Avant de poser les pieds dans ce bourbier Touareg, il est important de comprendre que le Nord du Mali n’est pas une région homogène comme on croit : les trois régions du Nord occupées par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) représentent 1 300 000 habitants environ, les touaregs, les sonrhaïs et les maures au Mali représentent respectivement 8%, 6% et 5% de la population totale du Mali (environ 15 millions). En sachant que l’on compte en tout et pour tout 400 000 touaregs en dehors des régions du Nord. Ce qui laisse 800 000 touaregs dans les trois régions septentrionales, soit 61,5% de la population totale de ce grand ensemble. Ce qui prouve que les touaregs sont loin d’être minoritaires dans le Nord.

Il ne fait aucun doute que ceux qui ont pendant longtemps étouffé le Mouvement de Libération de l’Azawad ont servi durant ces quinze dernières années de prétexte pour les états de la région, dont le Mali, pour mater les revendications légitimes de souveraineté du peuple touareg ; revendications qui remontent à l’époque coloniale.

Pour comprendre ce qui se passe au nord du Mali aujourd’hui, il faut répondre à plusieurs questions :

– Pourquoi le peuple touareg, qui a par ailleurs subi des massacres de l’armée malienne dès l’époque de Madibu, n’a-t-il pas le droit à sa souveraineté ?

– De quel droit un peuple puisse-t-il décider du sort et de l’avenir d’un autre peuple ?

– Pourquoi l’indépendance est-elle bonne pour les maliens et autres mais pas pour le peuple touareg?

– Comment se fait-il que les peuples d’Afrique au sud et au nord du Sahara puissent dénier aux touaregs l’indépendance pour laquelle eux mêmes ont eu droit ?

Ce qui est constant aujourd’hui est que les Touaregs ont longtemps été persuadés à tort ou à raison, qu’ils sont menacés de disparaître soit sur le plan physique, soit sur le plan politique, par la domination exclusive des autres groupes ethniques. Autrement dit, leur survie réelle est en jeu quand ces derniers se sentent dépossédés non seulement d’un territoire qu’ils estiment être le leur et dont ils peuvent gérer librement ses ressources et ses hommes.

Les états de la région, hormis la Mauritanie, n’ont jamais agi pour neutraliser AQMI, mouvement terroriste très actif dans cette partie du continent. Bien au contraire, ils l’ont utilisé en temps de paix pour pervertir la société touareg et, en temps de guerre, ils ont tenté de distraire l’opinion internationale en voulant faire l’amalgame entre l’armée de libération de l’Azawad et les terroristes islamistes.

Fort heureusement que l’annonce par le MNLA de la fin des opérations militaires a montré clairement que son objectif n’a rien à voir avec l’installation d’un état islamique au Mali mais de libérer le pays Azawad. Les touaregs, comme tous les berbères, n’ont rien à voir avec l’idéologie islamiste qui prospère plus au nord et loin au sud de leur pays. Le MNLA est ce qui reste de ce vaste mouvement touareg que Kadhafi avait pris sous son aile pour réaliser le royaume qui devait le proclamer Roi et qui servait à l’occasion à faire du chantage aux voisins comme l’Algérie où le Maroc par Polisario interposé.

L’objectif final de ce mouvement était de conquérir toute la partie sud du Sahara jusqu’à l’Atlantique en mordant un peu sur tous les pays alentour. L’Algérie ayant neutralisé ses propres Touaregs et avec la chute de Kadhafi et les arsenaux ouverts les autres se sont attaqué au Mali dont le pouvoir central très affaibli n’a rien pu faire malgré une vaine résistance au début. AQMI et les autres mouvements extrémistes ont pris le train en marche pour se relancer.

Si l’intégrité du Mali n’est pas restauré, il faut s’attendre à une série de demandes d’autonomie qui va concerner tous les pays de la région : Mauritanie, Maroc, Niger, Tchad et peut être même l’Algérie. Là, ce sera un véritable cataclysme avec toutes les conséquences que l’on sait sur les mouvements des populations, la recomposition des territoires, les conflits armés qui s’en suivront. Même l’Europe n’en sortira pas indemne.