Au beau milieu de la ville de Caracas, sur l’avenue Francisco de Miranda, là, au coin d’une rue et au hasard des regards il est impossible de ne pas voir un immense immeuble. Pour beaucoup, il aurait pu être construit par une entreprise du bâtiment. Mais celui qui s’approche peut constater que c’est un chantier qui est construit à la sueur et par les mains de 200 femmes.

Ce rêve -en passe de devenir réalité- commence avec l’idée de l’une de ces femmes conseillée par la parole d’un homme. Limina Santaella, 33 ans, mère d’une petite fille, raconte comment son père se trouve à l’origine de ce rêve partagé.

Elle raconte que souvent ils voyaient ce terrain vague, plein de décombres ; et une idée a commencé de germer en elle ; elle s’est unie avec des copines qui partageaient son sentiment. Voici huit années que nous avons commencé à réfléchir dans le quartier, nous avons commencé à parcourir toutes les entités gouvernementales et chemin faisant nous avons décidé de réunir davantage de personnes pour qu’elles se joignent à notre lutte.

Pour Limina, c’était seulement le commencement mais tout a trouvé son sens lorsqu’elle a entendu parler du travail d’un campement de pionniers (mouvement social qui encourage l’auto-construction de logements).

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Au début, il y avait de nombreux obstacles –raconte-t-elle- mais nous avons insisté et puis, lorsque nous avons obtenu le terrain, nous avons connu d’autres campements. Tout commence à prendre forme et à partir de là démarrent les réunions, le travail bénévole, la création d’une conscience.

S’engager dans l’auto-construction de logements

Limina se souvient de la genèse du projet née de l’intervention d’une compagne d’un campement national qui avait déclaré que s’ils n’étaient pas prioritaires sur la liste de remise de logements par le gouvernement, ils étaient disposés à les construire eux-mêmes.

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“Le président Chávez écouta avec attention, parla du mouvement social, du travail d’auto-construction et cela a éveillé notre intérêt, ce fut le déclic, nous sommes entrées par cette brèche”.

Le 5 mai 2011 Chávez exproprie le terrain et approuve le financement pour que ces femmes puissent commencer à construire leurs nouveaux logements. C’est à cette date qu’elles décidèrent de se former en campement de pionniers dans le secteur Gran Campo Rico, dont les 11 conseils communaux projettent de se transformer en commune.

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Auto-construction ? Ça a été toute une affaire-continue Limina- car le peuple vénézuélien a passé toute sa vie à construire ses maisons, en les construisant pour le privé pour que celui-ci les vendent, et en construisant dans les « barrios » au fur et à mesure de ses possibilités pour y installer sa famille.

Ils ne devaient pas nécessairement être ingénieurs pour agrandir leur logement, lesquels devenaient souvent petits pour tout ce petit monde. A présent, il leur est devenu possible de construire des immeubles au beau milieu d’une avenue, de construire en temps de révolution.

Lorsqu’on lui demande comment ils construisent une révolution, Limina affirme avec assurance qu’il ne s’agit pas seulement de construire. « Il s’agit de démontrer que la seule façon pour que le peuple vénézuélien comprenne que la politique d’aide du gouvernement nous permet de nous débrouiller, c’est en faisant les choses, il ne s’agit pas qu’on donne tout pour pouvoir valoriser ce que j’ai ».

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Dans de nombreux cas, la facilité n’est pas un chemin, c’est une évidence pour ces femmes qui ont décidé de travailler ensemble. « Il n’est pas facile de créer une conscience car tous pensent différemment », raconte-t-elle et elle souligne que les habitants des « barrios » sont habitués à une façon de vivre différente » : habituellement, ces personnes ne comptent pas sur les services publics, pas plus qu’elles ne s’impliquent dans des activités communes au sein de la communauté, avançant l’excuse du travail quotidien.

C’est tout le contraire de ce que l’on pense dans les campements, car maintenant que l’on travaille ensemble, on a prévu de maintenir cette unité, en évaluant les possibilités de créer des projets socio-productifs (menuiserie et forgerie) pour les autres campements, avec l’idée de s’auto-suffire dans la communauté.

En ce qui concerne le travail d’auto-construction dans les nouvelles formes d’urbanisme, Limina signale que l’on doit perpétuer la révolution dans le pays et que la seule façon de le faire c’est en la vivant, en la faisant, en la créant et non pas en vivant d’elle, mais en apportant quelque chose pour elle et quoi de mieux que l’exemple vivant du travail quotidien dans le campement des Pionniers.

La vrai raison, c’était de créer une communauté

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Du haut de ces trente années, Natali Corzo est l’une de ces femmes travailleuses. Elle raconte que lorsqu’ont commencé les assemblées, on jugeait plus fructueux de construire des logements un peu plus bas plutôt qu’en plein « barrio », « pourquoi ne pas le faire sur les avenues ? »

La croyance populaire selon laquelle seuls les hommes font les travaux durs n’a jamais traversé l’esprit de Natali. Habituée à l’assistance médicale – elle est hygiéniste dentaire- petit à petit, et en tant que femme bien femme, elle est devenue, aux côtés de ses camarades, experte en encabillado, en coffrage et fabrication de pilotage dans la construction des immeubles qui à présent se distinguent en pleine avenue.

L’engagement porte sur la construction de sept immeubles, proposant deux cents logements. « S’ils ne sont pas finis, on ne les livre pas, c’est simple, parce que cela doit être une même joie pour tous, explique Natali.

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Et elle rappelle que le besoin de logement a résulté de l’entassement des personnes. « C’est cela qui a été moteur, ajoute-t-elle, néanmoins, cela faisait du besoin mais ne constituait pas une raison car, lorsque nous en sommes arrivés à l’urbanisme, nous avons dit clairement que notre réelle motivation était de faire communauté.

Au fil du temps, en se levant à quatre heures du matin, en retrouvant l’une de ses compagnes dans une petite activité socio-productive –comme la vente de galette de maïs-, Natali a montré qu’elle était une bagarreuse en tant que porte-parole dans l’accomplissement de ses devoirs au campement et comme mère de Juan Sebastian, un enfant d’à peine un an qui « pousse » au milieu de ces 200 familles de la construction.

Travail engagé qui se compte en heures

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« La cohabitation de ces 200 familles dans le campement est très dynamique », dit Yulimar Martinez sans retenue, une autre mère, une autre bagarreuse fondatrice de ce rêve qui se poursuit. Entre factures et paperasse, elle dit que les familles peuvent décider de l’horaire où ils sont disponibles, de comment ils peuvent accomplir leur travail bénévole en accord avec leurs responsabilités.

« L’important est qu’ils fassent un minimum de 11 heures de travail par semaine sur le chantier et sur les lieux du campement- raconte Yulimar. C’est-à-dire être sur place, participer à la cuisine pour les déjeuners des travailleurs, couvrir les gardes de jour et de nuit. ».

On constate couramment que les équipes construisent dans les « barrios » sans aucune assistance technique. Mais le campement des Pionniers de Campo Rico bénéficie d’un personnel technique diplômé qui évalue également le travail que réalisent les familles.

En plus de la connaissance du chantier, chaque famille doit avoir une connaissance de base en matière politique. Simultanément, on fait des réunions pour les nouveaux groupes, pour ces personnes qui souhaitent participer à ce type de campement desde sus espacios, et également des réunions pour connaître l’état des matériaux dont on a besoin pour la construction.

« Pour les mères de famille c’est assez dur car les enfants demandent beaucoup, souvent ils ne comprennent pas cet engagement à être ici, parfois, nous voulons être avec eux au parc, mais c’est donc une lutte constante ce que nous avons ici », raconte Yulimar.

En plein travail de maçonnerie et enveloppée de la tête aux pieds à cause du soleil constant, Luz Mary Sobogal, une grand-mère de 61 ans, considère « qu’elle se sent privilégiée » d’être là à construire son propre logement de ses mains. Cela fait 33 ans – après être arrivée de Colombie, sa terre natale- qu’elle vit dans une maison en location avec sa famille, et se voyant dans l’obligation de payer pour quelque chose qui n’est pas à elle, elle a décidé d’intégrer le campement de pionniers.Campo-Rico-SP-134Copia

« Ici, on nous a proposé de construire un logement pour moi et mes enfants et voilà, je suis là, pour chercher à avoir un meilleur niveau de vie. Pour moi, ce modèle d’auto-construction est une bénédiction. Malgré mon âge j’ai la force nécessaire pour construire, cela m’aide à avoir beaucoup plus de courage », raconte-t-elle, enthousiaste, pour ensuite avoir de l’espoir. « Si on voit que tout le monde est en train d’avoir son logement, pourquoi ne pas avoir l’espoir que je pourrai avoir le mien ».

Le modèle d’auto-construction de logements a renforcé la capacité d’organisation des communautés, en créant de nouveaux espaces, en en finissant avec l’hégémonie des entreprises du bâtiment qui durant des années ont exploité les plus défavorisés, lesquels, sur la base de leurs besoins, ont créé des alternatives de vie dans les « barrios » de la ville. La création des campements de pionniers en est un exemple ; c’est une fierté pour beaucoup, et ceci malgré le fait que, pour ceux qui ont toujours détenu le monopole de la construction, cette révolution qui se fait avec les mains , apparaisse comme un détournement.

Source : http://www.mpcomunas.gob.ve/construyendo-un-sueno-en-manos-de-mujeres/

Texte : Diana Hernandez / Photos : Sabrina Porras

Traduction : Sylvie Carrasco

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