Au cours de la semaine [9.11.2013, NDLR] Standard and Poor’s a décidé de réviser à la baisse la cote de la France, cela vaut la peine de répéter ce qui avait été dit à ce moment-là, puisque rien n’a changé (pour le meilleur, en tout cas).

À cette époque, la cible était les États-Unis, mais si on prend en compte que les trois grandes agences de notation de crédit sont américaines, il est important de noter qu’ils ont été beaucoup plus draconiens avec les pays européens, une analyse superficielle des intérêts de ces agences démontre clairement pourquoi.

Publié pour la première fois en août 2011 : « Les agences de notation de crédit le font de nouveau. Si le trou dans l’économie est réel, pour les vraies personnes qui y vivent, et qui est créée par l’économie virtuelle, là où sont les spéculateurs, c’est-à-dire « le sauvetage des banques durant la crise des subprimes », n’était pas suffisant. Standard and Poor’s a « revu à la baisse » la cote de crédit des États-Unis, envoyant ainsi l’économie mondiale dans un trou encore plus profond.  Alors, pourquoi font-ils cela ?

Paul Krugman, un chroniqueur du New York Times et gagnant du prix Nobel d’économie (le 14 octobre 2008), nous dit : « … il est difficile de concevoir moins qualifié que les agences de notation de crédit pour se prononcer sur l’Amérique. Les personnes qui ont coté les titres adossés aux prêts hypothécaires déclarent maintenant qu’ils sont les juges de la politique fiscale ? Vraiment ? Afin que cela soit parfait, il se trouve que S&Ps’est trompé dans ces calculs de $2 milliards et qu’après beaucoup de débats, a concédé ce point, mais a tout de même continué avec sa révision à la baisse. » krugman.blogs.nytimes.com

Au lieu de parler des « marchés » et leurs droits inaliénables pour faire ce qu’ils veulent afin de réaliser quelques dollars de plus, ce serait vraiment plus utile, si les médias nous informaient plus sur comment fonctionne réellement le système économique et à qui cela sert, puis sur ceux que l’on ne voit pas, c’est-à-dire, qui tire les ficelles. Que nous ayons enfin de l’information et de la transparence sur ce qui compte vraiment. Ensuite, nous pourrions voir clairement les relations entre l’émergence de la pauvreté, la famine, la privation, l’inégalité sociale, les systèmes de soins (ou le manque de), l’éducation (ou le manque de) et l’économie néolibérale, le marché libre et al.

À une époque où Londres et d’autres villes du Royaume-Uni étaient enflammées avec des gangs de jeunes qui incendiaient et pillaient les magasins, nous pouvons nous demander pourquoi personne n’avait fait le lien entre ce type de pillage et le pillage que les banques ont engendré sur l’économie mondiale, pillage connu sous le nom des affaires habituelles, les bonus, etc. Très peu de personnes ont relié le harcèlement dans les écoles avec l’exemple du harcèlement des nations puissantes sur les plus faibles (Irak, Afghanistan, Libye, etc.).

N’étant pas moi-même une économiste, j’ai consulté Wikipedia afin d’essayer de comprendre ce nouvel assaut sur l’économie par des agences vraisemblablement infaillibles : fr.wikipedia.org/wiki/Agence_de_notation [NDLR : Le texte qui suit correspond à la version en anglais http://en.wikipedia.org/wiki/Credit_rating_agency]

« Une agence de notation de crédit est une entreprise qui attribue les notations de crédits pour les émetteurs de certains types de titres de créances ainsi qu’aux instruments de créances. Dans certains cas, les fournisseurs de la créance sous-jacente sont également donnés une notation.

Dans la plupart des cas, les émetteurs des titres sont des entreprises, des entités à vocation spéciale, des États et des gouvernements locaux, des organisations à but non-lucrative, ou des gouvernements nationaux qui émettent des titres assimilables à des titres de créances (c’est-à-dire des obligations) qui peuvent être négociées sur les marchés secondaires. Une notation de crédit pour un émetteur prend en compte la capacité financière de l’émetteur (c’est-à-dire sa capacité de rembourser un prêt), et cela à un impact sur le taux d’intérêt qui est appliqué spécifiquement à l’obligation qui est issue.

La valeur de telle notation d’obligation a été largement remise en question suite à la crise financière de 2007-2009. En 2003, l’U.S. Securities and Exchange Commission (commission boursière américaine) a présenté un rapport au congrès détaillant un plan pour lancer une investigation dans les pratiques anti-compétitives des agences de notation de crédit et les problèmes incluant ceux des conflits d’intérêts. Plus récemment, l’évaluation à la baisse des notations pendant la crise de la dette souveraine européenne de 2010-2011 a tiré des critiques de l’UE et des pays individuels. »

Oops!

“… Les agences de notations de crédits ne révisent à la baisse pas assez rapidement les entreprises. Par exemple, les notations d’Enron étaient à la valeur d’investissement quatre jours avant que l’entreprise ne fasse faillite, bien que les agences de notation de crédit fussent conscientes des problèmes que l’entreprise avait, depuis des mois. Ou encore, Moody a donné la meilleure notation aux actions privilégiées de Freddie Mac, jusqu’à ce que Warren Buffett parle de Freddie sur CNBC et que le lendemain Moody a révisé à la baisse la notation de Freddie au point que celle-ci s’est trouvée juste au-dessus des actions de pacotille (junk bonds).

… Les grandes sociétés de notation de crédit ont été critiquées pour avoir une relation trop familière avec les directions des entreprises, ce qui les rend vulnérables à des influences excessives ou à la vulnérabilité d’être induit en erreur. Ces agences rencontrent fréquemment et en personne les directions de beaucoup d’entreprises, et les conseillent sur les actions que l’entreprise devrait effectuer afin de maintenir une certaine notation. … Alors que les agences de notation de crédit sont souvent accusés d’être trop proches des directions d’entreprises de leurs clients, elles ont également été accusées d’être impliquées dans des tactiques de chantage oppressif afin de solliciter des relations commerciales avec des nouveaux clients et de réduire la notation de ces entreprises.

… Les agences de notation de crédit ont commis des erreurs de jugement dans la notation des produits structurés, en particulier pour l’attribution des notations AAA pour les créances structurées, qui dans un très grand nombre de cas ont été ultérieurement diminuées ou marquées défaillantes.

… Selon le professeur Frank Partnoy, la régulation des agences de notation par la Securities and Exchange Commission (SEC) et par la FED a éliminé la compétition entre les agences de notation de crédit et a quasiment obligé les participants du marché d’utiliser les services de l’une des trois grandes agences : Standard and Poor’s, Moody’s et Fitch.

La commissaire du SEC Kathleen Casey a dit que ces trois agences de notation ont agi de façon similaire à Fannie Mae, Freddie Mac et d’autres entreprises qui ont dominé le marché à cause des actions du gouvernement.  Lorsque les agences de notation ont donné des notations qui « induisaient en erreur de façon catastrophique, elles jouissaient de leurs années les plus rentables au cours des dernières décennies. »

Argentine – la répétition générale

Une séquence des évènements a conduit à l’effondrement de l’économie de l’Argentine en 2001, bien avant le 11 juillet, où les trois agences de notation de crédit ont déprécié les notations de l’Argentine. Cependant, plusieurs analystes ont vu cela comme étant l’élément déclencheur qui a obligé le gouvernement à mettre en place les mesures clés de l’austérité, réduisant les salaires des fonctionnaires et certaines pensions de jusqu’à 13 %. Les investisseurs étrangers, qui sont plus familiers avec les effets des notations de crédit, ont retiré tout leur argent. Une fuite des banques s’en découla, les banques ont fermé et beaucoup de personnes ont perdu leur épargne. Le FMI a annoncé qu’il ne donnerait plus d’aide à l’Argentine car les mesures d’austérité prises n’étaient pas assez sévères. Ceci voulait dire réduire les services au strict minimum, de laisser tomber la santé, l’éducation, le logement et d’autres services vitaux aux mains du profit du secteur privé.

Rétrospectivement ceci ressemble à une répétition générale pour des choses plus importantes et meilleures à venir.

Il semble que les agences de notation toutes puissantes, ces oracles de Delphes du temps moderne sont solidement ancrés au service d’un modèle économique qui montre déjà des signes de défaillance, de sa déshumanisation et de son imprévisibilité. Elles n’ont pas peur de submerger le monde entier dans une récession car c’est à ce moment-là que les grands marchés ont un impact sur la concentration. Vendre, vendre et vendre, pour les petits investisseurs et entreprises qui pensaient en pouvoir tirer profit lors du boom. Acheter, acheter et acheter, pour les grandes institutions financières qui amassent du capital et qui attendent plus que cela.

Et pour les personnes ordinaires ? Des réductions, des réductions et encore des réductions.

Traduction de l’anglais : Catherine Pageault