Par François GOBBE

Le Réseau pour la Justice fiscale (RJF), qui lutte en Belgique depuis plus de 15 ans notamment pour lever le secret bancaire fiscal, considère que les révélations de ce jeudi 4 avril concernant les comptes secrets offshore de dizaines de milliers de sociétés et de particuliers sont importantes. Contre ces pratiques scandaleuses, des mesures comme, par exemple, l’interdiction des paradis fiscaux dans l’Union Européenne, doivent être prises..Comme l’OCDE, la Commission européenne et même l’ONU, le RJF considère que les paradis fiscaux (territoires à faible fiscalité, sans transparence vis-à-vis des autorités fiscales, accueillants pour les non-résidents et développant des législations fiscales particulièrement laxistes) sont des lieux de corruption et de concentration de la fraude fiscale. S’appuyant sur un réseau bancaire hyper-développé et des centres financiers « offshore » (comme la City, notre voisin le Luxembourg ou le Delaware (USA)), plus de 72 pays ou territoires développent ainsi une grande densité de flux financiers et de réseaux bancaires disproportionnés par rapport à leur PIB (et donc à l’activité économique réelle). Suivant les estimations, les paradis fiscaux abriteraient de 20.000 à 30.000 milliards $.

L’OCDE constatait récemment dans un rapport une baisse de l’assiette fiscale des sociétés transnationales, à la suite de transferts de bénéfices vers des paradis fiscaux.

En témoignent les récentes informations sur les impôts quasi-nuls payés par des firmes de haute technologie à bénéfices importants comme Google, Apple, Amazone… Ces situations s’expliquent par des délocalisations de bénéfices entre filiales en direction de pays se prêtant à cette concurrence déloyale comme les Pays-Bas, l’Irlande, voire le Luxembourg…

De la même manière, les sociétés minières occidentales, présentes dans de nombreux pays d’Afrique ou d’Amérique latine se prêtent au même jeu et appauvrissent ainsi toujours plus d’Etats en développement.

La Belgique aussi, participe à cette compétition au sein de l’Union européenne: les intérêts notionnels, l’absence de taxe sur les plus-values boursières, la persistance d’un secret bancaire fiscal qui ne peut être levé que sur base d’indices de fraude déjà avérés, l’absence d’impôt sur les grosses fortunes en font un territoire particulièrement attrayant pour les centres financiers des multinationales ainsi que pour les grosses fortunes soucieux d’échapper à l’impôt, comme en témoignent les exodes médiatisés de Bernard Arnault et de Gérard Depardieu…

La compétition fiscale ne date pas d’aujourd’hui ; elle s’appuie sur toute une armée de conseillers fiscaux et d’avocats, de bureaux d’audits chargés de rendre ces évasions « légales », mais elle appauvrit d’autant les recettes fiscales des différents Etats. Elle a été facilitée par des décisions politiques initiées dans les années Thatcher et Reagan, auxquelles presque tous les pays ont emboîté le pas ; y compris la Belgique. De grandes banques exerçant en Belgique, et dont l’Etat belge est aujourd’hui propriétaire ou actionnaire, comme BNP Parisbas, Belfius et Dexia, KBC…disposent de nombreuses filiales situées dans ces territoires et sont donc des vecteurs importants d’évasion et de fraude fiscale. Cherchez la cohérence avec les efforts budgétaires de nos gouvernants… !

Il y a donc beaucoup d’hypocrisie dans l’indignation actuelle : tout ceci est toléré depuis longtemps et est le fruit de décisions politiques.

En Belgique, les 108 recommandations de la Commission d’enquête parlementaire sur les grands dossiers de fraude fiscale n’ont pas été suivies de mesures effectives en de nombreux domaines. Faut-il se demander pourquoi ?

NON, NON rien n’a changé … ! Tout va continuer… ?

Au minimum, espérons que les révélations ne restent pas sans suites, notamment au niveau de l’ISI et de la justice !

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