Pour certains, c’est Dieu, pour d’autres, la démocratie. Il y a ceux qui pensent que les droits de l’Homme sont inaliénables, et d’autres qui estiment que la chose la plus sacrée se trouve dans les êtres humains. Celle-ci ne peut être ni concédée, ni vendue, ni oubliée;  elle donne à la vie tout son sens, permet à chacun de se projeter très loin et possède sans doute une caractéristique très spéciale. Les enfants sont sacrés pour leurs mères, l’amour est sacré pour les amoureux, les grands idéaux sont sacrés pour les militants. Il est impossible de blasphémer contre certaines choses: il existe en leur sein une telle communion entre la nature humaine et cet élément indicible qui transcende celle-ci. De nombreuses sociétés l’appellent Liberté;  les peuples des Andes, le Vivre bien ou la Pachamama. Quoi que cet élément puisse être, il existe certainement une règle commune à respecter lorsque ce sujet est abordé: Ne pas se moquer ni être ironique, afin de ne pas ridiculiser les personnes dont les croyances sont très enracinées.

Il nous suffit donc d’imaginer ce que nous ferions si quelqu’un s’en prenait aux choses vitales à nos yeux pour comprendre pourquoi des milliers de personnes ont manifesté dans les rues du Pakistan, de Jérusalem, d’Algérie, du Niger et de Jordanie contre la sortie, cette semaine, du journal satirique français Charlie Hebdo dans lequel des caricatures du prophète Mahomet ont encore été reproduites après les attentats qui se sont produits à Paris au cours de la semaine précédente.

Ce sont des partis islamistes qui ont appelé à ces manifestations; celles-ci ont très souvent dégénéré. Au Niger, quatre personnes sont décédées. À Karachi, trois personnes ont été blessées. Le premier ministre a déclaré qu’il ne faudrait pas utiliser la liberté de la presse dans le but de blesser des convictions religieuses. En Algérie, des personnes ont manifesté en portant une banderole sur laquelle on pouvait lire la phrase suivante. Nous sommes tous Mahomet. Certains participants, quant à eux, ont applaudi les auteurs des attentats de Paris qui, pour eux, sont des martyrs. À Jérusalem, des centaines de Palestiniens se sont rassemblés sur le Mont du Temple. Sur les affiches lors de la manifestation ayant eu lieu en Jordanie était écrit ceci: La liberté d’expression ne signifie pas qu’il faille offenser des croyances. D’après diverses agences (Reuters, Deutsche Welle) du Niger, pays majoritairement musulman, des centaines de personnes ont marché en direction du Centre culturel français de la ville de Zinder et l’ont incendié après les prières du vendredi. La même chose s’est produite pour les maisons avoisinantes. Trois églises – l’une catholique et les deux autres protestantes – ont été pillées. Un officier de police est décédé et quelques manifestants ont été blessés. Des pneus ont été incendiés et la police a utilisé du gaz lacrymogène. Sur plusieurs banderoles était inscrit ce slogan: Je suis Mahomet, je ne suis pas Charlie.

Pendant ce temps, le pape François, à bord d’un avion en partance pour les Philippines, a déclaré: “Il existe des limites à la liberté d’expression.” Il a de même rappelé que la liberté religieuse est un “droit humain fondamental, tout comme la liberté d’expression.” Pour le Pape, il est « aberrant » de tuer au nom de Dieu: “L’on ne peut offenser, ni faire la guerre, ni tuer au nom de sa propre religion, c’est-à-dire au nom de Dieu. »

Bien sûr, les événements survenus récemment ont renforcé un sentiment de méfiance qui était déjà fort dans le choc des cultures. Et c’est dans un climat de terreur que l’alerte a été donnée, en raison d’un nombre croissant de cellules paraît-il terroristes, et prêtes à commettre des attentats dans plusieurs coins d’Europe. L’heure est venue pour les États-Unis et le Royaume-Uni de renforcer leurs accords afin de prendre des mesures plus strictes concernant la sécurité et, de manière générale, le contrôle des médias sociaux et d’Internet.

Ne pourrions-nous pas tout simplement mettre en pratique ce principe formulé par Silo: Si tu ne portes pas préjudice à d’autres, tu peux faire ce que tu veux avec liberté ?

Accepter le fait que ces choses qui possèdent un caractère Sacré pour les autres sont inviolables, elles ne peuvent être concédées et que nous ne pouvons y toucher impunément ?

Reconnaître le droit des autres de ne pas être d’accord avec ce que certains considèrent comme ayant la plus haute valeur, sans tenter d’imposer ses propres croyances et encore moins d’homogénéiser celles-ci ?

Juste essayer de vivre les uns avec les autres et de rechercher un chemin commun issu d’une telle diversité ?

Alors, peut-être, chacun de nous pourra grandir en tant qu’être humain, en se rapprochant précisément de ces choses qui pour nous sont Sacrées.

Traduction de l’anglais : Yveline LE DON