Une fête de la démocratie, une lutte pour la justice, une autre Europe : c’est pour ces idées à opposer au masque aveugle de la finance que les Grecs ont voté dimanche. Le premier ministre, Alexis Tsipras, avait trouvé les mots qui unissent, au-delà d’Athènes, l’ensemble des citoyens de l’Europe.

Avec plus de 61 % des voix favorables au rejet du plan imposé par l’Europe institutionnelle à la Grèce, le gouvernement grec a gagné son pari : le référendum qui a eu lieu dimanche 5 juillet lui a redonné une nouvelle légitimité.

Le soir-même, le premier ministre indiquait dans un discours ce qu’il voulait faire : non pas opérer une rupture, « mais faire un accord plus fort ». Il n’a pas promis que tout serait simple, mais rappelé aux Européens l’exigence de justice : « Il n’y a pas de solution simple, mais il y a des solutions justes. »

Pour lui, « l’Europe ne peut être à sens unique de l’austérité ». Sa priorité : refaire fonctionner le système bancaire, avec la Banque centrale européenne dont « je suis certain qu’elle comprend la dimension humanitaire de la situation ». Les critères pour un nouveau plan négocié de sortie de crise : « l’égalité sociale et le déplacement de l’effort des faibles aux forts ».

Il a rappelé le rapport du FMI (Fonds monétaire international) fuité deux jours avant le référendum : les experts de Washington montrent nettement qu’un [remboursement de la dette sera impossible.

Mais dimanche 5 juillet, le premier ministre grec a envoyé ses messages à ses créanciers. Le sens réel de sa démarche et de l’événement, il l’avait exprimé vendredi soir, sur la place Syntagma, devant des dizaines de milliers d’Athéniens. Un texte fort, qui mérite la lecture (la video est à la fin de l’article) :

« La démocratie est une fête et une joie, la démocratie est une libération, la démocratie est une issue. »

« Citoyens d’Athènes, peuple grec,

Aujourd’hui nous ne protestons pas, nous ne manifestons pas ; aujourd’hui est un jour de fête. Ce jour est une fête de la démocratie.

La démocratie est une fête et une joie, la démocratie est une libération, la démocratie est une issue.

Et nous célébrons aujourd’hui la victoire de la démocratie. Nous sommes déjà victorieux, quelle que soit l’issue du scrutin de dimanche, car la Grèce a envoyé un message de dignité, un message de fierté.

Personne ne peut ignorer cette passion, cet anxieux désir de vie, cet anxieux désir d’espoir, cet anxieux désir d’optimisme.

Nous célébrons aujourd’hui l’audace et la détermination qui nous ont conduits à prendre notre destin en mains, à rendre la parole au peuple grec.

Aujourd’hui, nous faisons la fête et nous chantons. Nous faisons la fête et chantons pour supplanter le chantage et la peur.

L’Europe telle que nous la connaissions, l’Europe telle qu’elle apparaît au miroir de ses principes fondateurs, n’a pas le moindre rapport avec les menaces et les ultimatums.

Et aujourd’hui, en ce moment même, l’Europe entière a les yeux tournés vers nous, vers le peuple grec, vers ses trois millions de pauvres et son million et demi de chômeurs.

Aujourd’hui la planète entière a les yeux rivés sur la Place de la Constitution et sur toutes les places, petites ou grandes, de notre patrie.

Dans ce lieu qui a vu naître la démocratie, nous donnons à la démocratie une chance de revenir.

De revenir en Europe, car nous voulons que l’Europe revienne à ses principes fondateurs.

À ces principes qu’elle a si longtemps balayés pour appliquer des programmes d’austérité sans issue, violant la volonté des peuples.

Citoyens d’Athènes, peuple grec,

Dimanche, nous adresserons tous ensemble un message de démocratie et de dignité à l’Europe et au monde.

Nous enverrons aux peuples un nouveau message d’espoir.

Car nous ne déciderons pas seulement, ce dimanche, de demeurer en Europe.

Nous déciderons de vivre avec dignité en Europe, de travailler et de prospérer en Europe.

D’être égaux en Europe, à égalité avec tous.

Et, croyez-moi, nul n’a le droit de menacer de couper la Grèce de son espace géographique naturel.

Nul n’a le droit de menacer de diviser l’Europe.

La Grèce, notre patrie, était, est et demeurera le berceau de la civilisation européenne.

C’est en ce lieu, dit la mythologie, que Zeus, en l’enlevant, a conduit la princesse Europe.

Et c’est de ce lieu que les technocrates de l’austérité souhaitent à présent l’enlever.

Mais cela ne sera pas. Car, dimanche, nous leur dirons « non ».

Nous ne laisserons pas l’Europe entre les mains de ceux qui souhaitent soustraire l’Europe à sa tradition démocratique, à ses conquêtes démocratiques, à ses principes fondateurs, aux principes de démocratie, de solidarité et de respect mutuel.

Citoyens d’Athènes, hommes et femmes de tous âges qui vous trouvez ici, aujourd’hui, qui submergez la Place de la Constitution, les rues d’Athènes et des autres grandes villes en bravant la montée de la peur orchestrée, la rhétorique de la terreur propagée tous ces derniers jours,

Citoyens d’Athènes,

Le peuple grec a maintes fois démontré au cours de son histoire qu’il savait retourner un ultimatum à son expéditeur. Car les ultimatums, parfois, reviennent à l’envoyeur.

Les pages les plus éclatantes de l’histoire de ce pays et de ce peuple ont été des pages d’audace et de vertu.

Je vous appelle à ce que nous écrivions ensemble, de nouveau, des pages historiques, celles de notre rétablissement et de notre liberté.

Je vous appelle, ce dimanche, à opposer un « non » haut et clair aux ultimatums. À tourner le dos à ceux qui sèment chaque jour la peur et l’intimidation.

Et, lundi, quel que soit le résultat du processus démocratique, de ce verdict populaire que certains redoutaient et voulaient entraver, nous opposerons également un « non » sans appel à la division.

« Un petit peuple qui se bat, comme le dit le poème, sans épées et sans balles. Qui se bat cependant en ayant dans les mains la plus puissante des armes : la justice »

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Place Syngtama le 3 juillet au soir

« Lundi, quelle que soit l’issue du scrutin, les Grecques et les Grecs n’auront rien qui les sépare. Ensemble, nous nous battrons pour reconstruire une Grèce meilleure que celle que nous ont laissée cinq années de désastre.

Je vous appelle enfin à ne pas prêter l’oreille à ces sirènes dont l’écho ne cesse de s’amplifier, ces sirènes qui hurlent à la peur.

À décider avec votre esprit et votre cœur.

À vous déterminer avec calme et résolution.

À vous prononcer en faveur d’une Grèce fière dans une Europe démocratique.

En faveur d’un peuple, d’un petit peuple qui se bat, comme le dit le poème, sans épées et sans balles.

Qui se bat cependant en ayant dans les mains la plus puissante des armes : la justice.

Parce que la justice est avec nous, parce que nous sommes dans notre droit, nous vaincrons.

Et nul ne peut effacer cela. Nul ne peut occulter ce fait : nous sommes dans notre droit. »

 

Lire aussi : « La crise grecque montre que le capitalisme n’est plus compatible avec la démocratie »


Source :
. vidéo discours 5 juillet : Youtube
. vidéo discours 3 juillet (vidéo et traduction) : Réseaux citoyens de Saint Etienne

 

 

 

 

 

L’article original est accessible ici