Pressenza publie la quatrième partie d’une étude de Guillermo Sullings sur la situation en Grèce. L’étude complète se présentée en 5 parties :

  1. Contexte de l’Union européenne
  2. Vérités et mensonges à l’égard de la dette
  3. La situation actuelle de la Grèce
  4. La sortie de l’euro est-elle la seule solution ?
  5. Quelles conséquences aurait le Grexit ?

 

4. La sortie de l’euro est-elle la seule solution ?

Comme nous l’avons dit, le problème de fond réside dans le fait que l’intégration européenne n’a pas été conçue à la mesure des peuples mais à la mesure du capital financier et des multinationales. Par conséquent il est très difficile que depuis l’Union européenne, d’autres types de solutions surgissent. Mais bien sûr que s’ils réfléchissaient et s’ils décidaient de reformuler les paradigmes de la région, il y a d’autres solutions possibles, non seulement pour la Grèce mais pour d’autres pays en crise. Il a déjà été proposé d’émettre des euro-obligations pour restructurer et refinancer les dettes des pays en situation d’urgence, mais cela a été rejeté. L’Allemagne et ses faucons alliés à l’intérieur de l’Union européenne refusent que la BCE engendre une expansion monétaire pour financer le rachat des dettes, en arguant que dans ce cas on n’atteindrait pas les objectifs de 2 % maximum d’inflation à laquelle ils prétendent pour la zone euro. Certains affirment que l’Allemagne craint le développement de l’inflation suite à l’expérience hyper-inflationniste traumatisante dont elle a souffert après la première guerre mondiale et qui a favorisé le surgissement du nazisme. Mais cet argument semble peu crédible parce qu’on parle de quelque chose qui est arrivé il y a presque un siècle, dans une conjoncture totalement différente. L’unique raison qui explique tant de réserves pour utiliser une politique monétaire plus expansionniste, qui pourrait encore temporairement faire augmenter l’inflation tout au plus de 2 ou 3 points dans la zone euro, est la protection qui veut être offerte aux secteurs ayant des actifs financiers importants, qui seraient dévalorisés.

On ne sort pas des récessions avec davantage d’ajustements et d’austérité, on en sort avec des politiques actives. La BCE doit accomplir son rôle, en absorbant une partie importante des dettes des pays et en finançant l’investissement et la consommation pour stimuler la reprise économique. Cela aurait pour coût une dévaluation de l’euro, pour laquelle les pertes seraient partagées entre des pays débiteurs et non débiteurs, parce que l’accent devrait être mis sur la solidarité entre les membres de l’Union européenne et non sur le calcul mesquin. Mais il semble que le paradigme de la solidarité ne soit pas le fleuron de cette conformation régionale, dans laquelle les pays ayant des problèmes doivent les résoudre par leurs propres moyens. Pour le moment c’est sous ce conditionnement que la Grèce doit choisir ses solutions, et elles ne sont pas autres que : ou l’agonie de l’austérité, pour finir de toute façon tôt ou tard par une sortie inévitable ou une sortie volontaire de la manière la plus contrôlée possible.

Paul Krugman (prix Nobel d’économie) qui doutait auparavant qu’il convienne que la Grèce sorte de l’euro, a récemment déclaré que c’était la solution et a dit qu’en tenant en compte des difficultés par lesquelles passent les Grecs, il vaut mieux sortir de l’euro pour au moins avoir les avantages d’une telle sortie, plutôt que l’enfer dans lequel ils sont déjà maintenant.

Mais en réalité il ne s’agit pas seulement du fait que face à l’impossibilité de payer la dette, la Grèce tombe en défaut de paiement et soit poussée vers la sortie de la zone euro puisqu’elle ne pourrait plus recevoir d’euros de la BCE. Il ne s’agit pas non plus uniquement que la Grèce renonce à payer sa dette à cause de la faim de son peuple et que cette décision l’oblige à abandonner la zone euro. Il s’agit plus précisément que l’un des facteurs principaux pour lesquels la Grèce s’est endettée, a été d’avoir une monnaie commune avec d’autres nations avec lesquelles elle ne peut pas concourir. La sortie de l’euro, indépendamment de la situation de la dette, permettra à la Grèce d’améliorer sa balance commerciale, d’augmenter ses exportations et de renforcer encore plus le tourisme, en engendrant de plus grandes recettes et plus d’emplois.

Nous pourrions aussi nous demander si pour améliorer la compétitivité, il n’y a pas d’autres solutions que la sortie de l’euro. Nous revenons à la même chose : si la zone euro était construite sur la base de la solidarité, le rôle de la BCE devrait être de mettre en avant des politiques expansionnistes, non seulement pour diminuer l’endettement de certains pays, mais aussi pour inciter le développement, et ce développement devrait être planifié dans l’enceinte de l’Union européenne en mettant la priorité à l’accélération des pays les moins développés. Cela devrait être dans ce cadre et dans cette dynamique que pourraient être faites les corrections budgétaires qui aideraient la Grèce à diminuer le poids de l’État sur son économie. Parce que dans une économie en développement, il est possible de diminuer l’emploi public et de le déplacer vers l’économie privée, sans affecter le niveau d’emploi. Alors, on attaquerait le problème par plusieurs flancs et on pourrait améliorer la compétitivité sans sortir de l’euro. Mais ce serait une aspiration qui ne correspond pas aux priorités actuelles de l’Union européenne.

En fin de compte, bien sûr qu’il serait possible de résoudre le sujet de l’endettement de la Grèce sans sortir de la zone euro. Bien sûr qu’on pourrait compenser les asymétries par le développement, pour que la monnaie commune ne déséquilibre pas la balance commerciale de certains pays. Mais cette possibilité est maintenant très loin des intentions de la plupart des membres de l’Union européenne, de sorte que la meilleure solution laissée à la Grèce est la sortie.