Suspicion à mon encontre de construction illégale à Jérusalem est, et ce à plusieurs reprises.
J’ai été plutôt bien traité, j’ai même pu boire mais c’était une situation tendue. Car ce dont on m’accuse est un délit. Dans les couloirs de l’unité d’inspection des constructions du Ministère de l’Intérieur à Jérusalem, certains fonctionnaires me voient comme une épine dans leurs pieds et s’efforcent de me faire condamner. Quand je suis arrivé pour l’interrogatoire, je n’ai pu malheureusement connaître les raisons de cette mise en garde car au final je ne peux dire si j’ai été bien traité du fait de mon statut de figure publique ou si les Palestiniens reçoivent le même traitement lors d’un tel interrogatoire

Quoi qu’il en soit, je suis accusé d’avoir été directement impliqué dans la construction illégale de bâtiments auparavant démolis dans Jérusalem est, en raison d’absence de permis. Le but de l’interrogatoire était de rassembler les éléments du dossier pour que l’avocat général puisse porter cette affaire devant les tribunaux.

Je savais que cela allait arriver. Pendant des années, j’ai été actif au sein de l’ICAHD (Comité israélien contre les démolitions de maisons). J’étais également impliqué dans la reconstruction de maisons que l’État détruisait. Les maisons reconstruites sont innombrables, que ce soit en Israël ou dans les territoires occupés.

Ce qui est certain c’est qu’avec les 15 ans d’existence de l’ICAHD, plus d’un millier de maisons ont pu être reconstruites. Jamais nous n’avons caché nos activités ou agi à la manière d’un mouvement clandestin, ni ne nous sommes présentés sous couvert de faire des recherches archéologiques comme Gush Emun.
Nous avons toujours agi de avec honnêteté, droiture et pas par pure philanthropie.
Nous sommes mus par une combinaison de considérations politiques et morales afin d’exprimer notre désobéissance civile contre un phénomène que nous considérons comme un acte d’oppression. Nous dénions absolument à Israël le droit de détruire des maisons dans les territoires occupés.
Les gouvernements israéliens successifs ont poussé le camp de la paix dans les marges et désormais les individus dotés d’un sens moral doivent faire des choix guidés par leur conscience. Au vu des droits de l’Homme piétinés tous les jours et à grande échelle dans les territoires occupés, nous avions besoin d’actions différentes des manifestations, lesquelles sont dépourvues de force et servent surtout à relâcher la pression.

Tous les jours, l’État dépasse sans vergogne les limites, ayant perdu le peu de pudeur qu’il avait, depuis que des figures pathétiques telles que celles de Liberman et son espèce sont arrivées au pouvoir. Dans la situation actuelle qui est immorale, les gens de conscience doivent jouer un rôle actif. Comme dit le proverbe : « Quand les gens disparaissent, tu dois être un être humain. ». Nous essayons de rester humains dans des circonstances où l’humanité se raréfie.
Ces jours-ci, alors qu’un drapeau noir flotte par-dessus nos têtes, la désobéissance civile constitue la seule option qui reste pour les gens de conscience, où qu’ils se trouvent.

Chacun doit faire de son mieux pour rester debout et dire « plus jamais ». Il y a des choses qu’une personne respectable doit refuser de faire et des lois que les individus moraux doivent enfreindre, même s’ils doivent en payer le prix.
En effet, les actes de la désobéissance civile se produisent chaque jour : des militants entrent dans les zones sous autorité palestinienne dont l’accès leur est interdit, afin de rencontrer des pacifistes palestiniens, des jeunes refusent d’accomplir leur service militaire pour des raisons morales, des femmes qui emmènent des filles palestiniennes en Israël pour voir à quoi ressemble vraiment la mer, d’anciens combattants brisent le silence et rendent compte des violences exercées par l’armée dans les territoires occupés, et toute une série d’actions servent à fragiliser par l’intérieur les fondements de l’occupation.
Dans son ouvrage, « Les colons et les colonisés », Albert Memmi écrit : « Certains individus sont surpris par la violence des colons envers ceux qui mettent en danger l’occupation parce que les opposants à l’occupation sont des menaces aux valeurs que celle-ci prétend représenter. »

Et cela explique exactement ce qui sous-tend la campagne maccarthyste engagée contre nous.
Affrontant l’ordre établi, indifférent, qui ne connaît aucune limite, les gens sains d’esprit ont formé un mouvement qui sape les fondations de l’occupation et érode la légitimité que l’occupation s’octroie elle-même.

La réponse au piétinement des droits de l’Homme dans tout Israël, est le refus d’obéir.
Lorsque le pays exige de la discipline, nous refusons de nous discipliner, et nous faisons savoir haut et fort notre refus de nous montrer fidèles à un État qui agit de la sorte. C’est ainsi que nous gardons notre humanité.
Les historiens diront un jour qu’en cette sombre époque, lorsqu’Israël s’est montré comme l’un des pires États au monde, une poignée d’activistes s’est formée à contre-courant, est restée forte et a sauvé le pays de la ruine.
C’est ainsi que nous préparons le terrain pour des jours meilleurs, parce que cette sombre vague droitière ne durera pas. Quand elle sera sur le déclin, nous pourrons lever nos têtes et reconstruire sur les ruines abandonnées par la droite qui a tout saccagé. Et à ce propos, nous ne l’avons pas inventé mais les prophètes Jérémie et Isaïe l’ont dit bien avant nous.

L’auteur, titulaire d’un doctorat, a été actif au sein de l’ICAHD. Il est actuellement membre de la Mairie de Jérusalem pour le parti Meretz et détient le portefeuille de Jérusalem est. Il a été récemment interrogé par le Ministère de l’Intérieur pour avoir reconstruit sans permis des maisons détruites pour des Palestiniens à Jérusalem est.

Traduction : Chloé Cormier