Image : Peace Boat, Stacy Hughes

Par Marte Hellema *

Le Japon va tenir des élections à la chambre haute de la Diète le 21 juillet 2013. Plusieurs partis, dont notamment le Parti libéral-démocrate du premier ministre Abe, ont fait de la révision constitutionnelle une priorité. S’ils obtiennent une majorité (et ils sont en bonne posture pour l’obtenir), ils vont essayer d’amender l’article dite de renonciation à la guerre de la constitution japonaise, dans le but de permettre au Japon de mener des actions militaires collectives. L’article 9 n’est pas une simple disposition du droit japonais. Il agit également en tant que mécanisme de paix international en faveur de la réduction des dépenses militaires, d’un soutien à la prévention de conflit, de la promotion de zones libres d’armes nucléaires, de la reconnaissance du droit humain à la paix, et bien plus. La campagne mondiale pour un article 9 demande, par le biais d’une pétition en ligne, l’aide de tout le monde afin de prévenir la révision de cet article vital.

Adopté à la suite du désastre de la seconde guerre mondiale, l’article 9 était une promesse au monde, et en particulier les pays voisins qui avaient souffert de l’occupation japonaise, de ne plus jamais faire la guerre. Le Japon a juré qu’aucun autre pays ne devrait subir un bombardement atomique. Avec une telle promesse, le Japon a prospéré en tant que superpuissance économique, plutôt que d’essayer de devenir une puissance militaire.

L’article dit : 1) Aspirant sincèrement à une paix internationale fondée sur la justice et l’ordre, le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des conflits internationaux ; 2) Pour atteindre le but fixé au paragraphe précédent, il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales et aériennes, ou autre potentiel de guerre. Le droit de belligérance de l’État ne sera pas reconnu.

Durant la guerre froide, le Japon a développé ses « Forces d’auto-défense » (ou FAD) et est devenu depuis un des leaders mondiaux en matière de dépenses militaires. Pourtant, l’article 9 (et le soutien du peuple japonais dans ses principes) a agi comme frein contre une éventuelle militarisation du Japon et forcé le gouvernement, en matière de politique nationale, de se conformer à plusieurs principes clés ancrés dans l’esprit cette clause de paix, tels que l’interdiction d’exportation d’armes, une politique anti-nucléaire, et le non-déploiement de FAD dans les zones de combat actives.

Déjà en 2006, lors de son premier mandat de Premier ministre, Abe avait déclaré son intention de réviser l’article 9, en partie à cause de la demande américaine de soutien militaire unilatéral dans sa « guerre contre le terrorisme » et des pressions menées par des grandes compagnies qui voyaient de grands potentiels dans le développement et le commerce des armes. Aujourd’hui, avec le retour d’Abe au pouvoir, ses tentatives d’amender la constitution, mêlées à des remarques révisionnistes de politiciens de haut rang (notamment au sujet des « femmes de confort » réduites par nécessité en état d’esclaves sexuelles par l’Armée impériale japonaise pendant la seconde guerre mondiale, et se demandant si les actions commises en tant de guerre par le Japon doivent être considérées comme une « agression ») provoquent des réactions inquiètes au Japon.

Cependant, de telles réactions inquiètes vont bien au-delà des frontières japonaises. Au niveau régional, l’article 9 a servi de « fondation à la sécurité collective de l’ensemble du Pacifique asiatique ». Il existe des peurs fondées qu’une révision entrainerait une course à l’armement dans l’Asie du Sud-Est (une région encore hantée par des structures de guerre froide instables) et aurait de sérieuses conséquences sur la crise nucléaire coréenne et les relations sino-japonaises. Dans une situation comme celle-ci, le débat sur l’amendement de l’article 9 menace de déstabiliser la paix fragile qui règne dans l’Asie du Nord-Est.

La campagne pour un article 9 mondial, lancée en 2005 par une coalition d’organisations de la société civile japonaise, cherche non seulement à protéger au niveau local l’article 9, mais aussi à sensibiliser le monde entier sur les mécanismes de paix internationales existantes telles que la Constitution du Japon et à encourager les gouvernements à travailler en faveur du désarmement, de la démilitarisation et d’une culture de paix.

Dans les mois qui précèdent les élections du 21 juillet, la campagne pour un article 9 mondial a lancé une pétition internationale afin de demander au premier ministre Abe de ne pas amender la clause de paix du Japon. Cette initiative a pour but de souligner le soutien mondial à l’article 9 dite de renonciation à la guerre, et de contribuer à faire en sorte que des voix internationales en faveur de la constitution pacifique de Japon puissent être entendues dans les débats électoraux.

Ainsi, en l’espace d’à peine 48 heures, près de 1 000 personnes originaires de 57 pays ont signé la pétition. Rejoignez-les en apportant votre soutien à http://www.change.org/petitions/prime-minister-shinzo-abe-save-japan-s-peace-constitution. Prenez part au mouvement de maintien de l’article 9 et travaillons ensemble pour la paix et la stabilité en Asie du Nord-Est.

(*) Marte Hellema, Directrice de programme de sensibilisation du public et coordinatrice régionale pour le Pacifique asiatique

Partenariat mondial pour la prévention des conflits armés (PMPCA)

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Traduction de l’anglais : Alexis-Michel Gauvrit