Nelsy Lizarazo interroge le président Correa. Photo: Walker Vizcarra.

Conférence de presse du président Correa.

Par Nelsy Lizarazo (pour Pressenza Équateur), Photos : Walker Vizcarra

Telle est la réponse qu’a formulée le président Rafael Correa à la question posée ce jour par Pressenza au cours de la conférence réunissant des membres de la presse étrangère.  Cette question concernait le nouveau modèle de production, ainsi que la contribution de celui-ci à l’orientation que l’homme d’État  équatorien a toujours donnée à de nombreuses politiques économiques du gouvernement selon le processus de révolution citoyenne, à savoir placer la notion de dignité humaine au-dessus de celle de capital.

“Nous en sommes bien conscients: sans bases matérielles adaptées, il n’y aura pas de politique sociale durable sur le long terme », a déclaré le président Correa, qui a exposé de manière succincte les trois points-clés du programme de son gouvernement. En premier lieu, il s’agit d’adopter une réforme institutionnelle – reflétée dans la Constitution de 2008 – afin de changer les relations de pouvoir. En second lieu, il est important de rétablir la confiance de la population. Les efforts ont donc dû se porter sur les politiques de la santé, de l’inclusion sociale, de l’enseignement, du travail ainsi que sur d’autres politiques sociales qui ont réalisé de grandes avancées. Concernant le troisième point-clé, il est nécessaire de “garantir la durabilité de cette nouvelle politique en faveur de l’être humain. L’État populaire n’a que partiellement vaincu l’État bourgeois. » Le président Correa a affirmé qu’il était indispensable de se tourner non seulement vers la base de production, “mais aussi vers l’humanisme, et non pas vers le néolibéralisme avec sa liberté des salaires et sa concurrence de main-d’œuvre. Il faut que nous fassions de nouvelles choses qui soient meilleures.”

Le président équatorien a lancé un avertissement face au danger du « volontarisme incompétent »: « Un humanisme sans vision ni technique peut conduire au désastre. Nous pouvons être humanistes mais aussi très pragmatiques. Aucune politique sociale ne pourra être maintenue sur le long terme sans bases matérielles adaptées. Ces dernières devront conserver elles aussi leurs traits humanistes », a expliqué le président Correa.  Il a résumé les principes du nouveau modèle de production en ces termes: “faire de nouvelles choses, des choses meilleures et à plus forte valeur ajoutée.  Augmenter les salaires. Assurer de meilleures conditions de vie à nos travailleurs. Atteindre un surplus pour conserver les acquis sociaux que nous avons instaurés au fil des ans. Que notre Constitution et notre gouvernement garantissent les droits de la population.”

Il a été posé une question concernant le processus de négociations avec l’Union européenne. Rafael Correa a alors répondu que ces négociations étaient en cours et que, comme prévu, des difficultés étaient apparues dans les relations commerciales. Ce processus a commencé selon un modèle encore plus sévère que l’ALENA. L’Équateur s’est opposé à cette demande. L’Union européenne ayant assoupli sa politique, nous avons dû revenir à la table des négociations mais “il existe des lignes rouges que nous ne sommes pas prêts à franchir.” « C’est tout un art », a expliqué le président Correa. « Il s’agit soit de libéraliser notre économie et la mener à la faillite, soit d’opter pour une politique protectionniste et promouvoir l’inefficacité.”

Concernant le système interaméricain de protection des droits de l’homme, le président Correa a déclaré sans ambiguïté qu’il était « malvenu que le siège de la Commission se trouve dans un pays n’ayant pas signé le Pacte de San José. Il s’agit purement et simplement de néocolonialisme. » L’Équateur gardera ses principes et continuera de s’exprimer haut et fort: “Gagner ou perdre, là n’est pas la question. Il y va de notre souveraineté. Par conséquent, nous n’abandonnons pas l’idée de sortir de ce système-là. » Le président Correa a exprimé son désir de faire avancer de nouveaux processus d’intégration, parce que les organes et mécanismes d’Amérique latine « n’ont pas besoin de contremaîtres.” Nous avons besoin de notre propre espace pour traiter et résoudre nos conflits, sans être obligés de nous rendre à Washington pour en discuter.”

En outre, Rafael Correa a reconnu que les relations entre l’Équateur et les États-Unis étaient actuellement tendues. De son point de vue, les USA mènent une politique gênante à l’égard de l’Amérique latine et notamment à l’égard des gouvernements progressistes. Le président a critiqué fermement l’utilisation de fonds de coopération provenant de l’Agence des États-Unis pour le développement international (agence qui n’est plus active en Équateur), les atteintes et les violations à la loi internationale et aux droits de l’homme, les pratiques d’espionnage – en un mot, le double langage de la politique internationale: “Nous ne renoncerons jamais à nos principes et, si cela crée des tensions dans nos relations avec les États-Unis, c’est regrettable”. Parallèlement, le président Correa a déjà confirmé l’exactitude des données du rapport concernant la présence de militaires à l’ambassade américaine et leur effectif (environ 50), ainsi que l’intervention du gouvernement de l’Équateur. Par ailleurs, le président a indiqué que ce dernier n’a obtenu aucune explication de la part de l’ambassade américaine au sujet du rôle de la CIA dans l’attaque contre la ville d’Angostura, parce qu’il s’agissait d’ »une question liée aux renseignements ». Encore un épisode qui a engendré des tensions dans les relations bilatérales.

Concernant d’autres points, le président a évalué très positivement l’impact de la campagne The Black Hand of Chevron, alors qu’il se heurte toujours à de nombreuses difficultés pour faire reconnaître la responsabilité de cette entreprise dans la pollution de l’environnement en Amazonie équatorienne. Rafael Correa a qualifié l’élection du pape François de “grande source d’espoir”. Il a aussi abordé le sujet de l’asile politique accordé à Julian Assange ainsi que le cas de cet homme, en expliquant que la solution à ses problèmes se trouve uniquement entre les mains de la Grande-Bretagne ou de la Suède. La coopération entre l’Équateur et Cuba était un sujet très important pour le président équatorien. Lorsqu’il a été question du trafic de drogue, Rafael Correa a reconnu l’échec des stratégies de lutte qui ont été mises en place ainsi que la nécessité d’étudier toutes les autres solutions possibles.

Traduction de l’anglais par : Y. Le Don.