[http://media.washtimes.com/media/community/image/2012/03/07/kony_2012_by_ads2142-d4s21oe.jpg](http://media.washtimes.com/media/community/image/2012/03/07/kony_2012_by_ads2142-d4s21oe.jpg)

On peut observer une série d’éléments intéressants :

Au niveau le plus superficiel, beaucoup de critiques se sont concentrées sur « Invisible Children », l’ONG qui a produit le clip video, et sur ses comptes financiers (environ 30% seulement des donations sont réellement dépensées pour les projets locaux en Ouganda). Peut-être plus intéressante est l’origine chrétienne évangélique de l’ONG et sa conception de l’activisme.

Dans un article publié sur le site Web [L’Afrique est un pays](http://africasacountry.com/2012/03/13/the-invisible-christians-of-kony2012/), B.E. Wilson sur AlterNet explique qu’il a examiné les dossiers fiscaux de l’ONG et a découvert que le groupe a été financé par une foule de groupes chrétiens de la droite dure, y compris la National Christian Foundation et la Caster Family Foundation, un des plus grands supporters de la campagne pour la Proposition 8 (homophobe) en Californie.

« Invisible Children » est une ONG de tradition missionnaire évangélique américaine qui, pendant des années, s’est concentrée de plus en plus sur l’Ouganda et a essayé de trouver de nouveaux genres de travail missionnaire, depuis que la conversion de la population n’est plus considérée comme l’objectif fondamental. Une option a été de fomenter l’homophobie. Une autre, de tourner des documentaires et des vidéos (comme Kony 2012) encourageant vivement les jeunes à faire campagne pour que l’Amérique entame une autre guerre.

Un deuxième niveau de critique s’alimente de la distorsion, de la simplification extrême de la video : centrage de façon presque perverse sur la représentation de Joseph Kony comme le diable personnifié (sur certaines affiches, son visage apparaît avec Hitler et Ben Laden) et brouillage du contexte (les performances du régime ougandais lui-même en matière de droits de l’homme, etc.) En réalité, toute la vidéo peut être résumée dans le message « attrapons le salaud ! ». Dans cette représentation, la population d’Ouganda est cantonnée à l’arrière-plan comme une masse indifférenciée de pauvres Africains qui ont besoin de notre aide. L’aide prend alors la forme très concrète d’une assistance militaire à l’armée ougandaise, ou peut-être de l’usage de drones pour viser et tuer Kony.

Cependant, le plus intéressant dans tout cela est d’y percevoir une indication de l’évolution possible du discours sur les Droits de l’homme et de l’activisme pour le développement. Il est facile de voir ici l’influence puissante de la décennie de « guerre mondiale contre la terreur », sa représentation manichéenne de la réalité comme une lutte entre « le bien » et « le mal ». Dans ce sens, la vidéo ne parle pas vraiment d’Ouganda ou d’un vrai monstre tel que Kony, mais suggère la question « Qui sommes-nous ? » (nous, spectateurs de la classe moyenne, majoritairement blancs) dans un climat d’auto-satisfaction morale intense. Pas une mauvaise affaire, puisque cela coûte seulement le temps d’un « j’aime » ou « partager » sur facebook, ou l’achat d’un chouette bracelet ou t-shirt.

En tous cas, la vidéo a ouvert un espace de discussion qui n’existait pas sur ces questions. De plus et sur un plan plus pratique, il y a sans aucun doute un enseignement important à tirer de l’usage avisé du marketing « viral » et des réseaux sociaux. Cette vidéo est intéressante comme exemple de l’appel idéologique moderne à l’action, transcendant apparemment la politique (voyez l’affiche où fusionnent l’âne qui représente les démocrates et l’éléphant qui représente les républicains) et s’adressant davantage à la morale. Un masque révolutionnaire (les images dans la vidéo de jeunes gens qui écrivent sur les murs ou participent aux manifestations) pour un contenu profondément réactionnaire (ne remettant jamais en question l’ordre socio-économique dominant, mais le reproduisant plutôt).
[http://vimeo.com/37119711](http://vimeo.com/37119711)