Les 17 et 18 novembre derniers, au Centre d’Etudes et de Réflexions d’Attigliano, prés de Rome (Italie), les représentants des organismes et ONG du Mouvement Humaniste se sont réunis. Créé dans les années 60 par Silo en Argentine, ce mouvement avait rapidement pris, sous la pression de la dictature, une dimension internationale. Deux ans après la mort de son fondateur, ses membres se réunissent pour définir les nouvelles orientations afin de poursuivre son œuvre, leur idéal : « humaniser la terre ».

 Dans un monde où les changements se succèdent de plus en plus rapidement, où les nouvelles générations ne veulent ni leader, ni idéologie, beaucoup de rassemblements se heurtent à la nécessité d’évoluer et l’abordent avec un bonheur inégal. Témoin de ces difficultés, nous avons interviewé Claudio (Italie) et Mathusalem (Islande), deux membres de la première heure du Mouvement Humaniste, témoins depuis prés de 40 ans de ces évolutions. Ils évoquent pour nous les tentatives d’affronter avec réalisme ce défi et de favoriser l’émergence de solutions nouvelles.

 

Q : Pendant plus de 30 ans, Silo a été un leader fort dans votre organisation qui est, tout de même, d’une grande ampleur. Comment cela se fait-il que personne ne l’ait remplacé ?

 R : Tout d’abord, il n’a jamais désiré être un leader mais plutôt un coordonnateur. Cela étant dit, je crois qu’il est difficile de remplacer un homme de sa stature, même s’il avait déjà commencé à se retirer largement de l’organisation afin qu’elle s’autonomise. De toute façon, il s’est débrouillé pour que personne ne le remplace et il n’a laissé intentionnellement aucune directive. Rien, le vide total. Il a rendu impossible toute récupération, toute manipulation.

Q : Comment vivez-vous cette période de transition ?

R : Avec pas mal de difficultés, qui motivent d’ailleurs notre rassemblement de cette fin de semaine. Les anciennes générations auraient parfois tendance à imposer leurs habitudes et leurs points de vue, mais les jeunes et surtout l’époque, ne le permettent pas. Maintenant, les gens préfèrent discuter pour arriver à construire ensemble avec une forme d’intelligence collective. Cela nous demande des efforts supplémentaires en termes de quantité et de qualité de la communication entre les personnes et les différents organismes nationaux et internationaux. Il faut remercier Silo d’avoir impulsé, au sein de notre organisation, ce type de procédé qui démontre que les  gens et les organismes peuvent fonctionner et faire des choses intelligentes sans leader. De toute façon, les nouvelles générations n’aiment pas les leaders.

Q : qu’entendez-vous par intelligence collective ?

R : Dans notre situation, je dirais que c’est comme un orchestre symphonique habituellement dirigé par un chef d’orchestre qui deviendrait un groupe de jazz où chacun improvise sur le thème. Nous n’avons pas beaucoup d’expériences en la matière.

Q : Comment se caractérise-t-elle ?

R : C’est un procédé de dés-identification qui fait que je ne me sens pas mal à l’aise ni en opposition face aux autres lorsque leurs idées s’avèrent très différentes des miennes.  Ce type de réflexion en groupe demande d’apprendre à mettre son égo entre parenthèse pour considérer le point de vue de l’ensemble. Ce n’est pas si facile, c’est toute une éducation.

Q : Vous n’êtes pas les seuls à essayer de travailler dans cette direction, n’est-ce pas ?

R : C’est tout à fait exact. Par exemple, il y a le mouvement des Indignés. En Espagne, je crois qu’il y a des rumeurs provenant des Communistes qui soutiennent que nous avons manipulé ce mouvement. C’est plutôt amusant à entendre parce que nous n’avons pas une telle force. Et surtout c’est une méconnaissance de cette forme de travail qui s’oppose justement à toute manipulation. Mais il est vrai que, par beaucoup d’aspects, nous sommes très proches. Une nouvelle sensibilité est là, elle se manifeste clairement dans les mouvements sociaux récents bien que ceux-ci ne trouvent que peu d’échos dans les médias traditionnelles : la crise des modèles économiques, mais aussi politiques et sociaux n’est plus à démontrer, l’échec de la violence devient de plus en plus évident. Nous n’avons plus vraiment besoin de lutter pour le démontrer comme nous l’avons fait pendant des années.

Q : Pensez-vous que ce soit la preuve de votre influence ?

R : Nous sommes nombreux à avoir remarqué les coïncidences entre notre Marche mondiale pour la paix et le désarmement nucléaire et l’apparition des mouvements sociaux revendiquant peu ou prou la non-violence comme mode d’action. Mais, je crois que ce serait vraiment présomptueux d’affirmer que nous en sommes responsables : toutes ces caractéristiques des mouvements sociaux révèle plutôt une tendance historique à laquelle nous participons.

(1)     A paraître l’interview d’un jeune participant : « Pour quoi les jeunes s’engagent en 2012 »

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Quelques repères historiques du Mouvement Humaniste.

1961 à 1964 : Lancement des premiers groupes en Argentine et au Chili

1969 : Premier discours public à  la frontière entre l’Argentine et le Chili, suivi de répression militaire

1973 : Premières missions internationales et exils politiques

1978 : Création de la Communauté pour le Développement de l’Etre humain

1981 : Tournée mondiale de conférences publiques

1984 : Création du Parti Humaniste

1989 : 1er Congrès internationaux du Parti humaniste (Florence) et du Parti Vert (Rio de Janeiro)

1992 à 1996 : Ouverture de locaux de quartiers

1996 à 2000 : Missions en Afrique et en Asie

2000 : Silo se retire de la coordination du Mouvement Humaniste

1999 : Ouverture du Parcs d’études et de réflexion de Punta de Vacas (Argentine)

2001 : Lancement du Message de Silo (spiritualité)

2009 : Marche Mondiale pour la Paix et le désarmement nucléaire

2010 : Autonomisation des Parcs suivi de la mort du fondateur

Pour aller plus loin : http://silo.net/