Photo archive : Estela de Carlotto (à droite) et Buscarita Roa con Pressenza en Bonn

Par Claude Mary *

La présidente des Grands-mères de la Place de Mai retrouve son petit-fils disparu sous la dictature argentine (1976-1983), après 37 ans de recherches

Ce jour, Estella Carlotto l’avait imaginé depuis si longtemps : retrouver enfin son petit-fils, né en captivité, dans une geôle de la dictature argentine (1976-1983). Tout remonte à fin novembre 1977. Laura, sa fille aînée avait été séquestrée tandis qu’Estella ne savait pas elle-même que sa fille était alors enceinte de trois mois. Séquestrée dans le centre de détention dénommé La Cacha, à La Plata, Laura avait donné naissance à un garçon, le 26 juillet 1978, à l’Hôpital Militaire de Buenos Aires. C’est une compagne de Laura qui le lui avait révélé après sa propre libération, de même que le prénom souhaité pour l’enfant, Guido. Mais la fille d’Estella sera assassinée peu de temps après avoir donné naissance à ce petit garçon.

Il y a deux mois, sous le nom d’Ignacio Hurban, un jeune homme avait spontanément envoyé un courrier électronique, accompagné de photos, au siège de l’Association pour faire part de doutes sur son identité et sa parentèle. Suite à sa demande, les examens génétiques connus ce jour, ont révélé un indice de 99,9% de probabilité de lien biologique avec la famille Carlotto. Même s’il faudra encore du temps pour reconstituer son histoire, on sait aujourd’hui que Guido est un musicien de 36 ans. Récemment, il avait eu l’occasion de croiser le destin d’enfants enlevés comme lui, puis restitués à leur famille biologique, lors d’un Festival « Musiques pour l’Identité ». Il avait alors enregistré une chanson dont le refrain dit « Il n’y a maintenant aucune blessure qui marque les bras d’un homme entier ni chanson qui ne répare ce que ne conserve pas le cœur ».

Depuis trente-sept ans, Estella Carlotto, présidente de l’association, et les Grands-Mères de la Place de Mai luttent pour retrouver ces enfants nés en captivité, presque toujours maintenus en vie pour être illégalement appropriés par des familles de militaires ou policiers. Avec Guido, c’est un cent-quatorzième « enfant » retrouvé sur un total estimé par l’Association à environ cinq-cents. « C’est une réparation pour lui, pour notre famille et aussi pour toute société argentine », a dit Estella Carlotto, lors d’une émouvante conférence de presse donnée ce mardi à Buenos Aires. Accompagnée d’autres femmes de l’Association, du Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, Martin Fresneda, de membres de HIJOS (Enfants pour l’Identité, la Justice et contre l’Oubli), Estella Carlotto, décorée de la Légion d’Honneur le 7 mars dernier, a déclaré : « Ce que je répète depuis des années s’est accompli, c’est lui qui nous a cherchées (…) c’est justice que nous réclamons, il faut en prendre soin pour que l’histoire ne se répète pas ».

* Claude MARY. Journaliste française. Correspondante à Buenos Aires.

Source : http://www.elcorreo.eu.org/L-icone-des-Grands-Meres-de-la-place-de-Mai-retrouve-son-petits-fils-vole-sous-la