Suite aux récentes annonces des prix Nobel en physique et chimie, tous deux récompensés pour leurs travaux sur les transferts d’information, le Dr. Martin Williams dit : « Alors que le prix en physique impliquait pour sûr la mécanique quantique, le prix en chimie ne s’est pas concentré sur des réactions dans des éprouvettes mais sur de la biologie cellulaire »

Ci-dessous l’article complet du Dr. Martin Williams depuis son blog Hong Kong Outdoors.

http://www.drmartinwilliams.com/science/the-cat-in-the-box-and-a-real-eureka-moment.html

« Le prix Nobel de Physique a été remis conjointement à Serge Haroche, du Collège de France et de l’Ecole Normale Supérieure de France, et à David Wineland, de l’Institut National des Standards et Technologies (NIST) et de l’Université de Colorado Boulder aux USA, pour leurs expérimentations révolutionnaires qui permettent de mesurer et manipuler les systèmes quantiques individuels. »

Ces expérimentations impliquent en quelque sorte l’étrangeté quantique décrite par le physicien Erwin Schrödinger en 1935. En extrapolant la mécanique quantique au monde qui nous entoure, il avait décrit une situation ridicule : un chat enfermé dans une boite avec une flasque de poison et des substances radioactives dont le délabrement pouvait détruire la flasque. Selon la mécanique quantique, le chat pourrait à la fois être vivant et mort ; bien entendu toute personne qui ouvrirait la boîte trouverait un chat soit vivant, soit mort. Jusque très récemment, on pensait qu’il était difficile voire impossible d’observer des atomes et particules sub-atomiques individuelles se trouvant dans deux états quantiques en même temps : les physiciens étudiaient beaucoup de particules en même temps. Mais de nouvelles techniques très sophistiquées et les travaux pionniers menés par Haroche, Wineland et leurs équipes nous permettent aujourd’hui de nous plonger dans le monde quantique.

Les deux équipes ont réussi à trouver une manière de piéger les particules.

Haroche a capturé les particules légères, les photons, dans une cavité, entre des miroirs de matériaux super-conducteurs si réfléchissants qu’une photo peut rester piégée pendant un dixième de seconde. Assez de temps pour qu’elle parcoure 40.000 km en rebondissant dans cet espace confiné d’à peine 3 cm de largeur. Ensuite il envoie des signaux lumineux à travers chaque atome préparé individuellement et interagissant avec le photon. Le résultat est un infime changement dans le mouvement de vague de l’atome.

En utilisant cette phase de changement, Haroche peut détecter les photons sans les détruire, au contraire des détecteurs normaux qui convertissent l’énergie des photons en énergie électrique. Il a aussi contrôlé des photons dans leur « l’état chat », oscillant essentiellement en même temps vers le haut et vers le bas, jusqu’à ce qu’ils oscillent dans un sens ou dans l’autre.

Wineland, lui, a conservé et piégé dans un aspirateur et un champ électrique des atomes électriquement chargés, les ions. En utilisant un laser qui encourage l’émission d’énergie, son équipe a réussi à diminuer leur température pour atteindre presque le zéro absolu. Les ions sont ainsi devenus quasi immobiles. Il a ainsi pu créer des états semblables au chat de Schrödinger avec des pulsations laser poussant l’ion à se trouver dans deux états en même temps.

Wineland a utilisé l’ion pour créer l’horloge la plus précise au monde, même si elles ont une vie bien plus courte et bien qu’elless soient difficilement le type d’appareil d’horlogerie qu’on puisse acheter dans un magasin. Les ions pourraient aider avec des applications telles que la navigation. La Fondation Nobel envisage également que les travaux de Haroche et Wineland puissent ouvrir la voie à la création d’ordinateurs quantiques qui pourraient transformer nos vies aussi radicalement que ceux que nous utilisons aujourd’hui l’ont fait.

Le prix de chimie a été remis pour des travaux qui sont plus faciles à comprendre, mais qui ont également des conséquences d’une grande portée. Il a été remis à Robert Lefkowitz, de l’Institut Médical Howard Hughes et du Centre Médical Universitaire de Duke aux USA, et Brian Kobilka, de l’Université de Médecine de Stanford aux USA, pour « des études sur des récepteurs couplés aux protéines G ».

L’origine de leurs travaux date de la fin du 19ème siècle, lorsque des scientifiques découvrent que l’adrénaline augmente la tension artérielle et la fréquence cardiaque, mais ils ne purent expliquer comment cela se faisait. L’adrénaline n’entrait pas dans les cellules. Par conséquent, comment l’information passait-elle ? Tout mécanisme impliquant les nerfs fut exclu. Alors qu’il était étudiant, Lefkowitz fit des recherches sur un récepteur dans les cellules qui produisent l’adrénaline.

Cela le mena vers un poste de responsable d’une équipe de recherche dans de nouveaux laboratoires. Lefkowitz décide de se concentrer sur les récepteurs pour adrénaline et noradrénaline. L’équipe extrait des récepteurs sur des tissus vivants en utilisant le marquage radioactif. D’autres chercheurs découvrent ce qu’on appelle les protéines G dans les cellules, et que le signal d’un récepteur peut les mener à causer des séries de réactions qui altèrent le métabolisme d’une cellule.

Kobilka rejoint l’équipe pour les aider à trouver le gène de la protéine du récepteur d’adrénaline. On suppose qu’il passe sept fois à travers la paroi de la cellule. Lefkowitz se rend compte, lors de ce qu’il décrit plus tard être le « moment du vrai Eureka », que c’est le même nombre de chaînes de spirales que pour les récepteurs lumineux que d’autres ont découvert, et il en conclut qu’il doit y avoir une famille de récepteurs qui se ressemble et fonctionne de la même manière.

A Stanford, Kobilka change de poste et se donne pour lourde mission de créer une image du récepteur. Il utilise la cristallographie au rayon X, qui avait été utilisée avec succès pour les protéines solubles dans l’eau. Mais les récepteurs n’étaient pas solubles dans l’eau et cela a pris 20 ans à Kobilka pour obtenir enfin une image. Celle-ci fut publiée l’an dernier et montre un récepteur au moment où il passe un signal à une protéine G. « Cette image est un chef d’œuvre moléculaire, le résultat de décennies de recherche », indique la Fondation Nobel.

Lefkowitz est resté sur le sujet, qui a révélé presque mille gènes qui codent pour ces récepteurs. La moitié environ reçoit des odeurs, un tiers concerne les hormones et autres substances telles que l’adrénaline, l’histamine et la dopamine. Quelques-uns capturent la lumière. Et la fonction de plus d’une centaine d’entre eux est encore inconnue.

Comme plus de la moitié des médicaments agissent via ces récepteurs, ils revêtent une grande importance pour la médecine, et la recherche peut nous aider à mettre au point des médicaments encore plus efficaces. Vous devez certainement vous dire maintenant « C’est très bien, mais comment puis-je obtenir moi-même un Prix Nobel ? » De manière surprenante, il n’est pas essentiel d’avoir été brillant à l’école : un bulletin de notes de John Gurdon, co-vainqueur du Prix Nobel de Médecine de cette année, montre que ses chances de devenir un scientifique étaient « plutôt ridicules ».

Vous avez plus de chances si vous êtes un homme : seulement 4 femmes ont gagné un prix en chimie. Et : mangez plein de chocolat !

Oui, le chocolat ! Car questions science cette semaine, le New England Journal of Medicine, a publié des recherches mentionnant que plus la consommation de chocolat par tête est élevée dans un pays, plus ce pays engendre des lauréats du Prix Nobel. L’auteur Franz Messerli reconnait qu’il puisse s’agir d’une coïncidence mais conseille « si vous voulez gagner le prix Nobel en physique, prenez plutôt du chocolat noir. »

Dr Martin est un ornithologue qui vit sur l’île de Cheung Chau, à Hong Kong.

 

Traduction de l’anglais : Frédérique Drouet