L’Union européenne (UE) doit immédiatement réprimer au sein de ses États membres la publicité commerciale pour les équipements de sécurité pouvant être utilisés pour infliger à des personnes un traitement cruel, inhumain ou dégradant, ont souligné Amnesty International et la Fondation de recherche Omega dans un nouveau rapport rendu public le 9 mai 2016.

Ce rapport, intitulé Why the EU should ban the commercial marketing and promotion of inhumane policing and prison equipment, montre que des failles dans la législation permettent que de potentiels instruments de torture tels que des matraques à pointes, des poucettes ou encore des boucliers à pointes fassent l’objet d’une publicité ou soient parfois exposés dans des foires commerciales au sein de l’UE, alors même que le commerce de ces articles est interdit par le règlement de l’UE sur le « commerce des équipements de torture ».

« Le fait est que ces articles destinés à infliger de terribles souffrances à des personnes sont librement exposés dans des foires commerciales en Europe, et leurs fabricants font de la publicité pour les vendre. Ces pratiques vont totalement à l’encontre de l’esprit du règlement qui interdit l’importation et l’exportation de ces articles afin qu’aucun individu ou aucune entreprise ne tire profit du commerce de la torture », a déclaré Iverna McGowan, responsable du Bureau européen d’Amnesty International.

« L’UE et ses États membres doivent mettre de l’ordre dans leurs affaires et interdire la publicité pour les poucettes, les matraques à pointes et tous les autres équipements barbares qui ne peuvent être utilisés que pour infliger un traitement cruel ou dégradant à des êtres humains. »

Le rapport montre que des articles interdits au titre du règlement sur le commerce des équipements de torture bénéficient d’une publicité aussi bien sur Internet que lors d’événements tels que le salon Milipol de la sécurité intérieure, en 2015, à Paris.

Des poucettes, des matraques à pointes, des boucliers à pointes et des entraves lestées pour chevilles ont tous fait l’objet d’une publicité commerciale au salon Milipol, alors que l’importation de ces articles en UE et leur exportation vers des pays hors de l’UE sont interdits.

De plus, un bouclier à pointes et une paire d’entraves lestées pour chevilles ont été exposés physiquement au salon Milipol, ce qui incite à se demander comment ces articles illégaux ont pu être introduits dans l’UE.

« Année après année, nous avons rassemblé des éléments prouvant que des entreprises font de la publicité pour des équipements de torture lors de salons dédiés à la sécurité tels que le salon Milipol, ou sur Internet. Or, à chaque fois que nous avons présenté les résultats de nos recherches à l’Allemagne, à la France et à d’autres pays de l’UE en leur demandant de mettre fin à ces pratiques, nous avons reçu une réponse négative », a déclaré Michael Crowley, de la Fondation de recherche Omega.

« Il est grand temps que les gouvernements des pays de l’UE agissent en toute bonne foi et respectent leurs obligations internationales de combattre la torture et les mauvais traitements, et de veiller à ce que l’Europe ne soit plus un lieu de commerce d’équipements pour la police et les prisons permettant d’infliger un traitement inhumain. »

En octobre 2015, le Parlement européen a spécifiquement proposé d’interdire le marketing et la promotion commerciale pour tous les articles interdits au titre du règlement sur le commerce des équipements de torture, à la fois physiquement et en ligne. Cette proposition n’a pas été acceptée par le Conseil de l’UE ; elle fait actuellement l’objet de discussions dans le cadre de négociations informelles en « trilogue » entre le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’UE.

Amnesty International et la Fondation de recherche Omega demandent au Conseil de l’UE d’accepter la proposition du Parlement européen, et de l’appliquer fermement afin qu’aucun individu ni aucune entreprise ayant des activités commerciales au sein de l’UE ne puisse continuer à tirer profit de ce commerce d’équipements destinés à infliger des souffrances à des êtres humains.

Complément d’information

Avec l’entrée en vigueur en 2006 du règlement n° 1236/2005 du Conseil, l’UE s’est dotée d’une réglementation contraignante et sans précédent sur le commerce d’une gamme d’équipements qui sont souvent utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture et d’autres mauvais traitements (les « instruments de torture »), mais qui ne figurent généralement pas sur les listes de contrôle des exportations des États membres concernant les équipements militaires, stratégiques ou à double usage.

Amnesty International et la Fondation de recherche Omega ont publié quatre rapports sur cette question, en 2007, 2010, 2012 et 2015. Ces documents ont mis en évidence des lacunes spécifiques dans la réglementation de l’UE et des omissions dans les deux listes établies par l’UE des articles interdits et soumis à un contrôle, qui ont permis au commerce des « instruments de torture » de se poursuivre.

Le 16 juillet 2014, le règlement d’exécution n° 775/2014 de la Commission a étendu la liste des biens interdits et celle des biens soumis à un contrôle couverts par le règlement. Ces deux listes figurent en annexe du rapport Why the EU should ban the commercial marketing and promotion of inhumane policing and prison equipment.

Informations complémentaires et rapport téléchargeable à ce lien.

 

L’article original est accessible ici