La 9ème Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), poursuivie jusqu’au samedi 7 décembre, a finalement validé une série d’accords, dit paquet de Bali, au détriment des pays en développement, des populations pauvres et de ceux qui souffrent de la faim.

Faciliter les échanges au profit des multinationales

Salué comme une victoire par l’OMC permettant de débloquer l’impasse dans laquelle se trouvaient les négociations, le paquet de Bali offre un accord juridiquement contraignant sur la facilitation des échanges qui est coûteux à mettre en œuvre pour « les pays en développement » et qui assure un accès plus facile aux entreprises multinationales. La facilitation des échanges, ou l’assouplissement des procédures et des frontières douanières, avantage clairement les grandes entreprises multinationales qui contrôlent déjà les exportations et les importations. Comme le montre les données du rapport sur le commerce mondial de 2013, « 80% des exportations américaines sont dans la main d’à peine 1% des grands exportateurs, 85% des exportations européennes sont traitées par 10% des grands exportateurs tandis que 81% des exportations sont concentrées dans les cinq plus grand des entreprises exportatrices dans les pays en développement ».

Il faut y ajouter le côté hypocrite d’un accord de facilitation des échanges qui ouvre les frontières de tous les pays membres, à l’exception de Cuba, puisque l’accord ne remet pas en cause le blocus américain contre Cuba qui dure depuis soixante ans. La référence au principe de non-discrimination de l’article V du GATT de 1994 reste purement rhétorique puisqu’elle a été ajoutée dans la déclaration de Bali et non dans le texte de l’accord sur la facilitation des échanges.

Une clause de paix qui met en péril le droit à l’alimentation

En échange du coûteux et légalement contraignant accord sur la facilitation des échanges, « les pays en voie de développement » ne reçoivent rien :

  • la très mauvaise « clause de paix » viole le droit à l’alimentation et met en péril le droit à la souveraineté alimentaire puisqu’elle impose de nombreuses restrictions quant à la capacité des « pays en développement » d’apporter un soutien aux petits paysans et aux populations les plus pauvres.
  • la clause de paix ne s’applique qu’aux programmes de sécurité alimentaire de stocks publics existants qui dépassent la mesure globale de soutien (MGS) ou le soutien minimal, de minimis, à compter de la date de la décision, ce qui signifie concrètement que seule l’Inde peut utiliser cette clause et qu’aucun futur programme de sécurité alimentaire des « pays en voie développement » ne sera autorisé.
  • une solution permanente a été promise, mais qui est sujette à l’objet de négociations futures au cours des 4 prochaines années. Ce que sera cette solution permanente est très incertain.
  • plus important encore, les « pays en développement » devront reconnaître le fait de violer les règles de l’OMC avant de pouvoir appliquer la clause de paix.

Enfin, cette clause de paix est une absurdité parce qu’aucun pays ne devrait avoir à mendier le droit consistant à garantir le droit à l’alimentation. L’alimentation et l’agriculture n’auraient jamais dû être inclues dans l’OMC.

De vieilles promesses non tenues

La question de subventions à l’exportation reste une promesse. Dans la déclaration ministérielle de Hong Kong, il avait été promis que les subventions à l’exportation soient éliminées d’ici 2013. Aujourd’hui, dans le paquet de Bali, se trouve de nouveau mentionnée une promesse toute rhétorique selon laquelle « la concurrence à l’exportation reste une priorité pour le programme de travail post-Bali ».

Sur le coton, ce qui est une demande de longue date des pays africains et une promesse déjà inscrite dans la déclaration ministérielle de Hong Kong, elle n’a jamais été mise en œuvre. Aujourd’hui, le paquet de Bali fait la promesse de « discussions spécifiques » dans le post-Bali.

Le paquet de Bali comprend un accord pour les pays les moins avancés (PMA), mais avec rien de substantiel ou de significatif. Le traitement spécial et différencié et le mécanisme de contrôle sont de vieilles promesses non tenues qui restent à l’état de déclaration.

En résumé, le paquet de Bali offre un texte juridiquement contraignant sur la facilitation des échanges, une très mauvaise clause de paix sur la sécurité alimentaire qui met en péril notre droit à la souveraineté alimentaire, des déclarations et des promesses vides sur des demandes de longue date « des pays en développement » en matière de subventions à l’exportation, de coton et de développement.

Nous appellons à mettre fin à l’OMC. Nous demandons la justice économique.

L’OMC a une fois de plus démontré qu’elle est une organisation en faveur des « pays développés » et des multinationales, étendant des règles de libre-échange qui profitent seulement aux riches et qui concentrent encore plus de richesse dans les mains de quelques-uns. L’OMC n’a jamais permis et ne permettra jamais d’assurer le développement des populations.

L’OMC est une institution en faillite et délégitimée qui cherche désespérément à se relancer avec un paquet de Bali dont le coût en termes de souveraineté alimentaire, de moyens de subsistance, d’emplois et l’avenir des populations est élevé.

Nous réitérons notre appel pour mettre fin à l’OMC et à la tyrannie des régimes de libre-échange. Nous redoublons d’efforts dans la lutte contre ce système et en faveur des alternatives portées par les populations. Nous allons continuer notre lutte pour parvenir à un monde sans OMC et accords de libre-échange, et en faveur d’une économie pour la vie (Economy for Life).

Organisations signataires :

Membres de Gerak Lawan:

Indonesia for Global Justice (IGJ) – Bina Desa – Serikat Petani Indonesia (SPI) – Solidaritas Perempuan (SP) – Aliansi Petani Indonesia (API) – Indonesian Human Right Committee for Social Justice (IHCS) – Komisi untuk Orang Hilang dan Korban Kekerasan (KONTRAS) – Climate Society Forum (CSF) – Koalisi Anti Utang (KAU) – Koalisi Rakyat untuk Keadilan Perikanan (KIARA) – Institut Hijau Indonesia (IHI) – Lingkar Madani untuk Indonesia (LIMA) – Jaringan Advokasi Tambang (JATAM) – Aliansi Jurnalis Independen (AJI Jakarta) – Front Perjuangan Pemuda Indonesia (FPPI) – Lingkar Studi-Aksi untuk Demokrasi Indonesia (LS-ADI) – Serikat Nelayan Indonesia (SNI) – Kesatuan Nelayan Tradisional Indonesia (KNTI) – Serikat Buruh Indonesia (SBI) – Asosiasi Pendamping Perempuan Usaha Kecil (ASPPUK) – Perhimpunan Bantuan Hukum dan Hak Asasi Manusia Indonesia (PBHI) – Universitas Al-Azhar Indonesia (Dosen Hubungan Internasional) – Asosiasi Ekonomi-Politik Indonesia (AEPI) – Koalisi Rakyat untuk Hak Atas Air (KRuHA) – Aliansi Pemuda Pekerja Indonesia (APPI) – Migrant Care

Organisateurs de l’Assemblée des mouvements pour une Asie Alternative

Alliance of Progressive Labor, Philippines, All Nepal’s Peasants’ Federation, Assembly of the Poor, Thailand, ATTAC Japan, Bangladesh Krishok Federation, Bangladesh Kishani Sabha, Bhartiya Kisan Union, India, Coalition Against Trafficking of Women (CATW-AP), Focus on the Global South, FTA Watch Thailand, Hong Kong Confederation of Trade Unions (HKCTU), Indonesia for Global Justice, Indonesian Political Economy Association (AEPI), Koalisi Anti Utang (KAU), Indonesia, Jubilee South-Asia Pacific Movement on Debt and Development, Karnataka Rajya Raitha Sangha, Karnataka, India, Kerela Coconut Farmers Association, Kerela, India, Korean Confederation of Trade Unions (KCTU), La Via Campesina, Migrant Forum in Asia, MONLAR, Sri Lanka, Northern Peasants Federation, Thailand, NOUMINREN, Japan, Peoples Coalition for the Right to Water, Indonesia (KRuHA), Serikat Petani Indonesia (SPI), South Indian Coordination Committee of Farmers Movements (SICCFM), World March of Women-Philippines

Les alliés de la coalition ENDWTO

FairWatch Italy, ATTAC France, SENTRO-Philippines, Ecologistas en Accion, Spain, World Development Movement, Transnational Institute, Polaris Institute, Freedom from Debt Coalition Philippines, People’s Action for Change Cambodia, War on Want, Alternative Development Information Centre South Africa, Grassroots Global Justice Alliance, Popular Resistance, Sumpay Mindanao, Kilusang Maralita sa Kanayunan (KILOS KA), Migrants Rights International

Source : http://www.france.attac.org/articles/omc-un-accord-dont-les-multinationales-sont-les-grandes-gagnantes