**Le moment sociétal actuel**
Les enfants nord-américains se développent dans une culture qui propose des modèles d’adultes violents. À douze ans, un enfant nord-américain aura été témoin d’au moins 18,000 meurtres à la télévision (Sadovink, cookson, & Semel 2001, p.131). Dans un récent rapport basé sur des données compilées de 35 pays, l’Organisation mondiale de la santé (OSM) souligne qu’au moins 40 % des jeunes de moins de 13 ans ont subi ou fait subir à d’autres des actes ou des gestes violents. Le rapport indique que 90 % des jeunes de moins de 13 ans ont été témoins d’un acte de harcèlement, d’une agression ou d’une bataille à l’école.

Afin de mieux saisir la source des comportements inappropriés des enfants, nous devons commencer à les observer à partir du moment sociétal actuel. À partir du temps social dans lequel grandissent et se développent les enfants. En effet, malgré les bonnes intentions des parents, il faut reconnaître que les facteurs culturels, sociaux, économiques, religieux et environnementaux dessinent le paysage humain et portent une influence directe sur les perceptions et sensations des enfants. Il est généralement convenu que c’est à partir des sensations, des perceptions, des codes moraux et des expériences personnelles que les enfants une fois devenus des jeunes, structurent leurs représentations du monde. Autrement dit, si les enfants et les jeunes sont différents de ce que nous étions à leurs âges c’est parce qu’ils vivent différemment et qu’ils se développent dans un autre moment. Si les enfants et les jeunes perçoivent le monde différemment, c’est parce qu’ils le voient et le vivent différemment malgré le fait que nous sommes tous dans le même moment sociétal.

Les événements surviennent si rapidement qu’elles nous dépassent et l’accélération du rythme de vie touche le développement des enfants et des jeunes. D’une part, la performance et l’individualisme sont les valeurs qui prennent le dessous sur celles de la famille. D’autre part, la famille éclate et les couples deviennent de plus en plus mobiles et changeants. Malgré l’avancée figurante des technologies de l’information et des communications, la communication interpersonnelle se bloque. L’amitié disparaît tandis que la compétition envenime toutes les relations humaines à tel point que tout le monde se méfie de tout le monde.

Il est bien évident qu’une majorité de jeunes et d’enfants nord-américains ne vivent pas directement ces phénomènes, mais y sont indirectement confrontés. Si nous souhaitons aider les enfants à « se » sortir de la violence nous devons avant tout comprendre comment se développe la violence. La violence est une bête alimentée par la peur. Plus, la peur sociale grandit, plus les malaises et les tensions psychologiques sont grands et se répand à travers la population. Au fil des événements sociaux et individuels difficiles et tragiques, le sentiment d’insécurité, traduit par la peur et l’angoisse, s’installe dans la vie des populations. Plus les enfants et les jeunes vivent des expériences violentes en tant que témoins, agresseurs ou encore en tant que victimes, plus ils risquent de développer des réponses violentes lors des difficiles qu’ils vivent. Ces réponses peuvent se traduire par l’angoisse, la panique, le renfermement sur soi, etc.

Au Canada tous les mois une nouvelle étude le confirme, les statistiques ne démentent pas et démontrent une hausse vertigineuse de dépressions, de problèmes d’anxiété, de « burnout», de troubles de panique, de toxicomanie et de suicides, etc. Ces tendances sont présentes autant chez les adultes que chez les jeunes. Tandis que les sociologues et les spécialistes de la petite enfance sonnent l’alarme et soulignent que les changements rapides de valeurs touchent directement le développement des enfants. Il n’est pas surprenant qu’on retrouve de plus en plus de trouble de panique chez des enfants qui ont à peine sept ans ainsi que des phobies diverses telles que la phobie scolaire chez des petits âgés de six et sept ans. Plusieurs se voient prescrire des anxiolytiques, ces médicaments qui visent à apaiser l’anxiété ont longtemps été réservés aux adultes. On remarque une tendance à droguer des jeunes à peine sortie de l’enfance. Est-ce la seule solution?

Le moment sociétal actuel est manqué par une crise mondiale généralisée. Par ailleurs, c’est un moment formidable pour les nouvelles générations branchées sur une nouvelle culture en devenir « mondialisée ». En effet, pour la première fois, les nouvelles générations partagent non seulement les mêmes produits et modes culturels, mais participent aussi mondialement à des événements majeurs. Le 20 avril 2009, plus d’un milliard de personnes participaient à la journée de la Terre. Plusieurs centaines de millions de jeunes ont participé à des événements partout à travers le monde.

D’autre part, le moment actuel est aussi manqué par la violence psychologique, la violence économique, la violence environnementale, raciale et religieuse. De plus en plus de parents, les professionnels en milieu scolaire et les spécialistes de toutes les disciplines sociales sont dépassés par cette situation endémique! Que faut-il faire?

**La violence peut-elle être pédagogue?**
La violence n’est pas pédagogue. Il est généralement convenu que tout comportement violent à l’école doit être puni. Cependant, est-ce que les récidivistes devraient être punis avec une force accrue? Est-ce que toute nouvelle récidive devrait s’accompagner d’une exclusion, d’un renvoi, ou d’une détention? Est-ce qu’éduquer les enfants par la peur peut prévenir la violence? Si bien intentionnée qu’elle soit, la répression que pratique l’école constitue, elle aussi, une forme de violence qui ouvre la porte à l’escalade de la violence. Est-ce possible de prévenir la violence à constamment blâmer les jeunes tandis que la «loi » est associée à la violence que les écoles exercent sur les jeunes? Selon plusieurs spécialistes qui travaillent à prévenir la violence chez les jeunes, vaincre la violence par la violence ne peut que l’accentuer. Y a-t-il une issue à la violence?

**La prévention à la violence et l’éducation à la non-violence**
Depuis une dizaine d’années, plusieurs gouvernements, spécialistes de l’enseignement et de la prévention se sont penchés sur les problèmes de violence à l’école et ont développé des programmes de prévention à la violence. Ces programmes visent l’acquisition de comportements appropriés en milieu scolaire; allant de programmes de prévention à la violence, prévention à la drogue, au harcèlement, à la discrimination, etc.

Par ailleurs, il existe peu de programmes d’éducation à la non-violence implantés dans les écoles en Amérique du Nord. Fréquemment, les professionnels de l’enseignement se méprennent et associent l’éducation à la non-violence à des programmes de prévention.

Un programme d’éducation à la non-violence diffère d’un programme de prévention à la violence. Tandis que les programmes la prévention à la violence propose une série de mesures visant l’acquisition de compétences « utiles » afin d’apporter des modifications dans les attitudes, comme le prévenir le taxage, la violence verbale, l’agression physique, le racisme, etc. Les programmes d’éducation à la non-violence reconnaissent avant tout que la violence s’est installée partout et touche toutes les sphères de la société. Les activités d’un programme d’éducation à la non-violence commencent là ou les jeunes et les enfants vivent de la violence que se soit en tant que victime, en tant qu’agresseur ou encore en tant que témoin. Le programme propose des activités visant à développer des sensations liées aux sentiments de compassion, de relaxation, de paix et de bonté. Les activités sont orientées vers le développement d’attitudes à la résolution des conflits et des problèmes personnels à partir d’une méthodologie d’action non-violente. L’aspect fondamental d’un programme d’éducation est l’action non-violente. Les propositions touchent l’organisation d’activités visant un engagement personnel, local et mondial pour l’avancée d’une culture de la non-violence.

Alors qu’un programme de prévention à la violence est essentiellement réalisé avec les élèves, le personnel enseignant et les parents et est généralement géré par un ou des spécialistes. Les activités d’un programme d’éducation à la non-violence sont interconnectées à des activités locales, nationales et mondiales. Généralement, un programme d’éducation à la non-violence est géré par des volontaires et des bénévoles provenant de toute part de la communauté et de la société telles que des élèves, des parents, des intervenants, des enseignants, des employés, des gens d’affaires, des leaders de différents groupes, etc. Le niveau de responsabilité des activités d’un programme d’éducation à la non-violence n’est pas accordée aux participants et ou volontaires en raison d’une identité professionnelle légitimée par une institution, mais plutôt celle-ci découle entièrement du travail accompli. Autrement dit, la compétence à l’action «non-violente» est indépendante de tout statut professionnel puisqu’elle s’acquiert à partir de l’expérience vécu et non par la connaissance. Ainsi, des parents ou encore des élèves peuvent très bien être les responsables d’un programme d’activités dans une école ou dans un quartier.

Plus un programme d’activités met l’emphase sur le fait que la violence vécue individuellement est interconnectée à la violence globale, plus le programme gagne en efficacité. En effet, lorsque les élèves comprennent que ce n’est plus simplement « leurs problèmes», mais aussi un problème généralisé à toute la société et qu’ils saisissent que leurs actions n’est pas isolés mais supportées par d’autres actions de jeunes à travers le monde, plus ils participent. Prenons l’exemple de la conscience environnementale planétaire qui s’est développée au cours de la dernière décennie. Dès que les jeunes et les enfants ont compris qu’il s’agissait de protéger les animaux et la planète que tous partagent, ils se sont mis à des activités de recyclages, de nettoyages et conversation d’énergie. Assistons-nous à l’éveil d’une conscience planétaire non-violente ?

**Exemple d’un programme d’éducation à la non-violence**
À l’automne 2009 des intervenants du milieu scolaire et quelques volontaires expérimentés à l’éducation à la non-violence membres du Réseau international humaniste et de l’organisation Un monde sans guerres et sans violence ont développé un programme d’éducation à la non-violence pour les écoles du Québec et de l’Ontario. Le programme a été développé à partir des thèmes et des pratiques de l’humanisme universaliste. Le programme mis sur pied dans le cadre de la Marche mondiale pour la paix et la non-violence proposait une série d’ateliers pratiques: la connaissance de soi (vertus personnelles); la connaissance des autres (connaissance d’une autre culture); la non-violence I – le traitement de l’autre (expérience vécue en tant que victime et/ou en tant qu’agresseur); la non-violence II – (personnages historiques de la non-violence). Des livrets thématiques sur la non-violence pour les enfants âgés de 4 à 8 ans et pour les jeunes âgés de 10 à 15 ans ont été distribués dans les écoles.

Grâce à l’Internet au 2 octobre 2009 au 2 janvier 2010, les jeunes et les enfants engagés dans le programme ont pu suivre le déroulement des activités de la marche mondiale. Les enfants du Québec ont visionné différents vidéos présentant les actions organisées par des jeunes et des enfants à travers le monde.

Au Canada, trois jours d’activités ont été planifiés ayant pour thème : pour un futur sans guerres, sans bombes nucléaires et sans violence. Plusieurs d’écoles ont répondu à l’appel et plus 14,000 élèves ont participé. Plusieurs milliers d’élèves ont participé à des marches d’au moins un (1) kilomètre ; quelques milliers d’autres ont participé à ériger des signes de paix humain; tandis que des centaines d’autres ont dessiné la paix, chanté la paix, ou encore filmé la paix. La charte pour un monde sans violence, rédigée par les prix Nobel a été distribuée à travers les écoles. Plusieurs élèves ont sensibilisé certains politiciens et conseillers municipaux de leurs villes et circonscriptions. Si les enfants et les jeunes ont massivement participé, c’est grâce à l’engagement volontaire du personnel enseignant, des animateurs à la vie spirituelle et à l’engagement communautaire, des directions d’écoles et des bénévoles. Rapidement les organisateurs de la marche mondiale du Québec ont constaté un effet dominos. Ainsi le premier jour d’activités plusieurs élèves et écoles se sont mobilisés, mais rapidement les jours suivants d’autres écoles et élèves se joint et voulaient aussi contribuer au phénomène de masse non-violent. En plus, plusieurs organisations communautaires jeunesse de différentes régions du Québec ont participé telles que YMCA, les scouts et certains centres de jeunes. Des phénomènes similaires ont été constatés dans d’autres pays tout au long du parcours de la marche mondiale à travers 93 pays.

Des photographies et les vidéos des activités des enfants et des jeunes ont été diffusés sur les réseaux mondiaux de la marche mondiale. En Amérique du Sud, les enfants et les jeunes ont été inspirés par les activités des jeunes du Québec. Plus la marche prenait un essor, plus les enfants et les jeunes y prenaient part. Finalement, plusieurs centaines de milliers de jeunes et d’enfants provenant de tous les horizons ethniques et religieuses ont participé par des gestes concrets au développement d’une conscience non-violente planétaire.

Finalement, suite à ces expériences fortes intéressantes les volontaires du réseau international humaniste (RIH) du Canada se sont mis développer des comités d’éducation à la non-violence dans toutes les régions du Québec. Ces comités sont formés de parents, d’élèves, du personnel enseignant, de leaders sociaux et d’affaires et de groupes communautaires. En parallèle, les volontaires du RIH du Canada forment aussi des jeunes leaders à l’éducation à la non-violence en Haïti, au Maroc et en Algérie.