(Crédits photo : PAC HN)

 Par Leonel Ayala

NDLR : Berta Cáceres était une militante écologiste hondurienne de la communauté indigène Lenca. Elle est surtout connue pour sa défense du fleuve Gualcarque. Elle a été co-fondatrice en 1993 du Conseil citoyen des organisations des peuples amérindiens du Honduras, COPINH. À partir de 2006, elle lutte contre le projet de construction du barrage hydroélectrique d’Agua Zarca qui menace de priver d’eau plusieurs centaines d’habitants. En avril 2015, elle reçoit le prix Goldman pour l’environnement. Le 3 mars 2016, Berta Cáceres est assassinée alors qu’elle rentre chez elle.

Des centaines de milliers de Honduriens et de délégations de nombreux pays se sont réunis pour faire un ultime adieu à Berta Cáceres, d’abord en toute quiétude puis en scandant très fort : « Au revoir Berta ! », « Jusqu’à la victoire, toujours ! ». Les funérailles de la dirigeante du peuple des Lencas, symbole de la résistance des peuples autochtones, dotée du courage des femmes de son ethnie, les Lencas; défenderesse de l’environnement et des droits de la personne, ont eu lieu hier dans le même village où elle a été assassinée, soit La Esperanza, département d’Intibucá, au Honduras.

Un jour après son odieux assassinat, elle aurait fêté ses 45 ans; elle aura consacré plus de la moitié de sa vie à la lutte. Mais sa voix ne s’éteint pas; elle se multiplie au-delà des frontières de ce pays soumis à un régime dictatorial. Différentes ethnies ont réalisé, dans leur propre langue et selon leurs traditions ancestrales, des rituels incroyables qui ont insufflé une énorme force spirituelle à toutes les personnes présentes. Elles ont invoqué les esprits de la montagne, des oiseaux, des arbres et des rivières qu’elle a tant défendus.

Trois jours après le crime, l’État n’a toujours pas donné des explications convaincantes au peuple hondurien, habitué à des enquêtes trafiquées pour protéger les responsables. Le ministre de la Sécurité, Julián Pacheco, accepte lui-même que l’État subit une grande pression internationale pour clarifier les faits. Les hypothèses toujours présentées dans de tels cas – crimes passionnels ou luttes internes dans les organisations – ne seront pas acceptées.

L’après-midi même des funérailles de Berta Cáceres, un massacre qui a fait 11 morts jusqu’à maintenant s’est produit à Tegucigalpa, la capitale. Comme la presse d’entreprise fait une grande couverture de ce massacre, on soupçonne que les mêmes personnes, les suspects habituels, ont commis ce massacre pour dévier l’attention, face aux grandes manifestations populaires qui réclament que justice soit faite et qu’une enquête externe soit menée pour trouver les véritables responsables matériels et intellectuels de l’assassinat de la dirigeante lenca et écologiste.

Comme la Commission interaméricaine des droits de l’homme avait ordonné que des mesures de précaution soient prises pour protéger la vie de Berta Cáceres, l’État hondurien est le responsable direct de son assassinat, surtout pour avoir omis d’enquêter à la suite des dénonciations qu’elle avait elle-même déposées la semaine précédente, des dénonciations, des menaces et de la persécution dont elle était victime par des escadrons au service des entreprises hydroélectriques qui mettent en œuvre des projets dans la région.

Les premières revendications sont posées : l’État doit éliminer les concessions de tous les projets hydroélectriques et d’exploitation minière dans les territoires Lenca. Le pouvoir exécutif doit désigner « zone protégée Berta Cáceres » cette région du territoire hondurien pour laquelle elle a donné sa vie.

Que se passera-t-il demain ? L’unité populaire se regroupe et sa stratégie de non-violence présente dans la résistance hondurienne depuis le coup d’état de juin 2009 met le cap sur ses objectifs, pour le sauvetage des institutions perdues. Le Honduras est un état en déliquescence.

 

Traduit de l’espagnol par : Silvia Benitez